Carnet de voyage Retour à Nouakchott, des années après (suite et fin)

Ibrahima AthieC’est avec une grande appréhension que je me présente au poste frontière de Rosso Mauritanie. Dans ma tête j’allais être refoulé, ce qui aurait été une grosse frustration.

Le policier qui récupère les pièces d’identité des passagers remarque tout de suite l’anomalie sur le visa, en informe ses collègues et mon passeport passe de main en main telle une curiosité. Et après maintes vérifications ils se rendent compte que c’était effectivement une erreur. Un officier me fait alors entrer dans son bureau et me dit « vous auriez dû vérifier pour constater l’erreur et la faire rectifier ». Je reconnais mon tort mais m’abstiens tout de même de lui raconter toute l’histoire. Puis un agent me remet mon document de voyage avec un cachet qui indiquait que mon séjour débutait le jour même. Ouf !

Il fallait par la suite trouver une voiture pour aller à Nouakchott. Pas la peine de chercher longtemps, les rabatteurs sont là à l’affut du moindre client. Les places du véhicule se remplissent petit à petit et puis hop, c’est parti ! Il y a des kilomètres à parcourir et on a le temps de discuter un peu avec le chauffeur. « Mais pourquoi vous ne respectez pas le nombre de places, c'est-à-dire 7 sur ce type de voitures ? », lui demandai-je. « Oui je sais c’est de la surcharge mais on peut se le permettre car on déclare 9 personnes au niveau de l’assurance». Ah bon ? En quelque sorte une infraction couverte par la légalité…

Et qu’en est-il de cette route dégradée qu’on emprunte à la sortie de Rosso ? Cela faisait une décennie que je n’étais pas passé par là et curieusement rien n’a changé. Ou si, en pire. Pourquoi ne pas manifester pour demander des travaux ? « Manifester ! », s’exclame le conducteur, « tu rigoles ou quoi ? Ça ne servirait à rien ! ». Avant d’ajouter : « moi je blâme les cadres de la ville qui devaient s’activer pour sa modernisation et nous qui n’avons pas été à l’école nous aurions suivi ». Ne pas être instruit ne l’empêche pas pour autant de s’intéresser à la situation du pays. De son point de vue, « la Mauritanie sera dirigée par les Haratines, le changement s’amorce lentement et il faut juste que cette communauté s’éveille plus ». Belle analyse de quelqu’un qui pense ne rien savoir.

Ce qui frappe sur le tronçon Rosso-Nouakchott est le nombre impressionnant de postes de contrôle. Une douzaine pour une route d’environ 200 km, c’est hallucinant ! Et des fois on tombe sur des situations vraiment cocasses. A l’un de ces postes, je tends mon passeport à un agent qui me demande de lui montrer le cachet sur le visa qu’il ne voyait pas alors que celui-ci était visible même pour un myope !

Et nous voilà arrivés à la capitale. Mais il faut prendre son mal en patience pour trouver un taxi. Puisque ceux qui passent refusent d’aller vers certaines destinations, il faut saucissonner le trajet. Au carrefour Madrid, des taxis passent mais aucun ne veut aller à la Socogim Extension. La mort dans l’âme, je décide d’appeler quelqu’un au secours mais avant son arrivée je trouve enfin un taxi. Le chauffeur m’a fait comprendre que la ville était inondée et que dans certains endroits il était risqué pour les voitures de descendre du goudron. Pas de souci, qu’on me laisse au bord de la route !

A bord du taxi, il y avait d'autres passagers. Eh oui, ici on accumule les courses et les chauffeurs doivent engranger de confortables revenus. Cependant, on peut en profiter pour discuter ou tout simplement écouter les autres. Comme ces deux copines qui parlent de la difficulté d'ouvrir un compte en banque. « On te demande un tas de paperasses », se plaint l'une. « Alors je suis allée voir untel qui travaille là-bas et il me l'a fait en un rien de temps. Tu devrais faire comme moi car dans ce pays si tu ne connais personne dans l'administration alors tu risques de galérer. » Hélas…

Et c’est le lendemain et les jours suivants que j’ai vraiment réalisé l’ampleur des inondations. Beaucoup d'endroits sont difficiles d’accès et les véhicules rechignent à s'y aventurer. Du coup, il se forme de longues files d’attente de personnes qui cherchent désespérément un moyen de transport pour rentrer chez eux. D'autres, pour se déplacer, ont recours aux « 1200 »,  des bottes qui leur permettent de braver les innombrables piscines sauvages qui se sont formées ça et là au gré des intempéries et dont personne ne s'occupe. Il y avait de l’eau partout dans les quartiers périphériques mais aussi en centre-ville. Celui-ci a quelque peu changé et on remarque de nouvelles rues goudronnées, des lampadaires, des feux rouges, de nouvelles banques…

Mon séjour de quelques jours à Nouakchott ne permet pas de constater tous les changements intervenus durant cette décennie. Cependant la ville compte plusieurs zones inondables. Pourtant les autorités laissent les populations s'installer  n'importe où et n'importe comment.  Et on ne peut pas comprendre pourquoi on n'a pas encore doté la capitale d’un système de canalisations pour évacuer l’eau. Un tel projet serait à l’étude. A moins qu’il tombe… à l’eau.

Mais la négligence n’est pas l’apanage de la Mauritanie. Le Sénégal, même s’il est vraiment en avance surtout sur le plan démocratique, fait lui-aussi preuve de légèreté. De retour à Dakar, je tombe sur une pénurie d’eau causée par la détérioration d’un tuyau. Celui-ci a connu des problèmes depuis des années mais on a préféré le rafistoler. Et on assiste à une situation ubuesque. Le liquide précieux est quasi introuvable à Dakar alors que la ville est une presqu’île !  Pourquoi ne pas avoir pensé à installer une usine de dessalement de l'eau de mer ? C’est ça aussi l’Afrique. Ce n’est pas forcément un problème de pauvreté mais des priorités discutables et incompréhensibles, des dirigeants pas visionnaires du tout, etc.

C’est dans ce contexte que je me rends à l’aéroport Léopold Sédar Senghor. Au douanier qui me demande si je n’avais rien à déclarer, je réponds : « rien sauf que la chaleur humaine me manque déjà ». Et c’est celle-ci qui fait aussi qu’on aime tant revoir les siens…

Ibrahima Athie pour www.kassataya.com

 

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