‘’L’opposition n’a jamais réclamé la formation d’un gouvernement d’union sous la houlette du Président Ould Abdel Aziz’’

(Crédit photo : Le Calame)

Bâ Aliou Ibra, député du Mouvement pour le changement démocratique (MCD-membre de la COD) à l’Assemblée Nationale.

Le Calame : Pensez-vous que les réponses, qualifiées de « favorables », de la Coordination de l’Opposition Démocratique (COD) et de la Majorité Présidentielle (MP), à l’initiative de sortie de crise du président Messaoud Ould Boulkheïr, pourraient pousser les pôles politiques à engager le dialogue afin d’aller aux élections ?

– Le président Messouad a annonce que ni la COD ni la MP n’ont rejeté son initiative. La suite lui revient. C’est à lui de voir quel est le meilleur format pour les discussions a venir, quel contenu avec quel chronogramme pour que le dialogue avance.

– L’opinion est quelque peu désabusée par l’attitude de l’opposition qui maintient, tout en exprimant sa disposition à dialoguer avec le pouvoir, son slogan « Dégage ! » et réclame la formation d’un gouvernement d’union, sous la houlette du président Ould Abdel Aziz. N’est-ce pas là un manque de cohérence ?

Je voudrais, tout de suite, apporter une précision de taille. L’opposition n’a jamais réclamé la formation d’un gouvernement d’union sous la houlette du Président Ould Abdel Aziz, ainsi que vous semblez le croire. Non, voici ce que dit la COD : notre pays connaît une crise politique, depuis le coup d’Etat de 2008. Les accords de Dakar étaient une tentative d’en sortir. Le pouvoir actuel les a sabotés, en refusant d’appliquer toute la partie ne légitimant pas son coup d’Etat. La crise demeure donc et s’en est même élargie. II faut une transition pour en sortir. C’est dans cette perspective qu’il faut comprendre le gouvernement d’union nationale réclamée par l’opposition. La position de la COD reste très cohérente.

– Pourquoi l’opposition se cristallise-t-elle tant sur la formation d’un gouvernement de large ouverture pour aller aux élections, alors qu’elle en a vécu l’amère expérience en 2009, après la signature de l’accord de Dakar? L’application stricte des résultats de l’accord politique de 2011 ne constitue-t-elle pas une garantie suffisante ?

Vous avait bien fait de faire référence à Dakar. « Chat échaudé craint l’eau froide », dit un adage français. La vraie difficulté, pour dialoguer avec le pouvoir d’Ould Abdel Aziz, c’est qu’il ne considère pas qu’un dialogue politique doive aboutir un compromis. C’est à dire que chaque partie doit, consciemment, faire des concessions, que la bonne foi doit être permanente, tout au long des discussions, et, surtout, que chaque partie doit honnêtement appliquer les résultats. L’expérience que nous avons avec ce régime, c’est qu’il considère tout dialogue comme une manière de « rouler » l’adversaire.

– Ne pensez-vous pas que l’opposition mauritanienne devrait s’unir et suivre la démarche de son homologue sénégalaise qui a réussi à balayer, sans gouvernement d’union, le pouvoir très décrié du président Wade ?

La situation au Sénégal est très différente de la nôtre. Le Sénégal est une vieille démocratie. Le gouvernement de Wade, lui-même est issu d’une alternance pacifique, en 2000. Un Président en fonction a été battu démocratiquement et a cédé le pouvoir pacifiquement. Alors que, dans notre pays, le pouvoir est issu d’un coup d’Etat contre un Président démocratiquement élu, à l’issue d’une élection que tout le monde s accordé à reconnaître comme la plus transparente et la plus juste de notre histoire. De plus, la gestion quotidienne du pays n’est qu’autoritarisme, opacité financière et népotisme dans la répartition des richesses. Par conséquent, les démarches politiques sont forcément différentes.

– Lors de sa récente rencontre avec ses parlementaires, le président Ould Abdel Aziz aurait annoncé que les élections auraient bien lieu en octobre 2013. L’amorce d’un dialogue pourrait-elle occasionner le report du scrutin ?

Vous avez, là, un exemple typique de la façon dont le pays est dirigé. La CENI, théoriquement chargée des élections, de bout en bout, n’a pas encore annoncé le début du RAVEL, tandis que le Président en annonce la date, au cours d’une rencontre avec les parlementaires de son camp. La CENI, comme toutes les autres structures administratives et politiques du pays, sont dé-responsabilisées.

– Le pouvoir a dissous l’ANAIR et fondé, à la place, l’Agence Tadamoun. Quel commentaire vous inspire cette décision ?

Là aussi, la démarche est exemplaire. L’ANAIR s’occupait du rapatriement des déportés au Sénégal et au Mali. Le processus n’est pas encore achevé, on l’a dissoute et on la remplace par l’Agence Tadamoun, qui doit, en principe, s’occuper d’un problème différent. On fait de l’amalgame, on cherche à dresser une partie de nos concitoyens contre d’autres. Tout ceci n’est pas très sain.

– Vous êtes membre de la commission d’investigations formée, par la COD, suite au présumé Ghanagate. De quels moyens disposez-vous pour mener votre enquête et contraindre, ainsi, le pouvoir à expliquer, aux Mauritaniens, ce qui pourrait se cacher derrière ces présumés scandales financiers ?

– Il faut voir, dans la mise en place de cette commission, un double souci : en un, clarifier, objectivement, une situation faite de rumeurs – non démenties, par ailleurs – et de toutes sortes d’hypothèses. En deux, informer, tout aussi objectivement, avec les moyens dont nous disposerons et en partant de la présomption d’innocence des accusés, l’opinion nationale et internationale de l’ensemble des éléments des dossiers aujourd’hui sur la place publique.

 

Propos recueillis par Dalay Lam

 

Source  :  Le Calame le 22/05/2013{jcomments on}

 

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