Démagogie et surenchère

Des voix s'élèvent pour dénoncer toute "tentative de toucher à la Constitution".  Comme si on pouvait aujourd'hui (ou demain) faire les réformes nécessaires pour améliorer le système politique mauritanien sans changer le texte fondamental.

Rien de ce que demande – officiellement du moins – l'élite politique ne peut se faire sans "toucher" à la Constitution.

Jamais ces voix "indignées" n'ont été aussi fortes qu'à présent. Ni quand l'article 104 a été frauduleusement ajouté aux 103 articles de la Constitution de juillet 1991 rendant caduques toutes les dispositions garantissant les libertés publiques. Ni quand il y a eu les réformes de 2006.

On objecte aussi le manque de consensus en oubliant que la Mauritanie n'a jamais été aussi divisée qu'en juillet 1991, quand le CMSN de l'époque proposait le premier texte fondant la nouvelle démocratie. Le pays sortait alors de l'époque noire des exactions dont furent victimes toutes les organisations politiques et qui a été caractérisé par une volonté manifeste d'en découdre avec la communauté Pulhaar (purge au sein de l'Armée et de l'Administration, expropriation et expulsion des populations vers les pays voisins…).

Aucune de ces voix, assourdissantes aujourd'hui, n'a fait semblant de dénoncer quand le pays était effectivement divisé et que l'Autocratie de l'époque imposait son agenda et son texte. Pire, la plupart de ces gens – en tout cas ceux qui revendiquent la légitimité de parler "objectivement" aujourd'hui -, la plupart d'entre eux ont aidé à "tripatouiller" la Constitution, ont justifié et défendu toutes les fraudes et tous les arbitraires.

Il est vrai cependant que toute la classe politique et intellectuelle doit se mobiliser en ces heures déterminantes pour empêcher les dérives. La réforme constitutionnelle envisagée doit nécessairement aboutir à une refonte du système politique pour d'une part supprimer les institutions superflues et d'autre part renforcer le système de participation et de représentation.

La Médiature de la République et le Haut Conseil Islamique n'ont jamais fonctionné normalement. Alors que le Haut Conseil de la Fatwa et des Recours Gracieux, institution beaucoup plus récente, semble mieux adapté et plus efficient. Donc une redondance coûteuse et inutile.

La création des Conseils locaux et la régionalisation qui risque de s'en suivre, remet en cause la logique qui fait exister le Conseil économique et social d'aucun apport jusqu'à présent. En effet, les politiques de développement économique et social seront proposées à partir du local et des régions, le besoin d'un Conseil national n'a pas lieu.

Le renforcement de la Commission électorale indépendante et l'élargissement éventuel de sa composition et de ses prérogatives, ne peuvent se faire sans toucher au texte fondamental. Les réformes nécessaires au niveau du Conseil Constitutionnel notamment dans le mode de désignation de son président et de ses membres dépendent aussi de la révision du texte. Tout comme la CENI, la Haute Autorité de la Presse et de l'Audiovisuelle (HAPA) qui doit puiser sa légitimité de l'Autorité que lui confère le texte constitutionnel. Ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Le renforcement des pouvoirs législatifs et exécutifs ne peut se décider qu'au niveau du texte constitutionnel…

Rien, absolument rien de ce qui est exigible aujourd'hui – de ce qui est attendu et espéré – ne peut se faire sans "toucher" au texte fondamental. La revendication "touches pas à ma Constitution" relève de la démagogie et de la surenchère. Surtout qu'il n'est pas question de changer les articles dits "intouchables" pour ce qu'ils garantissent d'alternance : la limitation de l'âge est aussi décisive que celle des mandats dans le dispositif actuel.

Le dialogue en cours doit servir justement à proposer quelque chose qui rassemble. Pour ce faire les propositions doivent rassurer.

Le poste de vice-président, le changement du drapeau, de l'hymne, du nom du pays, de la limite d'âge, du nombre des mandats… sont des artifices ne menant nulle part. Evitons les et tout sera envisageable.

 

Ould Omeïr Mohamed Fall

Facebook – Le 6 octobre 2016

 

Les opinions exprimées dans cette rubrique n'engagent que leurs auteurs. Elles ne reflètent en aucune manière la position de www.kassataya.com

Diffusion partielle ou totale interdite sans la mention : Source : www.kassataya.com

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page