En Mauritanie, des législatives dans l’ombre de la présidence

En apparence, les élections législatives mauritaniennes de samedi ont une envergure nouvelle. Le nombre record de partis (98), la suppression l’an dernier du Sénat (censée renforcer le rôle de l’Assemblée) et la participation des principales formations d’opposition (qui avaient boycotté les précédents scrutins) auraient pu susciter un regain d’intérêt politique pour les 1,4 million de Mauritaniens inscrits sur les listes électorales. Les meetings de campagne ont pourtant été rachitiques.

«C’est un moment de grande dépense collective d’énergie et d’argent, mais qui sert avant tout à relégitimer en interne le parti au pouvoir, explique Abdel Wedoud Ould Cheikh, professeur émérite des universités. Les hommes d’affaires investissent et participent à ces rassemblements dans une démarche d’allégeance au chef de l’Etat.» La formation présidentielle, l’Union pour la république, est la favorite du scrutin. «Ce n’est pas un parti, mais un cartel d’intérêts, une fédération de notables rassemblés derrière le président Ould Abdel Aziz, poursuit le chercheur. Il va surtout faire de ces législatives un galop d’essai pour la présidentielle de 2019, il en tirera des leçons pour perpétuer son pouvoir.»

Mohamed Ould Abdel Aziz, un général arrivé à la tête du pays par un coup d’Etat en 2008, puis élu en 2009 et réélu en 2014, a annoncé à plusieurs reprises qu’il ne briguerait pas de troisième mandat (conformément à la Constitution). Mais son implication personnelle dans la campagne législative et les déclarations ambiguës de ses ministres font douter ses adversaires de sa sincérité. Face à lui, le parti islamiste Tawassoul, proche des Frères musulmans, première formation d’opposition au Parlement, pourrait poursuivre sa percée amorcée en 2013 dans ce pays désertique très conservateur et de plus en plus urbanisé. De son côté, l’économiste Ahmed Ould Daddah, figure historique de l’opposition et chef du Rassemblement pour la démocratie, a misé sur une stratégie d’alliance au second tour avec d’autres formations appelant à «balayer le régime de la dictature et de la faillite généralisée». Les failles de l’état-civil mauritanien, l’absence d’observateurs internationaux et les manières brutales du pouvoir (notamment l’arrestation du célèbre militant anti-esclavagiste Biram Dah Abeid, par ailleurs candidat) leur laissent pourtant un espoir limité.

Célian Macé
Source : Libération (France)

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