Hollande impose la déchéance de la nationalité

Le texte présenté mercredi 23 décembre au conseil des ministres constitutionnalise l'état d'urgence.

L'extension de la déchéance de nationalité pour les binationaux nés Français reconnus coupables de faits de terrorisme figure bien dans le " projet de loi constitutionnelle de protection de la nation ", présenté mercredi 23  décembre au conseil des ministres.

Et ce, alors que plusieurs rumeurs et informations de presse laissaient entendre que le gouvernement se préparait à reculer sur cette disposition symbolique et extrêmement controversée, annoncée par François Hollande dans son discours de " guerre " prononcé devant le Congrès réuni à Versailles le 16 novembre. " Le président et le premier ministre étaient fermement décidés à tenir bon par rapport à l'engagement fixé dans son discours au Congrès ", explique-t-on à l'Elysée. " L'enjeu était le respect de la parole politique du président ", confirme-t-on à Matignon.

Adapter ce régime

C'est ce paramètre qui, dans la délicate équation politique posée par cette question, a primé. Bien davantage que les remous qu'elle ne manquera pas, à gauche, de susciter. " Nous devons pouvoir déchoir de sa nationalité française un individu condamné pour une atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation ou un acte de terrorisme, même s'il est né français, je dis bien, même s'il est né français, dès lors qu'il bénéficie d'une autre nationalité ", avait insisté François Hollande devant le Congrès.

L'objectif politique de la manœuvre était bien sûr d'offrir l'image, à travers cette proposition mais également celle de la constitutionnalisation de l'état d'urgence, d'un incontestable durcissement sécuritaire après les 130 morts du 13  novembre. Et, aussi, celle d'un exécutif ouvert à toutes propositions et prêt à réellement appliquer le principe de l'union sacrée post-attentats.

L'article  1 du projet de réforme constitutionnelle porte sur l'état d'urgence. Il suit l'avis du Conseil d'Etat d'adapter ce régime datant de 1955, et de le constitutionnaliser afin d'éviter toute mise en défaut, notamment par le biais d'une question prioritaire de constitutionnalité. " Quand on a un régime dérogatoire et d'exception, dans une démocratie, on respecte la hiérarchie des normes. Les régimes d'exception doivent donc être inscrits dans la Constitution ", indique-t-on à Matignon. Le gouvernement propose de constitutionnaliser ces conditions de déclenchement de l'état d'urgence, qui doivent rester exceptionnelles et bien encadrées. " Il ne s'agit absolument pas de dériver vers l'état d'urgence permanent ", poursuit la même source. Il suit l'avis du Conseil d'Etat, peu favorable à un dispositif de sortie progressive de l'état d'urgence.

En cas de " crime terroriste "

C'est néanmoins évidemment l'article  2 qui est le plus spectaculaire, et qui se révélera vite le plus polémique : la déchéance de nationalité pour les binationaux nés français, inscrite dans la révision de la Constitution. Celle-ci ne sera possible qu'en cas de " crime terroriste ", et non de délit, après une " décision de justice exécutoire ". Là encore, l'exécutif suit l'avis du Conseil d'Etat, qui ne s'était pas opposé à une mesure avant tout symbolique. " Mais les symboles, dans la République, ça compte, explique Matignon. C'est une sanction lourde que la nation a légitimement le droit d'infliger à des gens qui commettent des actes terroristes, qui ont trahi et renié la nation. Celle-ci a le droit de se défendre. " Et ce conseiller, par avance, de contester l'argument d'une citoyenneté de seconde zone : " Il ne s'agit pas de créer deux catégories de Français. La rupture d'égalité existe déjà entre les binationaux, ceux nés étrangers qui peuvent être déchus, et ceux nés français qui ne pouvaient l'être. "

Après que le Conseil d'Etat, le 11  novembre, donne un avis favorable à la déchéance, le premier ministre et le ministre de l'intérieur semblent laisser filtrer quelques doutes. Au point que quand elle s'envole en voyage officiel en Algérie, dimanche  20 et lundi 21  décembre, la ministre de la justice pense la mesure définitivement enterrée. Elle l'assure même à la radio algérienne Chaîne 3, qui a diffusé son intervention mardi 22  décembre : " Je vous indique par exemple que le projet de révision constitutionnelle qui sera présenté en conseil des ministres mercredi ne retient pas cette disposition. "

Il n'en est rien. Mardi 22  décembre au matin, au petit-déjeuner de la majorité, Manuel Valls rappelait aux participants que la décision n'était " pas encore prise ".

En réalité, elle a été finalisée lundi soir, en tête à tête, entre François Hollande et Manuel Valls. " Sur ce genre de sujet, c'est le couple exécutif qui tient tous les bouts de la décision ", confirme l'Elysée. Entre faire taire la droite, qui hurlait déjà au renoncement et au dédit, et faire hurler la gauche, déjà vent debout contre la proposition, le duo Hollande-Valls a tranché.

L'annonce était politiquement spectaculaire, une reculade eut été plus éclatante encore. " Une partie de la gauche peut tout à fait émettre son opinion, on l'écoute, on l'entend. Mais tout cela fait suite au meurtre de 130 personnes dans les rues de Paris. Face à cette horreur, nous avons pris des décisions fortes, courageuses, importantes. Les Français attendent des réponses fortes, y compris celle-ci. " Ce n'est pas forcément le cas de Christiane Taubira, pour laquelle cette décision constitue un casus belli.

David Revault d'Allonnes

 

Source : Le Monde

 

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