Miskine le président des pauvres Par Mohamed Hanefi

Ce jour là, personne n'a remarqué, que le président marchait sur le sol poussiéreux du Hodh esh-sharqi, tandis que la foule déchainée, venue pour son accueil, se bousculait sur ce qui restait en place du tapis rouge.

 

A la limite du tarmac, un homme apparemment et machaallah en  bonne forme, le saisi, comme pour le tordre. Une prise de lutte à laquelle notre pauvre président ne pu échapper, se contentant de sourire résigné.

Ce n'était que l'une des nombreuses façons de manifester la bienvenue à l'illustre hôte.

Caen aussi a aimé son frère Abel.

Pour un moment je me suis dis que c'en était fait de notre chef. Nous n'aurons plus de chef du tout. Du moins pas en bon état.

Puis, l'épaule certainement détachée de sa boite, les os meurtris par l'étreinte "chaleureuse", le président pu se dégager diplomatiquement de son "fan", et plonger tout de suite dans un demi bain de foule fougueux, qui donnait visiblement du fil a retordre a ses gardes de corps, dont l'énervement parfois difficilement contenu, les poussait a "pousser" sans ménagement, à leur tour, et de façon parfois musclée cette nuée humaine dont l'amour impétueux et asphyxiant collait à la peau et éclatait les nerfs.

Ah si seulement toute cette fidélité était exprimée à l'égard de Dieu et que toute cette confiance Lui était destinée.

Les chaines de télévisions avaient, comme aux grands jours sorti la crème de leurs journalistes. La concurrence était de taille et ne se répétait qu'occasionnellement.

Toute la Mauritanie avait déferlé vers la direction bénite de la Qibla ou va atterrir le chef : Néma.

N'est ce pas aussi la direction de l'Est, direction de la Mecque, ou se dresse la somptueuse Kaaba.

Ces jours ne sont pas ordinaires.

C'est comme d'habitude le rite événementiel de sortir l'image du pays. Astiquer et mettre en avant ce poster de chez nous qui consiste à trop accorder au futile au détriment de l'utile.

Mastiquer l'air pour calmer les intestins.

Des réalités dénaturées par un maquillage coupable.

Une population en liesse, dont les bouches chantent l'ultra satisfaction, et dont les lapsus et les états racontent le contraire. On crie la faim la soif, l'ignorance, le manque de fidélité des responsables, les trahisons administratives incurables, et en même temps, et comme s'il n'existait plus de contraires, ni de contradictions, dans la vie, on chante les performances du guide qui a sorti des ténèbres vers la lumière. Un guide providentiel qui a tout fait. On n'a trouvé que lui. Lui qui, s'il n'était pas venu, le ciel nous serait tombé sur la tête. Etc. etc.

Maaouya ould Taya doit se tenir le menton entre les doigts, un demi-sourire narquois et un nuage de points d'exclamation tournant autour de sa tête comme une nuée de moustiques.

Lui qui était ce qu'est aujourd'hui un autre. Soubhanallah. "Ella Maaouya had awkhar ma raynah!!."

Ces bouches sont encore "rouges" de ces paroles.

Comme le monde est inconstant et traitre.

Les mêmes louanges et les mêmes poèmes, dans la bouche des mêmes griots des mêmes chantres et des mêmes poètes en si peu de temps…si peu de scrupules!!!Astaqviroullah!!!

Pourtant le président Mohamed ould Abd al Aziz était là. Il ne devait pas se laisser entrainer par cette machine, d'un faire semblant machiavélique, qui stoppe l'évolution de ce peuple.

Il sait parfaitement que ce qu'on lui sert n'est que du réchauffé, qu'on réchauffera sans cesse. Un copier coller qu'on appliquera de la même façon, et tant que celui qui prendra les rennes du pouvoir dans ce pays, n'a pas lu et assimilé au moins l'une des célèbres fables de Lafontaine, que je ne citerai pas ici pour ne pas faire figure de trouble-fête.

Ce que notre président avait omis de faire, avant de franchir la première dalle de cette présidence tournante et "retournante" et  qu'il a voulu celle des pauvres, c'est de définir à quel genre de pauvreté, il allait s'attaquer.

Wallahi, je profite de ces lignes pour lui dire, qu'il est courageux  apparemment honnête et patriote. D'après ce que je vois et j'entends.

Mais je me demande est ce que, comme on dit en hassaniya, "Il n'a pas trait sa chamelle dans un marigot."

Ce ne sont pas seulement ceux qui n'ont pas le ventre pleins qui sont pauvres.

La pauvreté a plusieurs vêtements. Elle ravage sous différentes formes et avec différents visages.

La première nourriture, la vitamine "A" d'un peuple c'est avant tout sa dignité. Un peuple qui accroche ses principes sur le mur pour l'obtention d'un bien ou la bénédiction d'un guide, ne mérite pas de vivre.

Il est pauvre en foi.

Un peuple, qui comme le caméléon, chante un leader, pendant qu'il dirige et s'empressent de le vilipender, dès qu'il a quelque difficulté, est un peuple, qui n'a pas de parole. Allah a dit: "Allah n'aime pas ceux qui trahissent."

Ce peuple là est pauvre de principes.

Un peuple qui veut aller de l'avant doit dire a ceux qui le dirigent que blanc est blanc et noir et noir.

Sinon il est pauvre de conscience.

Beaucoup d'images trahissent répétitivement cette image de cinéma, qui ne veut jamais changer :

Cette vraie pauvreté qui nous colle au corps comme une damnation.

Nous avons vu quelques images à la sauvette de quelques pauvres assoiffés, pleurnichards, qui se plaignent au "président des pauvres" du manque du plus essentiel de l'essentiel : un peu d'eau pour boire. Juste se mouiller la gorge. Pas pour le bétail, mais pour les humains. Des images furtives et prises par hasard par la caméra d'un journaliste en mal de sensation. Des bouches craquelées, au bord de route craquelées, qui demandent à boire.

Des corps éprouvés par la négligence des administrations.

Des voix moribondes, qui veulent se faire entendre, mais qui sont étouffées par les puissants klaxons de Nouakchott et le vrombissement des moteurs de Nouakchott.

Tristes images vite éclipsées par des files kilométriques de véhicules tout terrain et tout serein qui attendent de pieds ferme le chef de l'état pour lui dire que tout va bien. Nous sommes là et tout va bien.  

Ces "défileurs", défilants éternellement devant tout celui qui veut voir une nudité de ces populations pour la couvrir, sont le rideau opaque et infranchissable de la toute puissante aristocratie mauritanienne.

Leur défi : ne jamais laisser un chef de pauvres ou autre voir dans les malheurs des citoyens que du feu.

"Hajabou agrab hajabou sileylla"…

Tu viendras, mais sourd et aveugle tu repartiras comme tu étais venu. Sans rien voir, sans rien comprendre.

Il est à croire que le président du pauvre ne se déplace jamais. Et comment peut-il être autrement, quand on sait qu'avec son déplacement il draine avec lui le milieu qui l'entoure. Ceux qu'il devait laisser derrière lui sont toujours autour de lui en cercle tenace. Ils obstruent sa vue et ceux qu'il devait visiter sont "absentés", par la force invincible qu'il connait.

Le déplacement valait il la chandelle? C'est là, toute la question.

Monsieur le président qu'Allah vous accorde longue vie, traitez notre pauvreté de la ou le bas blesse.

Ces gens qui vous écoutent plus que les paroles de Dieu ne peuvent être changés que par un mot cru et une volonté décisive de vous leur interdisant ces comportements dégradants qui rapetissent notre société et bloquent notre devenir.

Vous n'avez pas besoin de déplacements. Vous savez que ces fonds investis dans ce carnaval sans début ni fin, peuvent creuser des dizaines de forages, pour les assoiffés que vous avez survolés. Ces fonctionnaires qui vous pressent et vous asphyxient, le font, comme vous devez le savoir, pour cacher une défaillance dans leur service pour la nation ou pour vous obliger à les considérer d'un œil illégal.

Vous achetez ce dont vous n'avez pas besoin, pour vendre ce qui vous est nécessaire, monsieur le président. Derrière quelle sagesse vous courrez??

Le bal des youyous et des enveloppes fourrées insolemment sous les aisselles des gardes, si ce n'est sous celles du président.

Vous savez, comme nous que "quand on met le fer dans les braises, le premier qui bouge est l'âne"

Il vous suffit d'envoyer promener un micro et une camera, dans les mains d'un journaliste neutre et dépolitisé, pour savoir ce qui se passe chez vous et agir en conséquence. Imaginez, monsieur le président ce que vous auriez fait avec toute l'économie qui en découlerait.

Vous ne pouvez être président de pauvres que vous ne rencontrerez "réellement" jamais; et desquels, pourtant vous rendrez compte. Inévitablement.

Si vous voulez que quelque chose change, sachez qu'il faut que vous fassiez quelque chose de nouveau pour que les choses changent.

Si vous voulez rester dans l'histoire, comme étant celui qui a affronté la "pauvreté" mauritanienne, vous devez re-diagnostiquer vos malades. La Mauritanie, et contrairement a ce que beaucoup de ses fils crient n'est pas pauvre au sens qu'ils rependent.

La Mauritanie est pauvre de la prise de conscience honnête de ses enfants. Elle est pauvre d'un peuple qui respecte ce qu'Allah lui a donné et qui n'est pas a la portée de beaucoup d'autres peuples de la terre.

Elle est pauvre d'hommes et de femmes qui considèrent qu'elle ne présente pas une charogne, au milieu de fauves qui ne se rassasient jamais. Ni une vieille vache qu'il faut traire jusqu'au sang, sans la nourrir d'une poignée de blé ou d'orge.

Ni une terre aride, qu'il faut ravager par les feux de la cupidité     et de la boulimie, sans jamais rien y planter en contrepartie.

La Mauritanie a porté dans ses entrailles des trésors incommensurables. Elle a enfanté l'abondance et la baraka, jusqu'au moment ou ses citoyens se sont détournés du Pacte.

C'est en ce jour fatal, qu'elle a plié la tête devant le destin.

Les plaintes qu'elle adresse à Son Créateur ne pourront être étouffées ni par les klaxons, ni par le vrombissement des tout terrains ou les gorges déployées des griots et des contrefacteurs.

Si un président veut agir par là, ou la Mauritanie est affaiblie, il doit fermer les yeux et se boucher les oreilles.

La déchéance d'un pays sommeille dans les rêves malades des faux hommes. Le silence collectif sur le faux, est le plus grand complice de tous les crimes.

Un grand président n'a pas besoin de louanges ou de flatteries pour être. Il est grand, parce que tous ceux qui l'entourent sont grands. Sa main est un baume pour les douleurs de la terre, mais ses yeux sont fixés sur le ciel. Sa récompense est dans l'histoire.

Mohamed Hanefi

Koweït.

 

(Reçu le 18 mars 2015)

 

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