Exclusif : Jemal Ould Yessa s’exprime après 7 ans de silence…

Chose promise, chose due. Comme je l’annonçais l’autre jour, j’ai rencontré mon cousin Jemal à Abidjan et il a accepté de répondre à quelques questions. C’est une interview A.O.C. Ce genre d’interview, dont l’Appellation est d’Origine Contrôlée, comme celle d’Ahmed Ould Cheikh à l'inquisitrice  Irabiha, consiste à ne pas mettre en difficulté l’interlocuteur ou le client, c’est selon… 

 
Il faut se contenter de poser les questions qui ne fâchent pas à la différence qu’il n’y a pas aujourd’hui de silence criminel pour soutenir une corde qui réclame un pendu, fût-il innocent…
 

 
1 – Chezvlane : Jemal Ould Yessa, vous avez été connu, d’abord par vos écrits et votre engagement contre ce que vous appelez « la domination ou l’hégémonie ethno-tribale ». Depuis la fin des années 1980, vous ne cessez de dénoncer, pêle-mêle, le racisme contre les communautés noires, l’esclavage, l’impunité et la privatisation de l’Etat par des clans qui se partagent le pouvoir, à tour de putsch, parfois « de manière rotative » (l’expression est de vous). Vous ne cessez de prédire l’effondrement de ce système mais aussi  la dislocation de la Mauritanie.
 
Ai-je bien résumé votre parcours ?
 
 
Jemal : Plus ou moins….
 
2- Chezvlane : Alors, qui êtes-vous ? Un provocateur professionnel, un éternel adolescent en politique, un opposant aigri ?
 
Jemal : Je me définirai par le terme « lanceur d’alerte », hélas pas plus écouté que Cassandre. La provocation, l’aigreur et l’adolescence relèvent de l’appréciation relative et variable ; peut-être qu’il y a, en chacun d’entre nous, un peu de tels défauts. Chez nous, l’art de gouverner se confond avec la feinte, la triche sur temps, bref l’évitement des ruptures sans lesquelles aucune société de ce bas-monde n’évolue. Nos intellectuels organiques excellent dans la justification du fait accompli et s’ingénient à se concilier les bonnes grâces du Prince ou, celles, moins rentables, de la rue. Sur les problématiques de l’esclavage et du racisme que vous citez en exemple plus haut, tout a été dit ; le diagnostic est établi. Les solutions, prévisibles et de bon sens ne font défaut : parler, comprendre, rendre justice. A part l’amorce durant l’intermède du très prudent Sidi Ould Cheikh Abdellahi, nous sommes vite retombés dans l’occultation, le déni, associés au bricolage d’arrangements ponctuels. Et revoici la Mauritanie, de retour dans la rubrique des détenus d’opinion et de conscience : Mohamed Ould Mkhaitir, Birame Dah Abeid et ses co-accusés, Djiby Sow et d’autres dont l’état de santé autorise quelque crainte..
 
3 – Chezvlane:  A propos d’esclavage, quels sont, d’après-vous, les signes d’un début de « normalisation » ?
 
Jemal : Quand les descendants d’esclaves épouseront les filles d’anciens maîtres, sans susciter le scandale, nous aurions franchi un pas décisif dans l’égalité. Je choisis cet exemple, pour souligner la dimension symbolique du défi.
 
4. Chezvlane : Votre pessimisme habituel sur l’avenir de la Mauritanie, le maintenez-vous ?
 
Jemal : Il ne s’agit pas de pessimisme mais de lucidité. Oui, je le maintiens, dans les termes que j’exprimais en 2006, à la faveur d’une tribune dans le journal sénégalais Sud Quotidien, sous le titre fantaisiste « sur la dune un peuple averti ne vaut rien ».
 
5.Chezvlane : L’article paraît bien prémonitoire mais n’est-ce pas une qualité un peu étrange chez un descendant de guerrier ?
 
Jemal : Oh, peu importe l’auteur et ses déterminismes ; l’essentiel est dans la détérioration constante des équilibres écologiques et sociaux du pays. Et, encore, 2006 ne nous n’étions assez instruits de la menace jihadiste.
 
6. Chezvlane : Oui, l’on sent que le sujet vous obsède….
 
Jemal : Oui, je vous le concède…
 
7. Chezvlane : Pourquoi ?
 
Jemal : Le wahhabisme, alimenté par l’argent des pétromonarchies du Golfe, s’est implanté en Mauritanie, depuis la fin des années 1970 ; la majorité de nos notables religieux sont devenus les agents propagateurs de cette idéologie du pouvoir, certains par conviction, d’autres – sans doute la plupart – en toute vénalité ; le salafisme  constitue l’étape ultime vers l’achèvement de l’islamisme politique. A présent, la société mauritanienne est parvenue à un stade de maturation où le passage à l’acte jihadiste connaîtra un essor sans précédent et s’exportera vers le voisinage immédiat.
 
8. Chezvlane : Pourtant, les autorités mauritaniennes multiplient les initiatives pour sauver l’Islam de la paix et en favoriser l’audience par les jeunes…
 

Lira la suite

 

Vlane A.O.S.A.

 

Source : Chez Vlane (Le 14 mars 2015)

 

Les opinions exprimées dans cette rubrique n'engagent que leurs auteurs. Elles ne reflètent en aucune manière la position de www.kassataya.com 

 

Diffusion partielle ou totale interdite sans la mention : Source : www.kassataya.com

 

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page