Angela Merkel se retrouve confrontée à sa plus grave crise politique

L’échec gouvernemental de dimanche à Berlin est aussi un rude échec personnel pour la chancelière allemande. Après douze ans au pouvoir, ces négociations ratées pourraient signer la fin de sa carrière politique.

 

«Pas de projet, pas d’imagination, pas même une tentative sérieuse» pour «développer une idée commune». Résultat, «tout le monde a perdu» après que les libéraux du FDP ont rompu les discussions cette nuit, tranche la Süddeutsche Zeitung (SZ). C’est un échec cuisant, pas loin du mat. Ce dimanche soir, les négociations pour former un gouvernement en Allemagne se sont achevées dans la débâcle. Faute d’alternative, la première puissance économique européenne se prépare à plusieurs semaines ou mois de paralysie politique, sur le plan national comme en Europe, ce qui pourrait à terme signer la fin de la carrière politique de la chancelière actuelle, Angela Merkel.

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Au final, les Allemands pourraient donc devoir retourner aux urnes en début d’année prochaine, alors qu’ils viennent d’élire leurs nouveaux députés au Bundestag il y a deux mois. «Le chemin sera compliqué, mais il est vraisemblable», et il représente un boulevard pour les populistes de l’AfD, aux yeux de la Berliner Zeitung. La gauche de son côté, par la voix de Die Linke, exige déjà de nouvelles élections, dans Neues Deutschland.

Depuis plus de trente jours et lors de ce dernier week-end marathon, la cheffe du gouvernement négociait une coalition contre-nature et encore jamais expérimentée au plan national entre son parti conservateur (CDU-CSU), le FDP et les Verts, mais «sans confiance». Il n’y a «que des perdants», déplore le Spiegel. «Bien sûr, ce projet représentait «une constellation inhabituelle», mais «la seule querelle de chapelles, à peine voilée, entre la CDU et la CSU compliquait déjà la position de départ».

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Au bout du compte, c’est principalement sur la question de l’immigration et des suites de la politique généreuse d’accueil des demandeurs d’asile de la chancelière que les tractations ont buté. Elle a «refermé la porte de la première coalition multipartite allemande», selon le commentaire à chaud de Die Welt, qui estime que la chancelière «échappe désormais au fardeau d’avoir à modérer» un quatuor brinquebalant «pendant quatre ans». Les questions environnementales ont constitué l’autre grand sujet de discorde entre les Verts et les autres partis.

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Quelle issue, alors, désormais? Angela Merkel a dit vouloir consulter lundi le président fédéral, Frank-Walter Steinmeier, à qui la Constitution confère un rôle clé pour les choix à venir. C’est «l’homme du moment, […] il en va du sort de l’Allemagne, de sa stabilité intérieure et de sa réputation dans le monde, alors que rien ne semblait pouvoir l’ébranler jusqu’ici», écrit le Tagesspiegel. Qui prêche, dans le désert, pour une alliance avec les sociaux-démocrates du SPD.

Car la chancelière pourrait, forte de la Loi fondamentale qui ne fixe pas de limite pour la formation d’un gouvernement – en théorie, du moins, et après une pause – faire une nouvelle tentative de coalition avec les mêmes quatre partis. Ou avec d’autres, comme les sociaux-démocrates, mais compte tenu des divisions, la tâche s’annonce rude. Et de toute manière, le SPD ne cesse de répéter sa volonté de faire une cure d’opposition. «Même sans Merkel, il ne participera à aucune coalition», fait remarquer la Frankfurter Allgemeine Zeitung.

«La grande Allemagne, l’Etat qui peut se targuer de la plus grande réussite en Europe, l’un des plus importants sur la scène mondiale», poursuit cérémonieusement la SZ, «n’est pas seulement sans nouveau gouvernement, elle offre le spectacle inédit de son incapacité à résoudre des problèmes loin d’être insolubles. C’est politiquement problématique, alors qu’elle pourrait facilement continuer à rayonner. L’économie allemande ne comprendra pas cela, elle va exprimer sa colère.» Alors, «et maintenant, Mme Merkel?» interpelle donc le Stern.

«Et maintenant?» c’est aussi la question que pose Die Zeit, en pointant du doigt le problème de cette Loi fondamentale «conçue plus pour éviter de nouvelles élections». Par conséquent, elle prévoit l’élection d’un chancelier «dans les circonstances actuelles». Pour cela, le président de la République fédérale «doit proposer une personne» que la supposée majorité, «soit plus de la moitié des membres du Bundestag», est censée élire. D’ailleurs, «jusqu’à présent, tous les chanceliers de l’histoire de la République fédérale ont été élus au premier tour de scrutin».

«Schluss! Aus! Vorbei!» s’exclame enfin le Bild sur la page d’accueil de son site internet. Dans un commentaire dont la brièveté ne vise qu’à mettre en accusation directe les démocrates-chrétiens bavarois, il use lui aussi de la formule «tout le monde a perdu»: si «les Verts n’ont pas eu le courage de sortir de leurs ornières et le FDP non plus, c’est dommage». Mais «la grande CDU, cependant, a été prise en otage par la petite CSU, paniquée, […] dont la générosité chrétienne s’est transformée en petitesse et en dureté. Bien qu’environ un million de réfugiés, ce fût trop en 2015, les 50 000 à 60 000 femmes et enfants accueillis, en fin de compte, ce n’est pas assez. En tout cas pas assez pour laisser le pays le plus important d’Europe sans gouvernement».

 

Olivier Perrin

 

Source :  LeTemps (Suisse)

 

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