Obama clôt son séjour africain par une leçon de démocratie

Evidemment, le meilleur atout de Barack Obama lors d’une tournée africaine, c’est lui-même. Il est le rêve incarné de la réussite. Ses origines l’autorisent à une fraternité et à employer des mots qu’aucun autre chef d’Etat occidental n’oserait prononcer sous peine d’être taxé de raciste ou de néocolonialiste.

Au Kenya, la patrie de son père, où il s’est rendu du 24 au 26 juillet, « le fils de la nation » était forcément un peu plus que le premier président américain à visiter ce pays. « Je suis le premier président kényan américain des Etats-Unis », a déclaré Barack Obama, dimanche, devant 5 000 spectateurs qui ne demandaient qu’à exulter. Et qu’importe si cette petite phrase venait à réveiller une frange de la droite américaine qui met en doute sa nationalité. Ce voyage avait une dimension « personnelle et intime », et M. Obama n’est plus en campagne pour se faire réélire. Dans dix-huit mois, il quittera la Maison Blanche, et cette tournée avait le parfum d’un adieu.

Aucune annonce forte n’a été faite, le discours était attendu. Le président américain est venu réexprimer au Kenya puis en Ethiopie, la deuxième étape de son voyage les lundi 27 et mardi 28 juillet, les grands axes de sa politique à l’égard du continent africain. « L’Afrique change », a lancé M. Obama depuis la tribune de l’Union africaine (UA) à Addis-Abeba, appelant « le monde à changer son regard sur l’Afrique » et à abandonner « les vieux stéréotypes d’une Afrique enlisée pour toujours dans la pauvreté et les conflits ». Les lignes directrices de la diplomatie américaine sont en revanche plus constantes : appui aux régimes « amis » engagés dans la lutte antiterroriste, soutien aux investissements pour tenter de rattraper la prééminence chinoise et défense de certaines valeurs démocratiques.

Blâmes et encouragements

Sur ce dernier point, Barack Obama s’est montré, non sans ironie, acerbe avec ses homologues africains qui manœuvrent pour s’éterniser au pouvoir au « risque de créer de l’instabilité et des conflits, comme on l’a vu au Burundi ». « J’adore mon travail, mais notre Constitution ne me permet pas de me présenter à nouveau. Je pense que je suis un bon président ! Si je me représentais, je pense même que je pourrais gagner ! Mais je ne peux pas. (…) Je ne comprends pas pourquoi les gens veulent rester si longtemps » au pouvoir, « en particulier quand ils ont beaucoup d’argent », a-t-il feint de s’étonner, alors que lui attend « avec impatience [s]a nouvelle vie après la présidence ». Pour lui, « personne ne devrait être président à vie ». Tonnerre d’applaudissements dans la salle qui, en janvier, avait vu Robert Mugabe, 91 ans, être élu président en exercice de l’UA.

Le paradoxe est également américain. Tout en saluant les performances économiques des deux pays visités, M. Obama ne s’est pas privé d’administrer blâmes et encouragements. La corruption ? « Un cancer », « le plus grand obstacle à la croissance du Kenya », un fléau qui coûterait, selon lui, près de 250 000 emplois, « parce que tout le monde estime que c’est quelque chose de normal ». Le tribalisme ? « Une politique fondée sur l’appartenance à une tribu ou à une ethnie est une politique qui condamne un pays à se déchirer. » Les droits des femmes ? « Au football, on ne peut pas laisser la moitié de l’équipe de côté. (…) La tradition parfois nous fait reculer. » Ceux des homosexuels ? « Quand vous commencez à traiter les gens différemment parce qu’ils sont différents, vous vous engagez sur un chemin où la liberté s’érode. »

Pour les régimes kényan et éthiopien, ces critiques de leur invité valaient cependant la peine d’être entendues. A la différence des précédents pays d’Afrique subsaharienne visités par M. Obama (Ghana, Sénégal, Afrique du Sud et Tanzanie), ni l’un ni l’autre ne peuvent se prévaloir du titre de démocratie exemplaire. Le Kenya a vu son chef de l’Etat inculpé de « crimes contre l’humanité », puis disculpé « faute de preuves » par la Cour pénale internationale pour son rôle dans les violences post-électorales de la présidentielle de 2007, l’Ethiopie réprime méthodiquement l’opposition et les médias. Ils n’en demeurent pas moins des partenaires essentiels dans la lutte contre les djihadistes d’Al-Chabab. Depuis que les Etats-Unis ont adopté ces dernières années dans « la guerre contre le terrorisme » la stratégie du « light footprint » (empreinte légère), Washington s’appuie, comme en Irak et en Afghanistan, sur ses alliés locaux, plutôt que de déployer des soldats sur le terrain. Cette tournée avait donc pour Nairobi et Addis-Abeba la valeur d’une caution renouvelée après leur engagement militaire en Somalie.

Lors de ces quatre jours sur le continent, le président américain n’a donc annoncé ni révolution de sa politique africaine ni contrat majeur, mais pour Mamadou Diouf, le directeur de l’Institut d’études africaines à l’université Columbia à New York, si « l’erreur a été de juger l’implication de ­Barack Obama en fonction de son identité de fils d’Africain, alors que c’est un Américain qui applique ses principes », l’avenir pourrait réserver quelques surprises. « Il a toujours eu un intérêt pour l’Afrique, dit-il. Je crois que lorsqu’il aura quitté la Maison Blanche, son implication sera beaucoup plus forte. Son réseau peut lui permettre d’être l’acteur le plus important dans les discussions africaines sur la jeunesse, la sécurité et pour attirer des investisseurs extérieurs. »

 

Cyril Bensimon

 

Source : Le Monde Afrique

 

 

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