La France et ses intérêts en Afrique sous surveillance

Plusieurs ambassades françaises ou encore Médecins du Monde ont été visées par la surveillance des agences britanniques et américaines.

Si les services secrets britanniques privilégient les interceptions massives en Afrique anglophone, ils ne s’interdisent pas de lorgner sur le pré carré français, à commencer par le ministère des affaires étrangères dont la ligne fixe du standard figure dans les rapports d’écoute, comme celles de la Direction générale de la coopération internationale et du développement (DGCID, devenue Direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats). Autant de portes d’entrée électroniques vers les différents services de la diplomatie française.

English version :   Britain spied on companies, diplomats and politicians in French-speaking Africa

Selon des relevés d’interceptions de janvier et février 2009 extraits par Le Monde, en collaboration avec le site The Intercept, des archives de l’ex-consultant de la NSA Edward Snowden confiées à Glenn Greenwald et Laura Poitras, le cœur même de la diplomatie française a été visé. Sur des relevés du 30 janvier 2009 figurent également les traces d’écoutes sur les négociations sensibles, suivies en temps réel, par les agents britanniques pour la libération de six Français du groupe Bourbon, brièvement enlevés puis relâchés en novembre 2008 à Bakassi, dans les eaux camerounaises frontalières du Nigeria.

Lire aussi :   La réponse de la NSA et du GCHQ aux révélations du « Monde »

Enjeux énergétiques et miniers

Les ambassades en Afrique ne sont évidemment pas épargnées. L’ambassade de France à N’Djamena a été surveillée, de même que celles de Niamey et de Kinshasa. Les numéros de portable des ambassadeurs et leurs adresses de courriel figurent sur les relevés d’interceptions auxquels Le Monde a eu accès.

Les grands groupes français présents en Afrique suscitent un intérêt particulier des services britanniques. A Paris, des lignes fixes et le portable d’un fonctionnaire ont été inscrits dans les objectifs d’interceptions datés de janvier 2009 sous l’intitulé « Matignon » ; les standards du groupe pétrolier Total et du groupe de défense Thalès ont fait l’objet d’interceptions selon un document daté du 22 janvier 2009, de même que les messages électroniques envoyés et reçus par Médecins du monde.

Les Français occupant des fonctions stratégiques au sein des organisations internationales ont aussi été visés. Pascal Lamy est de ceux-là. Directeur général de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) depuis 2005, le socialiste français a été espionné en mars 2009, à la fin de son premier mandat. Début mars, alors que les documents du GCHQ dont Le Monde a pris connaissance font état d’une connexion à son e-mail et à son téléphone, Pascal Lamy est en Océanie, et plus précisément chez des sujets de la Couronne britannique. Le 2 mars, il a prononcé un discours au Lowy Institute de Sydney (Australie) sur les subventions apportées aux producteurs africains de coton. Trois jours après, il est accueilli au Parlement néo-zélandais. Mais il y a plus important aux yeux des Britanniques.

Arguments connus en amont

L’OMC s’apprête à communiquer sur le recul du commerce mondial en pleine période de récession à la suite de la crise financière mondiale, alors que, de son côté, Londres doit accueillir le sommet du G20 le 2 avril. Le succès du sommet, qui doit être présidé par le premier ministre d’alors, Gordon Brown, dépend de l’avancée des négociations sur la relance de l’économie mondiale. Pascal Lamy espère qu’elles seront l’occasion de prendre les décisions nécessaires, et entend durcir le ton pour éviter de nouvelles mesures protectionnistes. Connaître en amont ses arguments permettait à coup sûr de faire de ce G20 une réussite. Ce qui, de l’aveu des observateurs, a été le cas.

Tout à leur volonté d’anticiper les positions des uns et des autres sur les grandes questions commerciales, les services de renseignement du Royaume-Uni se sont intéressés, en décembre 2008, à la ligne d’Emmanuel Glimet, le directeur de cabinet de la secrétaire d’Etat au commerce extérieur, Anne-Marie Idrac, mais aussi directeur adjoint du cabinet de Christine Lagarde, alors ministre de l’économie. Elle aussi préparait les prochaines rencontres internationales et cherchait des solutions pour rassurer les marchés financiers frappés de plein fouet par la crise venue d’Amérique.

De nombreuses ambassades à Paris et leurs diplomates ont également été espionnés par les satellites des services secrets britanniques.

 

 

Source : Le Monde

 

Diffusion partielle ou totale interdite sans la mention : Source : www.kassataya.com

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page