A lire « l’îlot Berbérophone de Mauritanie »

Face à la propagande de l’arabité errante, combien de gens savent que jusqu’à tout récemment, à peine une génération, il y avait encore un fier « îlot berbérophone de Mauritanie » si on en croit Paul Dubié, administrateur adjoint des colonies qui livre ici une étude qui date de 1940 autant dire hier, tribu par tribu, fraction par fraction chiffres à l’appui, qu’il faut mettre à l’échelle de la population.
 

« Les traditions maures, orales et écrites, révélées par nombreux auteurs prouvent que le klam azenaga, parler zenaga ou el barberia la (langue) berbère était jusqu’au XIV siècle universellement parlé par les populations blanches de Mauritanie. Aujourd’hui ce parler n’est connu que de 13000 maures environ vivant dans la partie occidentale du Trarza.

La régression de la langue Zenaga est due aux bouleversements sociaux provoqués par l’arrivée en Mauritanie, du XV au XVII siècle, de bandes arabes. Ces arabes Beni Hassan, s’étant heurtés aux berbères, conquirent sur eux une prééminence guerrière et politique qui devait se maintenir jusqu’à nos jours et donner à la société arabo-berbère, ainsi constituée, une physionomie très particulière dont P Marty, dans l’Emirat des Trarza (1919 P60) nous donne un aperçu :

« Appuyant sur les tendances maraboutiques, pédagogiques et pastorales des Berbères, les Hassanes les confinèrent désormais dans un rôle purement religieux et pacifique. 

C'est à partir de ce moment qu'ils vont devenir les Zouaïa tolba ou marabouts, adonnés à l'étude et à la prière, cadis, et instituteurs des enfants des Hassanes à l'occasion. Ils devenaient ainsi, eux les Berbères, par un singulier revirement des choses, les représentants officiels de la langue et de la littérature arabes, les apôtres de la religion et de la civilisation musulmane, tandis que les Hassanes, fils des Arabes des invasions, devenaient les mécréants et les infidèles. »

http://archive.org/stream/lmiratdestrarzas00mart/lmiratdestrarzas00mart_djvu.txt

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« Groupements berbérophones

Les seules tribus berbérophones de Mauritanie se trouvent dans la partie occidentale du Trarza.

a)Les Idab el Hassan : tribu berbère Sanhadja descendant des contingents incorporés dans la mehalla d’Abou Baker Ben Amer  «  x siècle » ils auraient un lien de parenté avec les Aït Lahssen de l’oued Noun. Tous les habitants de la tribu au nombre de 5000 sont berbérophones

b) le groupement Tendega : d’origine berbère ; leurs ancêtres auraient fait partie de la mehalla d’Abou Baker Ben Amer sur une population 8500 habitants, on compte 3000 berbérophones repartis dans les fractions suivantes (voir le lien plus bas)

c)Le groupement Tasoumsa : ce sont les descendants de 5 hommes pieux originaires de Taroudant et ayant fait souche au Tiris et au Trarza : ils comprennent aujourd’hui les Oulad Deyman, Ideïqoub,  Ahl Barikallah soit 12000 parmi lesquels on compte 4600 berbérophones repartis dans les fractions suivantes (voir le lien plus bas)

d) Ida ou el Hadj : sur une population de 3500 personnes, on compte 700 berbérophones appartenant toute à la fraction Ikoumleilen, d’origine berbères, alors que l’autre partie prétend avoir des origines arabes. » 

«  Tous ces groupements, d’origine berbères, sont des zouaïas ou tolba de très bonne réputation : chez les idab el Hassen, la religion est pratiquée avec une ferveur particulière et l’on trouve d’excellents arabisants et juristes ; chez les Oulad Deyman, lettrés, poètes et historiens sont très nombreux ; chez les Tendega, l’étude et la religion sont très pratiquées. »

« Tous les berbérophones sont de petits nomades : élevant des bœufs et des moutons, cultivant du mil et des pastèques, cueillant de la gomme, ils effectuent des mouvements saisonniers, de leurs parcours en saison sèche à leurs parcours d’hivernage, dont la distance ne dépasse pas 70 à 80 kilomètres. 
 

Tous les Idab el Hassen mènent cette vie ; chez les Tendaga et Tasoumsa, seules les fractions semi-nomades du Sud sont restées berbérophones : celles du Nord, au contraire, élevant des chameaux et des moutons, effectuant des déplacements saisonniers de 200 à 300 kilomètres, ont entièrement abandonnés le parler berbère, Idéïqoub, Ahl Barikallah, chez les Tasoumsa et les Tendega de l’Est, Idagfodié, Rebrana, chez Tendega ( voir croquis )

Les similitudes d’origines, de cultures et de genre de vie sont les seules pouvant rapprocher les groupements berbérophones d’aujourd’hui. Il n’existe entre eux aucune affinité religieuse (confrérie etc.) ou politique, aucun antagonisme non plus. Ils sont voisins tout simplement.

Le terme «  Zenaga » sert à désigner encore des fractions berbères appelées Lahma, assujetties par les Hassanes au paiement de redevances personnelles ou collectives. Ces Zénéga, incontestablement d’origine bafour, zénétes, Sanhaja, méconnaissent aujourd’hui la langue zénaga. Et les maures ont coutume de dire : « un maure parlant zénaga n’est certainement pas un zénagui (c’est-à-dire Lahma ou tributaire) ou guerrier ».

Etroitement soumis aux guerriers, vivant dans leur sillage, les Zénaga furent amenés à imiter et adopter rapidement leur manière de vivre et leur langage. Les Tolba berbères, au contraire, résignés à la prééminence des Hassanes, supportèrent leurs pillages, et refusèrent de leur payer des redevances régulières et, consacrant tous leurs efforts à l’élevage, à l’étude et à la religion, s’attachèrent à éviter tout contact avec les Hassanes.

Le Klam azenaga, la langue de leurs pères, resta pour eux le symbole de leur indépendance et de « l’état maraboutique ». Quiconque parlait zénaga était, autrefois, tenu pour musulman fervent : les marabouts ayant su acquérir un ascendant moral et spirituel sur les Hassanes, ces derniers évitaient de piller les campements où l’on parlait zénaga.

Néanmoins le hassanya se propagea rapidement, réduisant l’emploi du klam azenaga.

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III pratique du Klam Zénaga

De nos jours, tous les berbérophones sont bilingues, mais il n’était pas rare, il y a une génération, de trouver des berbérophones ignorants le hassania.

Parmi les 13000 berbérophones énumérés plus haut, tous ne pratiquent pas klam zenaga de la même manière : on peut distinguer

1- Environ  8000 (idab el hassen, 5000 ; Tendaga, 2000 ; Tasoumsa, 800) chez lesquels les enfants continuent à parler le zénaga ;
2- Environ 3000 chez lesquels les enfants commencent à délaisser le zénaga ;
3- Environ 2000 chez lesquels le zénaga est parlé uniquement par les vieillards ;

Les Idab El Hassen sont réputés les conservateurs du klam azenaga si bien qu’en dehors du Trarza le dialecte berbère est parfois appelé Klam Idab el Hassen.

Dans cette tribu, le zénaga est employé en famille à l’exclusion du hassania : un enfant ou un adolescent qui s’adresserait dans cette dernière langue à une personne âgée commettrait une inconvenance. A la mosquée, il est de bon ton de ne converser uniquement en Zénaga. Les vieillards recommandent aux enfants de conserver le klam azenaga considérée comme une langue noble « et en laquelle, disent-ils, se trouve une bénédiction, car c’est la langue de nos ancêtres »

Les maîtres du coran, parfois, usent du zénaga, pour donner des explications aux jeunes élèves.

Ces derniers en effet, élevés par leurs mères, connaissent mieux le zénaga que le hassania. Les femmes, les enfants, les serviteurs, et les vieillards pratiquent mieux le zénaga que les hommes.Les jeunes gens entre eux parlent généralement en hassania et le gaf (pluriel guifane) quatrains d’amour ou spirituels, récités ou improvisés dans les réunions de jeunes gens et jeunes filles, sont toujours en hassania. Seuls les vieillards connaissent quelques guifane en klam zénaga.

 

 

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Vlane A.O.S.A.

 

Source : Chez Vlane (Le 4 septembre 2014)

 

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