La double appartenance de la Mauritanie, un héritage galvaudé

(Crédit photo : anonyme)

« La Mauritanie assume, fièrement, sa double appartenance au Maghreb arabe et à l’Afrique de l’Ouest », déclarait notre ministre des Affaires étrangères et de la coopération, Hamadi Ould Hamadi, dans une allocution prononcée devant le 9ème sommet de la Fondation Sullivan, tenu à Malabo (Guinée équatoriale), le 20 août dernier.

Rappelant l’éminent « rôle que joue la Mauritanie, dans le rayonnement de la civilisation musulmane sur le continent », le patron de notre diplomatie a insisté sur le caractère « multiethnique et multiculturel de la Mauritanie, avec les communautés arabe, peule, soninké et wolof qui ont toujours vécu en parfaite harmonie, nourrissant les mêmes sentiments que les autres peuples d’Afrique noire auxquels elle est, profondément, attachée et avec lesquels elle est unie, par d’intenses liens de solidarité réciproque ».

Une féconde réalité sociologique, humaine et culturelle qui se traduit par « un attachement mutuel ». Illustration avec ces « lettrés qui ont porté le flambeau du rayonnement de la civilisation musulmane jusqu’aux contrées les plus éloignées du continent Noir et dont une importante diaspora est présente, précisément, dans de nombreux pays d’Afrique subsaharienne. Des compatriotes qui apportent une importante contribution, de la plus honnête manière, à l’activité économique de leur pays d’accueil », a ajouté Hamadi Ould Hamadi.

Au plan sous-régional, le ministre a insisté sur la double appartenance de la Mauritanie au Maghreb et à l’Afrique de l’Ouest, grâce à sa position « charnière », permettant de servir de « courroie de transmission et passerelle continentale, entre le nord et le sud du Sahara. Une réalité incontournable et une chance, offerte par cette situation géographique qui lui permet  » de jouer un rôle positif, dans le rapprochement entre ces deux espaces, aussi bien dans la vie politique du continent que dans le cadre du fonctionnement de ses différentes organisations ».

Abordant l’appui historique de la Mauritanie aux différents mouvements de libération en Afrique, le ministre a ajouté :  » chacun sait, en effet, le soutien actif que nous avons apporté, dès l’aube de notre indépendance, à la lutte de libération dans les anciennes colonies portugaises, jusqu’à l’indépendance du Mozambique, de l’Angola, de la Guinée-Bissau et du Cap-Vert, comme nous avons soutenu, énergiquement, la lutte contre le régime raciste de Ian Smith, en Rhodésie du Sud, et le régime d’apartheid, en Afrique du Sud « .

En conclusion, Ould Hamadi a exprimé  » le sentiment de sympathie, d’estime et de considération que nourrissent les Mauritaniens, à l’endroit de la diaspora africaine en Amérique et de ses élites politiques « .

 

Au delà des belles paroles

 

Au-delà des déclarations « sucrées » et des belles envolées lyriques, les propos du patron de la diplomatie mauritanienne seront-ils l’occasion d’un véritable débat, sur ce que doit être le rôle de la Mauritanie qui a, trop souvent, manqué des rendez-vous importants qui lui auraient permis de donner un contenu, concret, à ses réalités géographique, historique, culturelle et humaine, pas toujours assumées ? Illustration de cette absence de vision, devenue véritable cécité politique et diplomatique, avec, en 1999, le retrait de la Communauté des Etats DE l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), organe politique d’une sous-région où notre pays est naturellement ancré, au plan géographique, humain et culturel.

Une décision qui équivalait à un refus d’assumer une double appartenance qui constitue, pourtant, une chance inestimable.

La Mauritanie a-t-elle beaucoup gagné à son attachement exclusif à l’Union du Maghreb Arabe (UMA), plombée par le conflit, bientôt quarantenaire, du Sahara occidental, et réduite au rang de coquille vide, par l’interminable querelle de leadership entre l’Algérie et le Maroc ?

On en doute tous mais on en est toujours là, pourtant. Autre élément de nature à accentuer le décalage entre le discours du ministre et la réalité, le peu d’importance politique, économique et humaine accordée, à la diaspora mauritanienne en Afrique et ailleurs, par les différents pouvoirs ayant régné, à Nouakchott, ces dernières années.

Ces compatriotes de l’extérieur, vivant, parfois, dans des conditions difficiles exigeant un sacrifice de tous les instants, contribuent, pourtant et grandement, à l’équilibre économique et social et, partant, à la stabilité politique de la Mère-patrie, grâce à de copieux transferts de fonds à leurs familles, dans un environnement caractérisé par une forte prévalence de la pauvreté.

Dans les pays voisins – Sénégal, Maroc, Mali et Algérie – l’enveloppe totale de la manne financière provenant des transferts de leurs immigrés est connue. Au Sénégal, le flux annuel est proche de 600 milliards de francs CFA, c’est-à-dire à peu près l’équivalent du budget de la Mauritanie. Ce montant est supérieur à l’ensemble de l’Aide Publique au Développement (APD) allouée à notre voisin du Sud. La Mauritanie, quant à elle, n’a jamais encore entrepris le moindre travail pour établir, avec précision, le montant des apports financiers, au pays, des membres de sa diaspora.

Il est urgent, pour nos autorités, de s’intéresser un peu plus à celle-ci et à son organisation, pour mieux tirer profit des différentes opportunités offertes, par la présence de nos compatriotes un peu partout dans le monde. Puisse le discours du ministre des Affaires étrangères, dont la pertinence théorique est incontestable, constituer un déclic dans cette direction!

Amadou Seck

Source  : Le Calame N°847 du 04/09/2012

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