Ouverture, à Nouakchott, du procès controversé d’un ancien commissaire aux droits de l’homme

L'ancien Commissaire aux droits de l'homme M. Mohamed Lemine Ould DaddeMohamed Lemine Ould Dadde, emprisonné depuis deux ans, est accusé de détournement d’argent.

Repoussé à plusieurs reprises, le procès de l’ancien commissaire aux droits de l’homme, Mohamed Lemine Ould Dadde, s’est enfin ouvert à Nouakchott, la capitale de la Mauritanie, avant de s’interrompre, mardi 29 mai, sur une fausse note. Un  » faux «  procès-verbal d’aveux a été découvert, selon son avocat Brahim Ould Ebetty, qui promet, à la reprise de l’audience prévue le 3 juin, d’en faire  » un cheval de bataille « .

Incarcéré depuis le 27 septembre 2010, Mohamed Lemine Ould Dadde, 44 ans, est accusé de détournement d’argent et de malversations financières, ce qu’il a toujours nié. Farouche opposant au régime du dictateur Maaouiya Ould Taya, au pouvoir de 1984 à 2005, membre, puis président du mouvement clandestin d’opposition Conscience et résistance, il avait rejoint les rangs des partisans de l’actuel président, Mohamed Ould Abdel Aziz, élu en 2009 après un coup d’Etat militaire organisé l’année précédente.

En mai 2010, à peine nommé commissaire aux droits de l’homme et à l’action humanitaire, Lemine Ould Dadde, qui s’était distingué pour avoir participé à des reportages de France 2 et d’Arte sur le gavage des femmes et la pratique de l’esclavage en Mauritanie, conduit l’adhésion de son pays au Conseil des droits de l’homme des Nations unies. Mais très vite, les choses se gâtent pour lui.

Le chef de l’Etat agacé

Trois mois plus tard, en août, il est accusé d’avoir détourné la somme colossale de 271 millions d’ougiyas (750 000 euros) à la suite d’un rapport de l’Inspection générale de l’Etat. La justice mauritanienne lui reproche, notamment, d’avoir acheté des tentes-kits, après des inondations, à un prix trop élevé. Mis en demeure de rembourser, le commissaire aux droits de l’homme refuse tout net.

Ses multiples demandes de remise en liberté conditionnelle restent lettres mortes, malgré la mobilisation de son épouse française, de nombreuses ONG internationales et de 49 députés mauritaniens qui réclamaient un  » procès équitable « . Interrogé à plusieurs reprises sur ce dossier, notamment par Le Monde, le chef de l’Etat, Mohamed Ould Abdel Aziz, ne cachait pas son agacement, arguant que les prisons  » étaient pleines de cas de corruption «  et que ce dossier ne se distinguait pas des autres.

Pour ses partisans, Lemine Ould Dadde paie son engagement au côté des Haratine (anciens esclaves), un sujet encore tabou en Mauritanie. Sept membres d’une ONG antiesclavagiste, qui avaient brûlé des livres religieux musulmans, ont été mis en examen, mercredi 30 mai, pour  » atteinte à la sécurité de l’Etat  » et écroués.

Mardi, Mohamed Lemine Ould Dadde, qui encourt cinq ans d’emprisonnement, a commencé à répondre point par point aux accusations.  » Nous avons demandé la pièce originale, en langue française, de ses prétendus aveux dans l’enquête préliminaire de la police au cours de laquelle il aurait dit qu’il rembourserait, raconte son avocat, Me Ebetty. Et qu’est-ce que l’on a trouvé ? Un document avec un autre nom, celui du directeur administratif et financier et sa signature imitée ! «  Pour l’épouse de l’accusé, restée à Paris,  » cela permet de comprendre un certain nombre de choses, et notamment de déclarations du ministère de la justice sur la promesse de rembourser. « .

Le 3 juin, après deux années de bataille, la défense réclamera un non-lieu.

Isabelle Mandraud

© Le Monde (édition abonnés)

 

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