La diversité épouvante les esprits hérissons !

Initiatives News – Le système éducatif mauritanien se cherche et ne se retrouve pas. Un système qui va boitant, entravé par la cécité intellectuelle de ceux qui devraient lui insuffler dynamisme et vitalité. Depuis la nuit des temps, en tout cas je ne l’apprends à personne, des réformes se sont empilées en Mauritanie pour empirer le niveau des pauvres apprenants : la réforme de 1959, celle de 1967, de 1973, de 1979 et la dernière de 1999. Ces différentes réformes avaient été imaginées non dans le but de favoriser l’émergence d’un citoyen mauritanien complet, mais pour satisfaire des ambitions politiciennes dont les égoïsmes n’échappent à personne.

De brillants orateurs déployaient toute la longueur de leur langue pour convaincre le peuple d’adhérer à l’infamie.  Ils animent des tables rondes, actionnent des missiles idéologiques, bien élaborés contre l’avenir du jeune mauritanien. On y débat de tout sauf de l’essentiel.

Dans leur substance, ces débats s’appesantissaient fanatiquement sur la question des langues considérées comme sources d’échec et de discorde. Les divergences sur cette question linguistique laissent cruellement ses empreintes dans la vie politique, entraînant des altercations douloureuses entre les communautés. On se rappellera des événements de 1966, de 1979. Et les différents dirigeants qui se sont succédé au trône de l’Etat, pour juguler cette confusion, avaient réagi à coups d’improvisations et de tâtonnements. Hélas ! Le mal est toujours là qui grince les dents, freine le progrès et fragilise la concorde nationale. A juste titre, étant donné qu’aucune des réformes proposées n’avait pu se démarquer de la tourbe politicienne.

Aujourd’hui encore, l’Etat se précipite pour proposer une nouvelle réforme. A y voir de plus prêt, on imagine facilement que l’objectif de cette réforme envisagée n’était pas différent des autres qui l’ont précédée, puisque le carcan des langues semble focaliser toutes l’attention des citoyens. D’ailleurs certains compatriotes n’ont pas manqué l’occasion pour afficher au grand jour leur rejet catégorique de certaines langues comme si leur usage se confondait au blasphème.

Qu’on ne se méprenne point. Tant que d’odieux laudateurs, rompus au discours sectaire, ne seront pas sagement et définitivement muselés, l’éducation dans le pays restera toujours pétrie avec les mêmes maux. Pourquoi un honnête citoyen s’escrime-t-il éperdument à berner le peuple ?  Surtout en lui faisant croire que le mal du système éducatif serait exclusivement lié à la seule problématique des langues ? Pourquoi refuser de reconnaître que le drame est ailleurs ?

Les négros mauritaniens sont pratiquement absents des instances dirigeantes de l’Etat. Ils ont subi toutes les formes d’injustice. Et les manifestations çà et là contre la politique d’expropriation des terres dans la vallée, révèlent encore le ras-le-bol des négros mauritaniens. Alors, flairant un complot en perspective, ils se mobilisent pour déjouer toute indésirable intelligence.

Fiers, confiants et déterminés à défendre leur dignité, les négros mauritaniens avaient historiquement compris l’impérieuse nécessité de l’introduction de leurs langues dans le système éducatif. Ces langues déjà transcrites en caractères latins connaissent une avancée structurale et fonctionnelle majeure : des études morphosyntaxiques approfondies, des ouvrages de mathématiques, de biologie, des sciences physiques et de géographie bien élaborés et accessibles à tous, une littérature religieuse et populaire mature sans oublier les recherches historiques savamment débarrassées des tendances invraisemblables. Cependant, l’expérience a révélé les réticences des différents régimes à accompagner ce progrès fulgurant des langues nationales.

Sans qu’il puisse aligner le moindre argument de poids, l’Etat au lieu de saluer le dynamisme de l’institut des langues nationales, par exemple, a choisi de le détruire. Maintenant, dans l’objectif de porter un coup mortel à ces langues, on instaure un faux débat autour des caractères. Pourquoi vouloir imposer que le poular, le soninké et le wolof soient écrits avec des caractères arabes. Quelle ruse se cache encore derrière cette décalcifiante idée ? N’est-ce pas là un manque criant de vision et une absence totale de bonne foi ? Quel mal y a-t-il à transcrire les langues négro-africaines avec des caractères latins ? Je n’en aperçois aucun !  Ceux qui soutiennent cette aberrante initiative se rendront compte que leur entreprise serait inéluctablement vouée à l’échec. Et puis, on ne réforme pas un système en hiérarchisant les langues. Il faut plutôt reconnaître la valeur de chacune d’elles et faire en sorte qu’elles cohabitent dans l’équilibre et dans la concorde.

De l’autre côté, certains zélés dans leur unilinguisme, se tracassent pour imposer l’arabe sans considérer la médaille et son revers. Ainsi, ils déroulent des arguments de toutes les catégories pour sucrer leur amère faiblesse née du fond des ruisseaux troubles du fanatisme. A les entendre, on est tenté de croire que pour eux, l’arabe est leur propriété privée. Quelle erreur d’appréciation de leur part !

L’arabe est une belle langue. Elle n’appartient qu’à ceux qui ont choisi de la pratiquer, quelque soit leur race, leur tribu ou leur aire géographique. C’est une langue qui a incontestablement sa place en Mauritanie. Cependant, elle ne confortera paisiblement cette place que lorsqu’elle admettra l’autorité et la force des autres langues, à savoir, le hassanya, le poular, le soninké et le wolof.

Toutes les langues se valent et ont incontestablement leur place et leur rôle dans la formation du citoyen éclairé. Avoir peur d’une langue au point de la rejeter c’est dévoiler mille fois sa faiblesse. La diversité est toujours enrichissante, même si elle épouvante les esprits hérissons, toujours prêts à se blottir au moindre bruit.

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Kane Ismaila Demba

 

 

 

Source : Initiatives News

 

 

 

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