Bassiknou : Poumon des camps de réfugiés depuis 20 ans

(Crédit photo : Noor Info)

En vingt ans à peine, Bassiknou est passée du statut de hameau, à celui de ville. Les raisons de cette croissance «quasi-exponentielle» tiennent entre autres, à l’implantation successive des camps de réfugiés nord-maliens, qui a transformé la région en une véritable zone humanitaire, et donc aussi commerciale.

En arrivant à Bassiknou, on est d’abord frappé par la largeur de la ville, composée essentiellement de maisonnettes en banco. Et éparpillées, de-ci de-là, des maisons en dur, de plus en plus à étages, que l’on découvre très vite assez récentes, et liées à la «spéculation humanitaire», du fait de l’installation plus ou moins sur la durée des ONG internationales, qui travaillent dans le camp de M’Berra à 15 kilomètres.

«Bassiknou était un hameau d’à peine dix maisons en 1990. C’est après le premier flux de réfugiés nord-maliens de 1992, suite à la deuxième rébellion touarègue, que la bourgade d’alors a commencé à voir transiter vers les camps de Mberra et Fassala, un véritable réseau commercial. Avec le temps, et surtout après la troisième rébellion de 1997, la ville a commencé à grandir plus vite, de façon exponentielle» explique longuement le docteur Mohamed Aly Ag Hamet, et qui a sa famille dans le camp de M’Berra, à une quinzaine de kilomètres à peine de Bassiknou.

«Avec l’expérience des flux de réfugiés dans la région et en découvrant l’économie que cela générait, grâce aux humanitaires, de plus en plus de commerçants de la zone, construisent, dans la perspective d’une location d’un des organismes des nations unies, ou d’une des ONG, qui opèrent à Mberra» avance Moustapha Ould Lemine, commerçant à Bassiknou. C’est cela aussi qui expliquerait la relative cherté de la vie là-bas par rapport au reste de la Mauritanie.

«Il y a une différence de prix d’à peu près 35% sur les produits importés. Les humanitaires achètent les yeux fermés…» continue Moustapha.

«C’est aussi une moughataa agro-pastorale et de trafic de marchandises avec le Mali ; ce qui a favorisé le développement et l’enrichissement d’une partie de la population de la ville» explique Isselmou Ould Moustapha, directeur de publication du journal Tahalil Hebdo.

 


L’imbroglio autochtones et réfugiés

L’émergence et l’accroissement de l’importance de la ville sont liés à la question sécuritaire, notamment du terrorisme dans le Sahel. Les attaques dont les bases armées là-bas ont fait l’objet l’an passé le montrent assez bien.

«L’avènement des groupes islamistes dans le Sahel, plus ou moins liés à AQMI ont renforcé la présence militaire dans la zone, et paradoxalement, ont fait de cet espace, une zone sûre pour beaucoup qui viennent s’y installer» affirme un proche du Hakem de la moughataa.

L’agglomération de réfugiés en quête de sécurité, a placé ces derniers dans une situation où ils sont aujourd’hui plus nombreux que les autochtones eux-mêmes.

«Les réfugiés sont deux fois plus nombreux que tous les autochtones de la moughataa, et les attentions dont font l’objet les réfugiés maliens créent des tensions, auprès des habitants de la localité qui ont du mal à comprendre qu’on les aide moins, surtout en période de crise» dit Isselmou Ould Moustapha.

Et cela crée des frustrations. Une initiative de jeunes, regroupés sous le nom de «Bassiknou d’abord !», remet en cause justement cette trop forte médiatisation et sécurisation de la zone des réfugiés, alors que la localité croule «sous les difficultés économiques et de développement» assure Moctar Ould Abdallahi, un des membres de l’initiative, et instituteur à Bassiknou.

Les frustrations sont telles, que le commissaire à la sécurité alimentaire Mohamed Ould Mohamedou a dû se justifier il y a quelques semaines auprès des acteurs politiques de la Moughataa. Ces derniers ont instamment demandé à ce que les jeunes de la commune soient pris en priorité par les ONG qui viennent œuvrer pour les réfugiés de la zone.

Et que de plus amples efforts soient fournis en vue du désenclavement de la moughataa.

Pourtant depuis cette année, les choses semblent s’accélérer en vue du désenclavement de la zone.

 


Un désenclavement progressif

En début d’année, le conseil des ministres approuvait la ratification de deux accords de prêt destiné au financement du projet de construction de la Route de Néma- Bassiknou. Une infrastructure qui devrait permettre de passer des 5 à 7 heures de temps nécessaires pour parcourir aujourd’hui les 200 kilomètres de piste, à deux heures.

L’aérodrome construit en urgence par le programme alimentaire mondial (PAM), suite à l’affluence des réfugiés à partir d’avril 2012 va dans le sens du désenclavement de la zone. Même si pour le moment, seuls les humanitaires peuvent utiliser cette piste.

Mamoudou Lamine Kane

Source : Noor Info le 10/11/2012{jcomments on}

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