Ebola : l’heure des comptes a sonné pour l’OMS

L'organisation onusienne est appelée à se réformer pour faire face aux crises.

Lenteur dans sa réaction, fonctionnement défaillant, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) est ébranlée par la crise d'Ebola. Dimanche 25  janvier, une réunion d'urgence était convoquée à Genève pour tirer les leçons de ce que le directeur général, le Dr Margaret Chan, qualifie de "  mégacrise  ".

 

Les griefs sont nombreux, même si l'OMS a réussi à mobiliser 700 personnels en Afrique de l'Ouest  : les rôles techniques et normatifs ont pris le pas sur les aspects opérationnels, les nominations dans les bureaux nationaux de l'OMS ont obéi à des critères politiques. Le manque d'harmonisation et de coordination aux différents niveaux de l'organisation, les lacunes dans la gestion des ressources humaines, le manque de flexibilité et de réactivité face aux urgences, se sont doublés d'une lenteur dans l'allocation des financements.

"  Nous devons avoir honte car nous avons fait beaucoup trop peu  ", s'est exclamée la représentante du Royaume-Uni. "  L'OMS que nous avons n'est pas l'OMS dont nous avons besoin pour répondre aux urgences  ", a asséné le représentant des Etats-Unis.

En ouvrant la session, le Dr Chan avait constaté que "  le monde, y compris l'OMS, a été trop lent à voir ce qui se déroulait sous nos yeux  ". Pour le directeur général, "  l'épidémie d'Ebola montre la nécessité d'un changement urgent dans trois domaines  : reconstruire et renforcer la préparation et la riposte nationales et internationales aux urgences, aborder la manière dont les nouveaux produits médicaux arrivent sur le marché et renforcer la manière dont l'OMS opère lors des urgences  ".

Equipes de riposte

Le conseil exécutif de l'organisation onusienne a adopté à l'unanimité une résolution consacrée aux profondes réformes structurelles dont elle a besoin pour remplir son mandat.  Le texte "  invite le directeur général à envisager de nommer immédiatement à l'issue de la session spéciale et pour la durée de l'épidémie, un représentant spécial avec le grade et l'autorité appropriés pour prendre la responsabilité de tous les aspects de la coordination aux trois niveaux – national, régional et mondial – et de la riposte à l'actuelle épidémie d'Ebola  ".

Le document prône le renforcement des systèmes de santé des Etats membres, le recrutement, la formation et des conditions de travail satisfaisantes pour les personnels de santé, ainsi que le développement des capacités nationales et internationales d'information et de surveillance des épidémies. Pour assurer le soutien à la recherche de médicaments et vaccins, il fait référence à des modèles "  soutenant la déconnexion entre le coût de nouvelles recherches et développements, et le prix des médicaments.  "

Concrètement, la résolution va se traduire par plusieurs mesures. Tout d'abord, la mise en place d'un "  fonds de réserve  " d'un montant de l'ordre de 100  millions de dollars (89  millions d'euros) qui sera alimenté par les contributions volontaires des Etats membres. Lors de la session, le Royaume-Uni a annoncé qu'il verserait 10  millions de dollars.

Ensuite, comme le prévoit le Règlement sanitaire international édicté par l'OMS et révisé en  2011, une "  force de réserve en santé publique mondiale  " doit être mise sur pied. Le directeur général devra prendre immédiatement les dispositions afin de constituer à tous les niveaux de l'organisation des équipes de riposte aux urgences formées et en nombre adéquat.

Une évaluation de l'action depuis le début de l'épidémie sera menée par un panel externe d'experts indépendants et devra être présentée à la prochaine assemblée mondiale de la santé en mai  2015.

Sur le terrain, malgré l'amélioration de la situation, il est encore trop tôt pour parler d'une inversion de la tendance. L'épidémie peut redémarrer, en particulier dans quelques mois quand la saison des pluies reviendra. Intervenant lors de la session spéciale, Jérôme Oberreit, secrétaire général de Médecins sans frontières (MSF), a refusé de parler de situation sous contrôle. Dix mois après le début de l'épidémie, l'association humanitaire déplore l'absence "  d'échange d'informations dans le suivi à travers les frontières des personnes en contact avec un malade, le manque de moyens pour la recherche des cas actifs  ".

L'effort doit être poursuivi. Le représentant la France, le Pr Jean-François Delfraissy, a notamment rappelé l'engagement français d'aider à créer un réseau "  Ebola 2015  " de surveillance et d'alerte en Afrique de l'Ouest, qui a fait cruellement défaut au démarrage de l'épidémie. Il a annoncé dans les 15 jours la présentation à l'OMS des premiers résultats de l'évaluation d'un médicament antiviral contre Ebola, le Favipiravir.

Paul Benkimoun

 

Source : Le Monde

 

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