Le mythe de la discipline militaire en Mauritanie…

Comble de la prétendue victoire des militaires sur les civils depuis cette guerre présentée comme les opposant, on a tous fini par admettre en s’en félicitant que les militaires formeraient un corps plus stable que la scène politique étant entendu que stable signifie responsable, comme on dit, digne de confiance.

Cette idée a atteint son paroxysme quand tout Nouakchott s’est cru en plein coup d’état un samedi, Aziz alors blessé et silencieux à Paris. Ce jour, l’hystérie gagna le plus serein des civils car toute l’infernale machine du téléphone arabe joua à plein régime, c’est le cas de le dire, sans qu’on sache si le feu a pris par hasard ou provoqué par le régime pour comme on teste des rats en cage en leur administrant une décharge électrique.

On se souvient ensuite des hauts gradés en conciliabule avec le premier ministre comme en temps de propagande pour se mettre sous les ordres d’un civil comme si après le chef de l’état, le deuxième personnage de la république était le premier ministre. Sitôt la crise d’hystérie passée, tout le monde félicita l’armée de ne pas avoir été touchée par cette fièvre des civils angoissés comme des hommes désarmés autant dire des femmes en détresse en langage viril de ce protecteur monde-là.

Ce fut là le dernier acte humiliant les civils politisés ou du moins l’opposition radicale et la majorité silencieuse depuis longtemps tétanisée par la peur ou prise de fou rire nerveux comme une illusion de liberté. En effet, comment des gens qui veulent chasser un président censé tenir le pays d’une main de fer sans partage restent-ils planqués alors qu’il est alité entre la vie et la mort de l’autre côté des mers ? Ajoutez à cela, une liberté d’expression totale qui permet tous les appels au rahil avec un piètre résultat et vous aurez la mort clinique du mythe du pouvoir civil en Mauritanie face au pouvoir militaire civilisé.

Reste l’autre mythe, celui de la discipline militaire qui aurait sauvé la Mauritanie sinon nous serions partis depuis longtemps soi-disant dans des guerres meurtrières. Il s’agit là d’une véritable fable car avant l’arrivée d’Aziz qui a donné à l’armée des couleurs sans en changer l’esprit milicien qui consiste à répondre au chef seul  et son équipe de hauts gradés, les militaires du soldat du rang au colonel vivaient dans le même dénuement matériel et la même peur que les civils car il a toujours régné dans l’armée tout ce que nous avons connu dans le monde civil : abus de pouvoir, trafic d’influence, gabegie, détournement jusqu’aux fonds pour nourrir correctement les militaires, népotisme, favoritisme, clientélisme, tribalisme et toutes les plaies que nous connaissons.

De tout temps, l’armée mauritanienne a souffert autant que les civils avec des militaires ayant aussi peur que les civils car dans l’armée règne aussi l’arbitraire et mille conditionnements qui font que très tôt on apprend à fermer sa gueule pour avoir la paix devant mille injustices. Les renseignements militaires surveillant autant les militaires que les civils, chaque militaire se sait espionné. Son profil est connu et son avancement en dépendra.

Qui ne se souvient pas de cette époque avec des militaires misérables ? Qui n’a pas connu cette époque où on les voyait vendre lit de camp et même leurs armes à savoir un pistolet 9mm pour 40.000, une kalach pour 120.000 ou même 70 ? Qui ne sait que tel et tel respectables retraités ont ruiné l’armée en toute impunité ? Qui n’a pas vu de valeureux officiers démissionner, le cœur brisé ne supportant pas de voir l’injustice et qui ont fini humiliés  à courir faire « consultant en sécurité » ou même taximan ? Qu’on ne nous raconte pas des fables, l’armée a été aussi pourrie que le monde civil livré aux canailles. Ainsi, le militaire fier se retrouvait au trou pour le plus faible, ou radié ou envoyé à l’étranger pour les plus intouchables.

L’armée n’a jamais explosé car à genoux comme nos civils qui, en tout temps, ont été incapables de révolution car il s’agit de mauritaniens pris dans le même étau ; celui de la division, de l’humiliation et de la peur.

On raconte que depuis qu’Aziz est arrivé, les choses ont changé. L’armée retrouve des couleurs et tout le monde voit sa condition s’améliorer pour tous les corps de sécurité et des renseignements. Pas un inspecteur qui n’ait reçu une petite voiture neuve qui fait du bien à l’honneur au standing à la maison et cela va de la petite japonaise à la BM pour les hauts gradés. Cela a calmé beaucoup de choses mais qu’on ne vienne pas nous raconter que le corps militaire soit plus méritant que les civils : c’est faux sauf que chez les uns, le corps sauve l’apparence même squelettique quand chez les civils, l’âme n’a pas de squelette…

Si Moctar Ould Daddah fut le père de la nation, Aziz est en train de devenir le père de l’armée. Ce n’est pas encore l’armée républicaine qui irait répondre à une république encore à quatre pattes mais c’est une armée qui reprend corps et âme. On raconte d’ailleurs que la grande nouveauté qui donne naissance à l’armée, c’est d’avoir largement entamé l’émiettement du commandement militaire de sorte que plus jamais un homme et 4 potes puissent faire un coup d’état, il ne s’agit pas seulement d’indépendance financière mais aussi d’indépendance en matériel même si en la matière le nerf de la guerre n’est pas l’argent mais les munitions ; le seul vrai secret de la république militaire.

La Mauritanie est en pleine mutation : on assiste à la troisième étape : l’oeuf de la naissance de l’état à 1978, la chenille avec la prise du pouvoir de la première génération militaire, et celle-ci : la chrysalide. En attendant l’avènement  du papillon, l’armée renaît et garde le pouvoir en faisant marcher les civils au pas car ils ne sont plus en mesure de gouverner un pays détruit livré aux mains d’une génération nourrie en vampires. Les civils eux n’ont pas donné naissance à la relève.

Hélas…

Vlane

 

Source : http://www.chezvlane.blogspot.fr/

 

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