‘’L’imposante manifestation à l’occasion du lancement de l’Initiative du Président Messaoud, est un message fort adressé à l’ensemble de la classe politique et au pouvoir’’

(Archives. Crédit photo : anonyme)

Kane Hamidou Baba, Président du Mouvement Pour la Refondation (MPR), dans une interview exclusive (Le Calame).

Le Calame : Vous avez assisté, le lundi, 11 février, au lancement officiel de l’initiative de sortie de crise du président de l’Assemblée Nationale, Messaoud Ould Boulkheir. Pensez-vous que cette initiative que vous soutenez est de nature à apaiser la scène politique avec le rejet par le président de la République de la formation d’un gouvernement de large ouverture ?

Hamidou Baba Kane : Il faut d’abord noter que l’imposante manifestation du 11 février 2013, à l’occasion du lancement de l’Initiative du Président Messaoud, si j’en juge par le soutien massif et populaire de tous les segments de la société mauritanienne, est en soi un message fort adressé à l’ensemble de la classe politique et au pouvoir. Cette manifestation est l’expression d’une majorité silencieuse qui se reconnaît à travers cette initiative, et qui est fatiguée d’être prise « en otage » par des agitateurs professionnels. Entre deux positions tout aussi radicales, il existe « un juste milieu » que cette Initiative tente de promouvoir. D’ailleurs, lorsqu’on observe la représentation qualitative de la Coordination de l’Opposition Démocratique, comme de la Majorité Présidentielle, par leur présence physique, que nous saluons, on peut dire sans risque de se tromper que la classe politique et le pouvoir ont pris la mesure de l’importance de cette Initiative, qui est la seule raisonnable pour sortir le pays de la crise qu’il traverse !

Avec le rejet par le président de la République d’un gouvernement de consensus dont la mission serait d’organiser des élections apaisées, que reste-t-il à négocier avec la majorité, voire la COD ?

L’objectif majeur de l’Initiative est de mettre en œuvre les voies et moyens permettant d’organiser des élections législatives et municipales sincères, crédibles, libres, transparentes et inclusives. Cela ne peut se faire qu’à deux conditions : le consensus et le rétablissement de la confiance entre les parties prenantes. La première condition passe par le dialogue et la seconde, puisqu’il s’agit de la mise en œuvre, appelle l’existence d’une structure compétente et réellement indépendante, acceptée par toutes les parties, chargée d’organiser les élections.

Pensez-vous, dans ces conditions qu’on pourrait organiser des élections transparentes, consensuelles et inclusives ?

Je crois qu’il ne faudrait pas faire une fixation sur le Gouvernement. Celui-ci, n’est qu’un moyen, parmi d’autres, ce n’est pas la finalité. Cela dit, nous entendons être une force de proposition pour démontrer à tous la faisabilité de l’Initiative et relever les défis.

En répondant massivement à l’invitation du président Messaoud, presque toute la classe politique, la société civile, les personnes ressources et d’autres segments du pays n’ont-ils pas envoyé un message à l’endroit du président de la République, lui signifiant qu’il est urgent de répondre positivement au « cri du ralliement» ?

Le président de la République répondra mieux que moi à votre question. Cela dit, tous les observateurs ont constaté l’ampleur de cette manifestation et sa résonnance particulière jusque dans des milieux faiblement politisés et qui n’aspirent qu’à la paix sociale dans un contexte marqué par la nécessité de consolider le front intérieur pour faire face à tous les dangers, dont la crise du Nord Mali, n’est pas des moindres !

Comment les soutiens de l’initiative entendent-ils mettre en œuvre cette initiative désormais sur les rails ?

Nous avons procédé, le jeudi 14 février, à l’évaluation de la cérémonie de lancement de l’Initiative et défini des perspectives. Nous donnerons corps et âme à cette Initiative. Que personne n’en doute : je vous le répète, nous sommes une force de propositions. Un plan d’action est à l’œuvre et malgré les contingences ou les obstacles, l’Initiative survivra !

Le soutien de la Convergence Patriotique à l’initiative de Messaoud n’a-t-il pas affecté vos relations avec vos amis de la Majorité ?

La Convergence Patriotique qui est composée de trois partis de la Majorité (ADIL, RD et MPR), s’est constituée avant l’Initiative de Messaoud, depuis le 23 février 2012. Dans la déclaration rendue publique, nous avions affirmé notre attachement aux résultats hautement positifs du dialogue entre la Majorité présidentielle et une partie de l’Opposition Démocratique ; et appelé, en même temps à un dialogue renforcé. Certains amis de la Majorité ont sans doute mal perçu notre approche, mais l’Initiative du Président Messaoud est pour nous une confirmation de la pertinence et de la justesse de notre position. Nous la soutenons. Pour le reste, la Majorité est plurielle et, pour qui cherche un béni-oui-oui, je ne suis pas la bonne adresse !

Le samedi, 9 février, vous avez été le seul député à accueillir, à la porte de l’Assemblée Nationale, la marche de l’AJD/MR et à recevoir des mains de son président, Ibrahima Moctar Sarr, la plate forme revendicative de l’abrogation de la loi d’amnistie de 1993, laquelle loi protège les auteurs des exécutions extrajudiciaires perpétrées contre les militaires négro mauritaniens, entre 1989 et 1991. Quelle signification faudrait-il voir à travers ce geste ?

Comme j’ai eu à le dire à vos collègues journalistes, lorsque l’on défend une juste cause, on n’est jamais seul ! Je dois à la vérité de dire que la Députée Maalouma Mint Bilal s’était présentée à l’Assemblée Nationale et que certains députés, dont Mustapha Ould Abeiderahmane étaient simplement empêchés, parce-que absents du pays. Il ne m’appartient pas de répondre à la place de chaque député, mais, en tout état de cause, je ferai circuler la pétition à l’ensemble des groupes parlementaires à l’ouverture de la prochaine session parlementaire.
Quant à la signification de mon geste, il faut y voir avant tout une cohérence dans l’engagement politique et le combat pour le respect des droits de l’Homme. Il n’échappe à personne que j’appartiens à une famille politique qui a créé l’Union des Forces Démocratiques (UFD) en 1991 sur la base du refus et de la condamnation des violations massives des droits de l’Homme dans notre pays. Par la suite, l’UFD/Ere Nouvelle, héritière de l’UFD et à laquelle j’ai appartenu avait dénoncé, la qualifiant de scélérate, la loi d’amnistie de juin 1993 adoptée par un Parlement légal, mais sans légitimité, dans un contexte d’autocratie. Moi, je n’ai pas changé d’avis sur cette fameuse loi.

Qu’entendez-vous faire pour amener vos collègues parlementaires à débattre de la question au niveau des deux chambres ?

Mon devoir est d’informer mes collègues parlementaires. Je ferai, comme je l’ai dit, circuler la pétition pour une proposition de loi abrogeant la loi d’amnistie de 1993. Je ne préjuge pas du résultat. En tout état de cause, la configuration et l’usure de cette législature font qu’il serait, sans doute, plus avisé de réserver le débat de fond pour la prochaine législature qui sera issue des élections générales.

Que pensez-vous du règlement du passif humanitaire, désormais « classé », qu’a organisé le pouvoir de Mohamed Ould Abdel Aziz avec certaines victimes ?

Longtemps escamotée, la question du passif humanitaire reste toujours posée. Elle a connu un début de solution. Des actes salutaires et courageux ont été accomplis par le Président Mohamed Ould Abdel Aziz. Il a cependant manqué un cadre global de cohérence impliquant l’ensemble de la communauté nationale et plaçant les victimes au centre de toute négociation. L’abrogation de la loi d’amnistie de 93 constitue un jalon important sur la voie de la réconciliation nationale. Entre l’impunité et la vengeance, il y a la place pour une justice transitionnelle, inspirée de nos valeurs de pardon.

Une bataille oppose depuis bientôt deux semaines le gouvernement de Mohamed Ould Abdel Aziz à l’homme d’affaire, Mohamed Ould Bouamatou. Que vous inspire ce différend ?

Cela me fait beaucoup de peine ! Mohamed Ould Bouamatou a rendu des services signalés à l’Etat. Plusieurs fois, il a suppléé aux carences de l’Etat. Je me rappelle que cela lui a valu une décoration par le président de la République un 28 novembre 2009, où il a été élevé au rang de chevalier de l’ordre du Mérite National. Je ne peux pas croire, je ne veux pas croire, que le Chef de l’Etat s’était trompé !
Si l’affaire n’était qu’un problème de redressement fiscal, sous réserve que la réglementation soit sauve et que cela se fasse dans l’équité et la transparence, l’Etat est dans son droit. Mais, comme un fleuve qui sort de son lit et se met à déborder, cette affaire a pris une toute autre tournure. Sans aller dans les détails, je témoigne, pour l’Histoire, qu’en Août 2011 j’étais en mission de Consultant pour la BAD à Tunis où j’avais rencontré Bouamatou venu justement poursuivre un dossier judiciaire contre les dirigeants de Mauritania Airways pour la manière cavalière avec laquelle ils avaient quitté notre pays, mettant la clé sous le paillasson de la Compagnie aérienne. Il se battait, seul, pour sauvegarder les intérêts de la Mauritanie, sans le soutien des autorités de notre pays. Mon intime conviction est, que l’Etat est entrain de commettre une grande injustice !

Propos recueillis par Dalay Lam

Source  :  Le Calame le 20/02/2013{jcomments on}

Diffusion partielle ou totale interdite sans la mention : Source : www.kassataya.com

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page