Brakna/Gorgol : Perfusion financière en perspective dans le triangle de la pauvreté

La malnutrition alimentaire est toujours au cœur de la crise au Sahel, en mauritanie en particulier. Face à la complexité des situations humanitaires dans cette partie du monde, une approche multilatérale se fait jour, et qui tente le mix entre résilience et humanitaire.

Le monde se diversifie : Les pays émergents, le monde arabe plus particulièrement, deviennent des bailleurs importants et de première vue, au même titre que le monde occidental. Cette diversité se retrouve dans une délégation de bailleurs potentiels de haut niveau qui s'est rendue en Mauritanie, du 2 au 6 février dernier, dans le Gorgol et le Brakna, au sud et sud-est du pays, pour de visu constater les besoin primordiaux des communautés locales, et comment permettre avec eux d'acquérir une plus grande indépendance alimentaire.

"Il y a des partenariats innovants qui sont entrain de s'établir dans le monde humanitaire. Ce n'est plus exclusivement de l'occident vers les pays en développement. Cette mission en Mauritanie peut déboucher sur des actions communes éventuellement" assure optimiste Robert Piper, Coordonnateur Humanitaire Régional des Nations-Unies pour le Sahel.

"Cette délégation est là pour palper les réalisations déjà effectuées par les autorités avec l'aide du système des Nations-Unies, au niveau du Brakna et du Gorgol. C'est une prise de contact direct avec les acteurs et populations locales. Ce sont des régions ciblées comme zones prioritaires" explique à Aleg, en préambule devant le wali du Brakna, Rashid Khalikov, Directeur OCHA-Genève.

"C'est en effet une zone prioritaire qui représente 3,2% de la superficie de la Mauritanie, avec ses 310.000 habitants, dont 48% est âgé entre 0 et 14 ans" opine le wali du Brakna. Et c'est une zone où déjà des programmes de cash-transfert courent pour 7.000 ménages.

Urgences et humanitaire 

Guosse, localité au centre du Brakna est un des lieux où se concentrent ce programme qui répond au choc alimentaire et à la sécheresse. "Le PAM tient ici un programme de cash-transfert pour 120 ménages" dit laconique Sidi Brahim Ould Samba, le chef du village. "C'est un programme pour renforcer la résilience des villageois avec de l'argent contre une formation assidue. Ça concerne 3.486 ménages répartis dans 81 localités du Brakna. 20.000 UM leur sont répartis mensuellement" explique Baba Fall Ould yedally, président de l'ONG "Au Secours" qui sert d'interface au PAM dans cette zone.

"Accès à l'eau, santé, l'éducation, le village, comme tant d'autres, manque de tout" souligne Sidi Brahim Ould Samba qui a présenté six demandes à la délégation de bailleurs : "Un centre de santé pour ne pas avoir à nous déplacer jusqu'à Aleg, une école, des grillages pour protéger les jardins des femmes, qui ont également besoin d'être financées pour des activités génératrices de revenus. Enfin, un sondage d'eau" énumère le chef.

À Beydia Taboyett, près de Boghé, la situation est similaire à celle de Guosse. 

"C'est un village encore récent, créé après les inondations de 2012, qui nous avaient forcé à le déplacer ici. Nous faisons face à tous les problèmes de base que connaît une communauté nouvelle récemment déplacée" déclare visiblement ému Abu Ould Hakim, le chef du village.

"Les inondations ont détruit nos récoltes. De l'aide nous a déjà été apportée par les autorités, des organismes internationaux déjà présents comme l'UNICEF, World Vision ou la Fondation du Qatar, mais nos besoins essentiels restent importants" continue le chef.

Résilience et agriculture 

"Les perspectives de notre agriculture, par trop rudimentaire encore, sont bouchées par le manque d'eau, ce qui ne nous permet pas d'avoir des stocks alimentaires en prévision de la période de soudure. Cela suppose un besoin de formation évident" développe Souleymane, directeur du petit bâtiment à deux pièces, qui sert d'école aux enfants du village de Beydia Taboyett.

"Les femmes pourraient, dans ce village, exercer un plus grand rôle dans la sécurisation alimentaire avec plus d'eau à notre disposition, et d'outils agricoles, ainsi qu'un peu de formation" assure optimiste Mariam Mint Boubacar, une femme de Beydia Taboyett.

"Les populations manquent vraiment de tout… Le plus important sera de voir avec les autorités comment créer une synergie humanitaire autour de ces populations qui ont besoin de tellement ! Tout en créant autour d'eux, avec eux, un carcan de résilience pour leur permettre de mieux encaisser les chocs éventuels à venir" explique Mme Faeqa Saeed Al-Saleh, représentante des états de la ligue arabe, et responsable des affaires sociales, en quittant le village.

A l'école nationale de formation et de vulgarisation agricoles (ENFVA), à la sortie de Kaédi, l'autonomie alimentaire des communautés passera forcément par la modernisation de leurs compétence agricoles, selon son directeur, Sidi Ali Deide. "Notre mission est de promouvoir l'agriculture et l'élevage pour lutter contre la pauvreté et favoriser une plus grande résilience de nos populations face aux successives crises alimentaires" affirme-t-il.

Une affirmation que le maire de Kaédi, Moussa Sow dit Tchombé, tempère :

"Cette région était le grenier de la Mauritanie; et aujourd'hui nous sommes au cœur de l'insécurité alimentaire. Il faut se poser les bonnes questions. L'endettement des paysans n'est pas le problème. Ceci est plutôt la conséquence d'un manque d'encadrement structurel de ces travailleurs du sol. Par exemple, on ne peut pas d'attendre à une productivité importante, sans une niveleuse permanente, sans un potentiel de maintenance agricole qui est aujourd'hui dérisoire" développe longuement le maire fraîchement réélu à la tête de la commune, qui reconnaît que l'ENFVA aura un rôle crucial à jouer dans la vulgarisation de ces connaissances auprès des paysans.

Malnutrition infantile

Au CRENI situé dans le centre hospitalier de Kaédi dans le Gorgol, suivi par la croix-rouge, financée par ÉCHO 6 de l'union européenne, mais également par l'UNICEF, la malnutrition des enfants fait partie des cas sanitaires répandus de la région. Dans l'un des trois bungalows en ciment, où les enfants sont traités, la détresse des mères est palpable.

Kadiat Moussa Sall est originaire de Lexeiba; elle est la mère de deux jumeaux de sept mois, Awa et Adama, atteints de malnutrition. "Le lait et les compléments nutritifs ont sensiblement amélioré leur conditions mais ils restent fragiles… Leur père ne travaille pas… Nous avons vraiment besoin d'aide" murmure d'une voix lasse la jeune femme, entrecoupant ses phrases de longs moments de silence.

En dehors du bungalow, le docteur Wagueye Django, pédiatre et responsable du CRENI, énumère les principales difficultés de leur centre :

"Les locaux pour le traitement des enfants ne sont pas adaptés. Les mères ne sont pas prises en charge et cela pose un problème dans la continuité du traitement et le suivi de l'amélioration éventuelle des cas traités. Il faut hausser la qualité d'accueil et avoir un personnel auxiliaire nutritionnel un peu plus étoffé" précise-t-il.

À une trentaine de kilomètres de Kaédi, Djeol. Village d'un millier d'âmes qui possède depuis 2009 un centre de santé. Un Crenas et un Crenam y sont suivis par la Croix-rouge et l'UNICEF, dans cette zone où la malnutrition sévère des enfants est particulièrement importante, même si une baisse notable a été enregistrée cette année : 

"Ces quatre derniers jours, nous avons dépisté cinq cas d'enfants malnutris; mais grâce à une meilleure prise en charge depuis 2010 notamment, la malnutrition diminue dans cette zone du Gorgol" assure Fatimata Wone, infirmière d'état dans le centre de santé de Djeol. 

Renforcer les partenariats entre bailleurs 

Jasem S. Al Nijmamr Al Shammary, directeur des programmes internationaux de la fondation du Sheikh Al-Thani Bin Abdullah (RAF) affiche un optimisme contagieux dans leur groupe, après ces premières visites sur le terrain : "Voir autant de gros bailleurs potentiels issus du Moyen-Orient, de l'Europe et de l'Afrique, travailler en partenaire sur des sujets aussi importants que l'autonomie alimentaire par la résilience des communautés rend optimiste" dit-il.

Ce qui justifie sa conviction "qu'aucune institution seule, ne pourra faire quelque chose face à tant de besoins". "Nous devrons nécessairement le faire ensemble! La coopération entre le gouvernement et les partenaires humanitaires pour le renforcement de la résilience de ces populations, sera essentielle" argue-t-il.

"Ces rencontres sur le terrain ont été fructueuses : les communautés rencontrées ont toutes en commun d'avoir des problèmes liés à leur enclavement" synthétise Atta Al-Manan Bakhit, adjoint au secrétaire général de l'organisation islamique pour la coopération (OIC), membre de la délégation de donateurs. 

"En renforçant le partenariat entre les bailleurs potentiels sur ces questions essentielles, les chances d'une meilleure résilience des communautés, et donc de leur autonomie alimentaire face aux crises à venir, augmentent" conclut-il.

Mamoudou Lamine Kane

Au Gorgol et Brakna

Source  :  Noor Info le 12/02/2014{jcomments on}

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