Arabie saoudite : les raisons d’un remaniement

A la faveur de la guerre au Yémen, le souverain d’Arabie saoudite, Salman, a procédé, mercredi 29 avril, à plusieurs nominations qui accroissent la centralisation du pouvoir dans le royaume.

Omniprésents dans les médias depuis le début de la campagne contre les milices houthistes, les deux ministres les plus puissants du pays, Mohamed Ben Nayef, à l’intérieur et Mohamed Ben Salman, à la défense, grimpent une marche supplémentaire dans l’exécutif saoudien.

Le premier, âgé de 55 ans, qui avait été nommé vice-prince héritier lors du couronnement de Salman, à la fin du mois de janvier, est promu prince héritier, en remplacement du prince Muqrin, le plus jeune des fils encore en vie d’Abdelaziz, le roi fondateur. Le second, âgé d’environ 30 ans (sa date de naissance fluctue selon les sources), qui est le fils préféré du roi, récupère la charge occupée par Mohamed Ben Nayef et devient ainsi second dans l’ordre de succession, tout en conservant son portefeuille de ministre. Enfin, Salman a remplacé l’inoxydable Saoud Al-Fayçal, à la tête de la diplomatie saoudienne depuis quarante ans, par l’ambassadeur du royaume aux Etats-Unis, Adel Al-Jubeir, très en vue lui aussi depuis le début intervention militaire au Yémen.

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Ce nouveau round de nominations royales confirme la régulière et semble-t-il inexorable avancée de Mohamed Ben Nayef vers le pouvoir suprême. Le M. Sécurité du royaume, toujours auréolé de son succès dans la lutte contre Al-Qaida dans les années 2000, avait damé le pion, en janvier, au prince Mitaeb Ben Abdallah, fils du défunt roi Abdallah, qui lorgnait lui aussi sur le poste de vice-prince héritier. Dans la foulée, Ben Nayef avait été propulsé à la tête d’un Conseil des affaires politiques et de sécurité, nouvellement créé, qui lui confère le dernier mot pour tout ce qui touche à la sécurité nationale, la priorité numéro un en cette période d’instabilité extrême, caractérisée par la poussée de l’Etat islamique au nord du royaume, en Irak, et la désintégration de l’Etat yéménite, au sud.

La version officielle veut que le prince Muqrin ait été démis de ses fonctions à sa demande personnelle. Mais ce retrait n’est guère étonnant compte tenu de la relative circonspection qui avait accompagné son ascension dans l’organigramme royal. Son manque d’envergure supposé et surtout l’origine yéménite de sa mère, que les mauvaises langues du royaume présentaient comme une simple esclave d’Abdelaziz, ont toujours suscité des résistances. Si en 2013 le roi Abdallah l’avait nommé vice-prince héritier, c’était avant tout pour faire barrage au clan des Soudayris, l’une des branches les plus puissantes de la famille Séoud, alors incarné par Salman, et ménager les chances de son fils Mitaeb.

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Euphorie nationaliste

En l’évinçant de la scène politique, quelques mois après avoir écarté deux fils d’Abdallah, le nouveau roi consolide la prééminence retrouvée des Soudayris. Les trois charges les plus importantes du pays des deux mosquées saintes sont désormais occupées par des membres de cette prestigieuse lignée, puisque Mohamed Ben Nayef en est lui aussi issu.

Amené à prendre une place croissante compte tenu de l’âge déjà avancé de Salman (79 ans), « MBN » devra composer avec un autre ambitieux, Mohamed Ben Salman, son cadet d’au moins vingt ans. Déjà directeur du cabinet de son père, en plus de ministre de la défense, il poursuit, en obtenant le poste de vice-prince héritier, une progression foudroyante dans la hiérarchie saoudienne. L’euphorie nationaliste qui règne dans le pays depuis le début des bombardements au Yémen, quand bien même Riyad n’a pour l’instant rempli aucun de ses objectifs de guerre, a fait taire ceux qui s’inquiétaient de son absence totale d’expérience et de son manque supposé de sophistication.

Pour l’instant, aux dires des bons connaisseurs du royaume, aucune trace de rivalité n’est apparue entre les deux hommes. Pour compenser le fait qu’au sein du Conseil des affaires politiques et de sécurité Mohamed Ben Salman est placé sous la tutelle de Mohamed Ben Nayef, un second Conseil a été créé, en charge du développement économique et social, où cette fois-ci, le premier commande au second.

Il faudra de l’inventivité à ce duo pour que l’Arabie saoudite sorte par le haut de crise yéménite. En dépit de l’annonce, la semaine dernière, de la fin de la phase de bombardements intensifs, les frappes se poursuivent à un rythme toujours aussi soutenu.

 

 

Benjamin Barthe (Beyrouth, correspondant)

 

Source : Le Monde

 

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