Kaédi : duel entre le SJN et l’UPR, sur fond de crise identitaire

Voilà que la commune de Kaédi est propulsée au second tour, entre les candidats Sow Moussa Demba et Cheikh Tahara Baradji, respectivement porteurs des couleurs de l’UPR et du Sursaut National de la Jeunesse (SJN), qui se donnent rendez vous le 21 décembre.

Si cette configuration a été l’objet d’une incroyable tergiversation de la CENI, il n’en demeure pas moins qu’elle a suscité le mécontentement de l’APP qui pense être victime d’une combine, montée de toutes pièces, pour la mettre hors compétition. Quoiqu’il en soit, le face-à-face,entre « N’Kono » et « Thiombé », suscite la passion, de part et d’autre, tant les protagonistes, hier dans la même barque UPR, ont dû emprunter des montures certes différentes mais de même nature, tout de même, pour conquérir les suffrages desKaédiens. Pour le candidat du Sursaut, c’est l’heure du changement qui a sonné et celui-ci doit s’opérer avec cette élection. Pour le camp opposé, conduit par un cacique qui rempile pour un troisième mandat, avec deux ans de bonus, il en va, évidemment, d’un tout autre son de cloche et le temps est d’autant moins à la retraite que Thiombé se trouve conforté par son avance du premier tour : 30,28% contre 19,21% au Sursaut qui devance, d’une très (trop ?) courte tête, l’APP qui recueille 19,16%. En ligne droite pour la victoire que l’un et l’autre mènent en sourdine, loin de tout tintamarre, chacun multiplie les contacts et rencontres, en direction des autres partis et électeurs indécis, pour s’approprier des faveurs d’un électorat aussi versatile qu’imprévu, tant les paradigmes de choix sont beaucoup plus liés aux personnes qu’aux compétences, d’où ce flottement qui échappe à toute analyse spéculative de nature à fixer les tendances.

Les observateurs s’accordent sur le caractère ethnico-tribal qui a marqué le premier tour. Moins que l’instauration d’un débat démocratique, autour d’enjeux de développement et de stratégie d’émergence économique de la commune, illustrés par des programmes bien construits, il s’est en effet axé, contre toute attente, sur la problématique identitaire et communautarisme. Ainsi Thiombé a fait le plein de voix sur le corridor du fleuve (Touldé Tantadji, Gourel Sagné…) et dans quelques bureaux périphériques, alors que Tahara en faisait demême dans les bureaux de Gattaga (Justice, Hôtel de ville) et de Moderne, et que Tinzah, Initi Kebbé jetaient leur dévolu sur Amar Ould Salem, candidat de l’APP, arrivé, comme on l’a dit tantôt, en troisième position, suivi d’Abou Cissé, de l’UDP, et de l’UNDD, défendu par Mohamed Bakary Tandia, dit Nkathia, benjamin des postulants. A la lecture de cette répartition entre les trois grands pôles qui se sont distingués, nonobstant la déprime de l’APP dont l’électorat, s’il ne fait défaut, pourrait bien, cependant, faire la différence, ce duel, à la fois fratricide et générationnel, porte en lui toutes les incertitudes, sur fond de revanche. Chaque parti ratisse, autant que faire se peut, de la plus large manière possible, dans les rangs des partis absents du second tour. En tout cas, une chose est sure : au lendemain du 21 Décembre, la commune bascule dans l’escarcelle du changement, prôné par une très grande majorité de la jeunesse ou elle opte pour une certaine « continuité dans la stabilité». Il n’y aura pas, pour rappeler le bon mot du regretté Habib Ould Mahfoud, de « changité dans le stabilement ».

Législatives, le revirement spectaculaire

Le chamboulement et l’incompréhension entretenus, par la CENI, dans la finalisation des résultats, a tenu et tient encore en haleine les électeurs qui s’interrogent encore sur les dysfonctionnements constatés et l’incompétence de cette structure à mesurer l’enjeu de la consultation populaire. Après avoir annoncé, dans les premières heures, le triomphe de Kane Moustapha (5 090 voix), revenu en force, malgré le désaveu de son parti d’origine, pour rétablir sa légitimité dans les rangs d’El Karama, de Ba Yaya Bocar (3 221 voix), candidat de l’UPR et actuel ministre de l’Habitat et de l’urbanisme, et de Cheikhatou, transfuge de la dernière seconde de l’UFP pour se planquer dans la première loge de l’APP, la CENI revoyait sa copie, en mettant out le candidat de l’APP, au profit de celui de l’UDP (3 289 voix). Cette attitude giratoire, aussi incompréhensible qu’inélégante, a fini, d’une part, par énerver les perdants, en sit-in devant le siège de la CENI, pour défendre leur vote, et montrer, d’autre part, les limites d’une institution qui a lamentablement failli à sa tâche régalienne.

Quelles perspectives ?

Dans l’attente du verdict final, il est clair que la désintégration ou la fragmentation sociale, de plus en plus manifeste à Kaédi, fait débat. Les acteurs politiques doivent prendre des mesures populaires de nature à colmater les brèches déjà béantes. Cette situation, qui découle de l’ineptie de politiques chevillées sur des problèmes crypto-personnels et des chapelles de clochers dissonants, appelle à une autre manière de faire la « chose politique», dans l’intérêt réel de la commune.

L’anarchie, vivace et entretenue par les pouvoirs publics, profite aux politiciens véreux qui, à défaut d’une mobilisation autour de vrais enjeux de développement, dissimulent leurs carences dans les subtiles et venimeuses strates d’une fragile cohésion sociale encore et toujours à parfaire. En définitive et au-delà du jeu démocratique – puéril, en ce cas d’espèce – qui se fonde sur la loi du plus grand nombre, communément appelée majorité, les réflexions ne doivent-elles pas s’articuler autour des meilleures conditions d’une coexistence pacifique, portant les germes de l’acceptation mutuelle, ce qui donnerait, à ce concept, un contenu plus social ?

Biry Diagana CP Gorgol

Source  :  Le Calame le 18/12/2013{jcomments on}

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