Deux chefs hutus rwandais condamnés en Allemagne dans un procès inédit

Ignace Murwanashyaka et Straton Musoni, deux chefs de la rébellion hutue au Rwanda ont été condamnés lundi à 13 et 8 ans de prison en Allemagne. Les deux hommes étaient accusés de crimes orchestrés depuis l’Allemagne.

"C’est la première fois que les victimes de l’est de la République démocratique du Congo obtiennent justice pour les crimes subis […] C’est une avancée énorme pour la justice". Anneke Van Woudenberg, la directrice adjointe pour la division Afrique de Human Rights Watch, ne cache pas son enthousiasme après la condamnation, en Allemagne, de deux chefs de la rébellion hutue au Rwanda.

Le verdict dans le procès d’Ignace Murwanashyaka et Straton Musoni est tombé lundi 28 septembre. Les deux responsables des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) ont été condamnés par le tribunal de Stuttgart à 13 et 8 ans de prison respectivement pour des crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis entre janvier 2008 et juillet 2009 en République démocratique du Congo (RDC). Des crimes qu’ils ont diligentés depuis l’Allemagne.

Julien Paluku, le gouverneur du Nord-Kivu, province de l'est congolais où sévissent encore les FDLR, a souligné que le verdict satisfaisait "l'ensemble de la population du Nord-Kivu". Mais "d'autres criminels qui circulent encore devront subir le même sort", estime-t-il.

Cette condamnation résulte de l’application – pour la première fois en Allemagne – du Code sur les crimes violant le droit international (CCVDI), qui a permis au tribunal de Stuttgart de juger des criminels non-allemands pour des crimes commis à des milliers de kilomètres, à l’encontre de ressortissants non-allemands.

Adopté le 30 juin 2002, l’article 1er du CCVDI "instaure une compétence universelle dans les domaines qu’il prévoit sans qu’aucun point de rattachement ne soit requis", selon le centre de droit international de l’Université libre de Bruxelles.

Ressortissants rwandais installés en Allemagne

Installé en Allemagne depuis 1989, Ignace Murwanashyaka y a étudié l’économie avant d’obtenir l’asile en 2000. Selon Human Rights Watch, il s’engage ensuite en politique au sein de la diaspora hutue rwandaise après le génocide de 1994. En 2001, il est élu à la tête du FDLR, puis réélu en 2005. Straton Musoni, lui aussi ressortissant rwandais, est son adjoint depuis 2004.

En 2005, le nom d’Ignace Murwanashyaka apparaît sur la liste établie par le Conseil de sécurité de l’ONU de rebelles hutus et de miliciens congolais visés par un gel des avoirs et une interdiction de voyager. "En 2006, le procureur fédéral allemand entame une enquête préliminaire à l’encontre de Murwanashyaka quant à des allégations de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité", explique l’Université libre de Bruxelles.

Arrêtés le 17 novembre 2009 en Allemagne, les deux hommes sont inculpés en décembre 2010 par le procureur auprès du tribunal de Stuttgart, de crimes contre l’humanité, crimes de guerre et appartenance à un groupe terroriste étranger.

Il a pu être établi que les deux hommes ont exercé depuis l’Allemagne un rôle clé dans les violences perpétrées dans l’est de la RDC. Human Rights Watch évoque une "catastrophe humanitaire" rendue possible grâce aux ordres donnés par Murwanashyaka et Musoni. Cette stratégie "aurait été destinée à forcer la communauté internationale à réagir et à pousser le gouvernement rwandais à négocier avec les FDLR", ajoute l’ONG.

"Lutte contre l’impunité"

Le procès de deux hommes s’ouvre en 2011 et incarne pour les familles des victimes et les ONG l’espoir que justice soit enfin rendue. "Le procès de Murwanashyaka et de Musoni est une puissante démonstration du rôle déterminant que peuvent jouer les tribunaux dans la lutte contre l'impunité, même si ces cours sont situées à des milliers de kilomètres de l'endroit où se sont produites les atrocités", avait alors déclaré alors Géraldine Mattioli-Zeltner, directrice de plaidoyer au programme de justice internationale de Human Rights Watch.

La responsable a appelé lundi appelé l'Allemagne "et les autres pays ayant les lois le permettant" à "continuer de poursuivre les atrocités commises en dehors de leurs frontières, particulièrement quand la justice n'est pas possible sur les lieux des crimes".

Un porte-parole des FDLR en RDC, La Forge Fils Bazeye, a en revanche fustigé "une injustice pure et simple avec pour objectif d'étouffer l'opposition armée contre le dictateur rwandais", faisant référence au président Paul Kagame.

Confrontés à de nombreuses difficultés en raison des problèmes de traduction et de pressions sur les témoins ainsi que de "l'éloignement géographique et la nature collective des massacres", selon le professeur Andrej Umansky, spécialiste de droit pénal à l'université de Cologne, les juges font aujourd’hui face à un autre défi : celui d’informer les victimes de l’est de la RDC du dénouement du procès.

 

Source : AFP via France24

 

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