Le Scandale de Malabo : L’implosion du vestiaire

Si la France a son « incident de Knysna », la Mauritanie a désormais son « Scandale de Malabo ». Des révélations qui nous sont parvenues font état de nombreuses péripéties qui ont miné le groupe de Patrice Neveu tout au long de son aventure. À la place du fameux bus des Bleus en Afrique du Sud, c’est le vestiaire visiteurs du Nuevo Estadio de Malabo qui fut le théâtre d’un triste spectacle auquel se sont donnés les Mourabitounes. La raison sans doute d’une déroute prévisible…

 

Dimanche 1er juin 2014, Nuevo Estadio de Malabo, la Mauritanie vient de s’incliner lourdement (3-0) face au Nzalang de la Guinée Équatoriale, et grille définitivement toutes ses chances de participation à la prochaine Coupe d’Afrique des Nations. Les Mourabitounes regagnent leur vestiaire, quand soudain, une bagarre éclate entre Dominique Da Silva et Adama Ba. Les deux protagonistes en viennent aux mains, et obligent le président de la FFRIM ainsi que certains de leurs partenaires à intervenir pour essayer de mettre fin à la rixe. Mais qu’est ce qui a bien pu pousser Ba et Da Silva à vouloir en découdre coûte que coûte ? Une explication musclée entre joueurs sous pression, c’est un fait presque banal dans le milieu du football dirions nous. Toutefois, dans ce cas précis, l’origine du problème est à chercher ailleurs. Une succession d’évènements partie d’une gestion exécrable du groupe, a petit à petit plombé l’ambiance et disloqué le vestiaire des Mourabitounes.

Une rivalité malsaine s’installe

Remontons quelques mois en arrière. Nous sommes au début du mois de septembre 2013, l’équipe nationale « A » de Mauritanie effectue son tout premier stage sous la houlette de Patrice Neveu, à Oliva, une ville située à quelques kilomètres de Valence en Espagne. Déjà, le contact entre Dominique Da Silva et Adama Ba est emprunt d’hostilité. La cohabitation entre les deux attaquants à l’égo surdimensionné, ne se passe pas forcément comme prévu. Le buteur du Al Ahly (à l’époque), désigné capitaine, tente de marquer son territoire, ce que le sociétaire de Bastia se refuse d’accepter. Cela n’inquiète pas pour autant le sélectionneur national. « J’ai déjà coaché de fortes personnalités comme Pascal Feindouno ou Dieumerci Mbokani, qui étaient considérés comme des ingérables. Je saurais manager mon groupe », confiait-il. Ce que l’ancien entraîneur de la Guinée Conakry n’avait pas prévu, c’est l’immixtion de ses supérieurs hiérarchiques, qui allait envenimer la situation.

Les faveurs du Boss

La rencontre amicale contre l’Oman bien négociée, les Mourabitounes devaient affronter en mars 2014 le Mena du Niger à Nouakchott. C’est à ce moment que de réelles fractures vont naître au sein du groupe, quand certains joueurs privilégiés auront les faveurs du Président de la FFRIM, qui leur mettra des véhicules à leur disposition, laissant d’autres en rade, attisant ainsi leur frustration. Sur le terrain, l’entente Da Silva-Ba n’est pas au beau fixe, les supporteurs du Stade olympique auront l’occasion de s’en apercevoir. Malgré tout, la Mauritanie tient le Niger en échec (1-1). À partir de là, Ahmed Yahya a enchaîné les erreurs de management, et s’est beaucoup trop impliqué dans la vie de l’équipe, ce qui devait relever du domaine de compétence du coach exclusivement. Ce dernier n’appréciera d’ailleurs pas l’omniprésence de son patron, mais n’interviendra pas.

Le numéro 10 de la discorde

De son côté, Patrice Neveu aussi n’a pas été exempt de tout reproche en contribuant à la création de clans. D’un côté les partisans de Da Silva (Bilal Sidibé, Souleymane Diallo, Babacar Touré, Amar Samb, Mamadou Wade, entre autres) et ceux de Ba (Moulaye Bessam, Ahmed Ahmedou, Khassa Camara, pour ne citer qu’eux). Le technicien Français a pris Adama Ba sous son aile et en a fait son unique confident. Lors de la double confrontation avec l’Île Maurice, le Bastiais profitera de l’absence de Da Silva pour s’emparer du maillot floqué du numéro 10, et confiera à ses coéquipiers que « même si Da Silva revenait en sélection, il ne lui rendra jamais son maillot. » Dominique – irrité par les déclarations de certains membres de la FFRIM, qui ont réclamé haut et fort son éviction définitive – sera mis au courant, et pour son retour contre la Guinée Équatoriale, va exiger de récupérer son numéro. Neveu va finalement trancher en faveur de son protégé, et retirera le brassard de capitaine du bras de Da Silva pour le confier à Oumar N’Diaye.

Le stage de trop

Le stage au Maroc marquera le divorce définitif entre les deux « stars », qui ne s’adresseront pas une seule fois la parole. La préférence affichée de Neveu pour Ba va aggraver les choses. Comme lors d’une séance d’entraînement, où le deuxième gardien, Babacar Touré (qui deviendra troisième par la suite), sera virulemment réprimandé pour une intervention un peu trop appuyée sur l’attaquant de Bastia. La frustration de Dominique atteindra son paroxysme, quand il apprendra par l’un de ses partenaires qu’il allait débuter le match retour face au Nzalang sur le banc des remplaçants, quatre jours avant la rencontre. Ce serait Adama Ba, averti par Neveu, qui l’aurait confié aux membres de son clan. Imaginez un peu la tête de Da Silva au moment d’apprendre la confirmation de la nouvelle de la bouche du coach, quelques heures avant le coup d’envoi.

Le scandale

C’est donc avec cet état d’esprit que la sélection Mauritanienne a abordé le match retour au Nuevo Estadio de Malabo, jusqu’à ce malheureux incident au coup de sifflet final. Tout a commencé quand Da Silva est allé serrer la main de l’arbitre Kenyan. Adama Ba très remonté après l’homme en noir qui venait de les plomber, qualifiera ce geste comme une traîtrise et n’hésitera pas à le faire savoir à son coéquipier. Da Silva excédé, lui rétorquera « tu n’as rien à me dire, tu avais plusieurs occasions de tuer le match, mais tu as préféré faire ton intéressant devant le but », avant de lui asséner une gifle. S’en suivait alors un échange de coup de poing au beau milieu de la pelouse, qui verra les deux clans s’expliquer physiquement. Ahmed Yahya présent au moment des faits va s’en prendre verbalement à Adama Ba. Dans tous ses états, le Bastias exprimera au président le fond de sa pensée. « Vous avez favorisé certains en leur donnant des privilèges que d’autres n’ont pas eu », a-t-il rétorqué. Pendant ce temps, Patrice Neveu qui répondait aux questions des journalistes, a préféré ne pas se mêler de l’échauffourée. Il récupérera tranquillement son sac et quittera le stade.

En conclusion, les Mourabitounes avaient peut-être la tête à tout sauf au football au moment de défendre les couleurs de toute une nation à Malabo. La solidarité entre joueurs est probablement la clé du succès de toute sélection. Même si ce problème n’explique pas forcément la déroute de l’équipe, il devait malgré tout être géré de façon intelligente au tout début. Sachant que Da Silva et Ba ne pouvait cohabiter au sein du même groupe, il fallait sans doute faire un sacrifice, quitte à se passer de l’un d’entre eux. Mais, les ennuis ont continué à prendre de l’ampleur sans qu’une solution ne soit trouvée et l’ingérence du président de la FFRIM n’a pas arrangé les choses. Les propos d’Adama Ba en sont la preuve probante, et on ne vous en a cité qu'une infime partie. D'autres événements graves se sont aussi produits, mais il faudrait plus qu'un article kilométrique pour tous les énumérer. À présent, il va falloir tirer les bonnes leçons de cet échec. Et si la Mauritanie parvient à se qualifier sur tapis vert, des mesures drastiques devraient être prises sans tarder. En 2010, l’équipe de France a vécu un véritable fiasco en Afrique du Sud, quatre ans plus tard, Didier Deschamps a évité de reproduire les mêmes erreurs. Un exemple à suivre…

 

Rédigé par

 

Source : Maurifoot

 

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