A propos d’histoire, voici un livre qui en fera bondir certains :  » Les maures de l’Afrique Occidentale Française « 

Publié en 1904, ce livre, dont je viens de lire d’un trait une bonne partie, est écrit avec beaucoup de talent de sorte qu’on tourne les pages sans craindre l'ennui. Cela nous change de ces livres de nos savants contemporains parfaitement assommants. C’est écrit par Georges Poulet, ça ne s’invente pas, administrateur des colonies avec une Préface sans intérêt  d’un directeur au ministère des colonies.
 

Pour vous donner envie de le lire, on pourrait prendre des extraits au hasard. Ainsi j’ai quasiment publié toutes les premières pages qui donnent une idée du ton et du style. 

1-Les hratines seront heureux de lire que « Les guerriers que, par généralisation, on désigne sous le nom de Hassan, se composent non seulement des princes El Arbia, descendants des Béni Hassan qui ont subjugué les berbères du désert, mais encore des tribus d'Haratines qui suivent ces princes à la guerre et des tribus de Zenaga qui, volontairement ou par contrainte, portent les armes avec leurs maîtres. Les tribus haratines sont formées d'anciens captifs affranchis ou descendant d'affranchis. Moyennant une redevance qu'ils paient tous les ans au prince de qui ils dépendent et qui les commandent, ils sont entièrement libres et se livrent au commerce, à l'élevage et quelquefois à la culture. »

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2-Les marabouts feront une grimace en lisant que « Les marabouts ne prennent jamais part aux combats, du moins tous ceux qui vivent avec les tribus des princes Hassan. Pourtant ils suivent souvent les guerriers, pour dépouiller les morts, sur le champ de bataille, et enterrer les princes tués pendant la lutte. Ils ont la faculté de circuler librement entre les tribus belligérantes. »

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3-A propos des Zenagas on se souviendra que  « Ce qui différencie la condition du tributaire de celle du captif ordinaire, c'est que son maître ancien ou nouveau, ne peut pas l'obliger de quitter sa famille ni de se déplacer. Le tributaire vit où il veut. Vendu, il peut rester avec les siens dans la tribu où il se trouvait avant la vente, mais en payant à son nouveau maître la redevance annuelle qu'il payait à son ancien propriétaire. Ahmet Saloum, roi des Trarza, pour expliquer la situation des Zenaga, disait qu'ils sont pour eux, ce que les pièces de 5 francs sont pour les Européens. Les Maures pour les outrager disent que c'est de la « viande » (Lahma). »

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4-A propos de la femme maure à cette époque et des affaires sous la tente, la pudeur et les rapports à l‘adultère, on rappellera  que « sous la tente maure, la femme commande. Elle ne s'occupe jamais des gros travaux ni de la cuisine; ce sont les captifs qui sont chargés de ces détails. De loin en loin, elle prépare les vêtements de son mari ou de ses enfants. C'est son seul travail. Ses journées se passent dans l'inaction ou en visites dans les tentes voisines, chez ses compagnes. Bien qu'elle possède toujours des bijoux d'or ou d'argent qu'elle porte les jours de grande fête, elle n'est pas autrement coquette. Elle ignore les premières notions de propreté et d'hygiène. Chez les Trarza, les Oulad Nacer, et les îiechdouf notamment, la femme se lave à peine une fois par mois, dans la saison chaude ; mais de la fin de septembre au commencement de juin, elle ne touche jamais à l'eau. Les Dorwich, les Oulad Abdallah, les Yahia ben Othman et les El Sidi Mahmoud sont moins négligents. 

La femme maure est l'objet d'un profond respect de la part de son mari. Elle mange seule, avant lui et servie par lui. Il ne prend son repas que lorsqu'elle a terminé le sien. Elle nourrit très rarement ses enfants ; c'est une exception extraordinaire, surtout dans les tribus guerrières. Elle prend une nourrice parmi les femmes de ses captifs. Ce sont également ses serviteurs qui s'occupent de tous les soins à donner à ses enfants. Les jeunes filles ne font rien, pas même de couture. Jusqu'à l'époque de leur mariage elles portent journellement des bijoux, bracelets d'or et d'argent, boucles d'oreilles, colliers d'ambre, etc. Lorsqu'un jeune homme désire se marier, il adresse d'abord sa demande à la mère, et la plupart du temps, pour ne pas dire toujours, il est d'accord avec la jeune fille. La mère ayant donné son consentement, il s'adresse au père avec lequel il discute la question de la dot. »

« Une tente nouvelle a été préparée pour les jeunes époux. Le sol en est couvert de nattes et de tapis. Le mari, lorsque la nuit est tombée, y pénètre le premier avec ses amis. On leur apporte à manger et le repas terminé, il envoie une de ses captives chez la mère de la jeune fille. Celle-ci arrive accompagnée de quelques jeunes femmes de la tribu et tout le monde se retire. Le lendemain matin avant l'aube, le nouvel époux quitte la tente et pendant huit jours il n'y rentre que le soir quand il fait nuit.

Lorsque le jeune ménage doit quitter le camp, ou s'établir définitivement chez lui, le père de la mariée fait à sa fille de grands cadeaux qui quelquefois égalent le montant de la dot payée par le mari et qui, en premier lieu, consistent en deux chameaux, l'un avec une selle de femme, appelée dans le pays a araguine » ou « zerfa » et munie de la toiture dénommée l'acheter, l'autre portant une captive et la tente qui doit abriter le nouveau couple. Le beau-père donne également deux vaches.

A partir de ce moment, le gendre ne peut plus se trouver en présence de sa belle-mère, ni de son beau-père. Dès qu'ils s'aperçoivent ils s'évitent. Si un grand palabre, un conseil en temps de guerre les obligent à se rencontrer, ils se tiennent toujours éloignés l'un de l'autre.
En général, les jeunes gens ne doivent ni boire, ni manger, ni fumer devant les personnes âgées.

Le divorce, qui existe chez les Maures de par l'application des textes du coran, est rarement réclamé. Il n'est jamais prononcé que sur la demande du mari et le plus souvent pour des raisons d'ordre intérieur, d'incompatibilité de caractère, quelquefois aussi, lorsque l'union n'a pas donné d'enfant ; mais presque jamais pour cause d'adultère. Le mari trompé frappe quelquefois sa femme ; mais il n'y a pas eu d'exemple qu'un maure — et ils ont cependant le coup de fusil facile — ait tué ou cherché à tuer sa femme coupable ou l'amant de celle-ci. Beaucoup connaissent l'inconduite de leur femme et ferment les yeux. »
 

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Vlane A.O.S.A.

 

Source : Chez Vlane (Le 23 janvier  2015)

 

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