Quand Dieu parle au Marocain pour l’informer de ses sentences

Je remarque que les relations marocaines sont souvent basées sur la culpabilité et la peur du châtiment divin: « radi y’kha’raj fik Allah d’noubi »(1). Si un accident, une maladie ou une catastrophe frappe quelqu’un, nous entendons son entourage répéter « kh’r’jou fih d’noube Allah »(2) ou encore « kh’r’jou fih d’noube Khadija »(3), par exemple. Le Marocain craint plus ces superstitions que Dieu lui-même.

 

Cependant, le Marocain ne ressent aucune culpabilité vis-à- vis de son pays et personne n’a peur que « y’khrjou fih d’noube daoula »(4), prétextant sa malhonnêteté vis-à-vis de son pays par la croyance selon laquelle « Dieu châtirait ce gouvernement pour le mal fait à ses citoyens ». Une croyance en ces superstitions qui souligne que le Marocain est encore immature et croit à tout ce qui est fantastique!

Ce qui est également grave, c’est le fait d’accuser Dieu de châtier telle ou telle personne, ou de se venger pour une autre. J’ai l’impression que le Marocain se rend régulièrement chez Dieu, cause avec lui et s’informe sur qui va être châtié et de quelle manière. Comment ose-t-il accuser Dieu de vengeur? Et quelles sont les causes de cette croyance et de ces superstitions?

1- Le Marocain interprète la description d’un Dieu vengeur et fait de chaque catastrophe arrivant à une personne une sorte de vengeance divine.

2- L’éducation religieuse est basée sur la peur de la punition et non sur l’amour de Dieu.

3- Le concept de l’enfer: l’enfant n’apprend pas que contenter Dieu implique le développement de ses propres capacités à servir l’humanité et le fait de cultiver des valeurs morales, mais apprend plutôt qu’il doit contenter Dieu pour échapper à l’enfer.

4- Le concept de la vengeance de Dieu sur terre: le Marocain croit que tout ce qui nous arrive comme souffrance et misère est une punition divine et non une conséquence de nos actions.

5- L’éducation est basée sur la culpabilité parentale: la mère marocaine se plaignant constamment auprès de ses enfant, avec la phrase « j’ai sacrifié ma vie pour vous » et, bien entendu, le fameux « 3’n’dak, d’noube l’walidine s3abe »(5)

6- L’utilisation de la figure d’un Dieu vengeur (Dieu se venge pour le majdoub(6), pour le ch’rif(7), pour « 7amil coran »(8)) comme un moyen d’emprise sur le Marocain pour l’exploiter financièrement et intellectuellement. Pour cette raison ont été créées toutes les superstitions et les histoires religieuses fantastiques se racontant à toutes les occasions par des théologiens autoproclamés ayant la baraka(10).

7- La répression des sciences, de la philosophie, de la modernité de la pensée. Ces disciplines sont considérées contre la religion de Dieu et ses adhérents se verront punir par Dieu.

8- Le concept de la déstabilisation de la foi et de la sécurité spirituelle a renforcé le mythe du « Tais-toi et crains Dieu » et du « Tais-toi! Ce que tu dis peut faire de toi un mécréant aux yeux de Dieu ». Ce concept empêche alors le discours d’amour, de dialogue, de sagesse, de la critique, de l’analyse, de la remise en question de la foi et des religions, de la liberté de penser et d’expression, de prendre place et se développer.

En réalité, la pensée du Marocain ne s’est pas développée dans le sens de la connaissance de Dieu. En effet, arrivé à ce stade, chaque Marocain va établir sa propre relation avec Dieu et par conséquent n’aura plus besoin de f’kih (prêtre). Il sera libre dans sa vie, les superstitions et les croyances fantastiques disparaîtront, le poussant à reconnaître que « la catastrophe est le résultat de mes actions », assumant ainsi sa responsabilité.

(1) « Tu verras, Dieu te châtiera pour ce que tu m’as fait »
(2) C’est le châtiment divin
(3) Khadija a été vengée par Dieu
(4) Dieu le châtie pour le mal qu’il a fait à son pays
(5) Prends garde, sévère est le châtiment divin pour qui maltraite ses parents
(6) Illuminé ayant une relation privilégiée avec Dieu
(7) Descendant du prophète. Le mécontenter, c’est risquer d’être châtié
(8) Celui qui récite par cœur le coran
(10) Bénédiction divine

 

Jaouad Mabrouki

Psychiatre, psychanalyste

 

 

Source : HuffPost Maghreb Maroc (Le 09 janvier 2018)

 

 

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