Le salut des arabes, par Mouawiya Ould Taya. Deuxième partie.

NajatElarabTayaDans son ouvrage « le salut des arabes », l’ancien dictateur Maouwiyya Ould Taya expose sa compréhension de la situation du monde arabe. Kassataya, For-Mauritania et Taqadoumy vous proposent la deuxième partie de la traduction du chapitre 14 de ce livre.

Hassane : Qu’est ce qui va arriver à la Tunisie et à l’Egypte maintenant que Ben Ali est parti, suivi de Moubarak ?

Omar : Ce qui est arrivé dans l’un et l’autre des deux pays est un changement de pouvoir par la force faisant intervenir les peuples. C’est la pire des voies et la plus périlleuse pour les intérêts des peuples et de l’Etat. Lors de ces événements violents, les dégâts furent considérables tant en termes de biens que de vies humaines. La Tunisie est un grand pays et l’Egypte la mère de l’univers. L’Egypte dispose d’une armée puissante et fidèle à son peuple. Elle dispose aussi de couches sociales très instruites et raisonnables. Je ne me fais pas de soucis pour elle  la suite  à ces évènements. La Tunisie est un pays à l’histoire très ancienne. Elle possède une armée convenable, proche de son peuple. Elle dispose aussi d’une élite d’excellence. Elle ne souffrira pas beaucoup des évènements en cours. Mais l’ignorance restera intacte et produira ses effets attendus tels la pauvreté et le chômage si les fils de la Tunisie ne revenaient pas à l’arabe littéral. Sans cela rien d’important ne sera réalisé dans ces deux pays. L’ennemi réel des individus et des peuples est l’ignorance. Mais ceux qui ne parlent que les langues vernaculaires ne s’en rendent pas toujours compte. Dans nombre de pays arabes on trouve l’élite instruite d’un côté et le peuple de l’autre. L’élite fait appel au peuple seulement pour ses luttes pour le pouvoir, c’est ce qui fait que le maintien de l’ordre devient l’occupation principale des régimes arabes.

Khaled : Les manifestants de chacun des deux pays disent que Ben Ali et Moubarak ont, chacun, amassé des richesses considérables pendant qu’ils étaient au pouvoir.

Omar : Il y a, dans ces affirmations, beaucoup d’exagération ; le but étant d’anéantir le vaincu et de le dissuader, lui et ses proches, de revenir à la politique. Ce qui arrive dans les pays arabes en termes de mauvaise gestion ou de détournement des deniers publics est dû à l’absence de tout contrôle populaire. Le peuple est absent de tout. Ce que dénoncent les manifestants en Egypte et en Tunisie va se perpétuer tant que les peuples de ces pays parleront les dialectes locaux.

Hassan : Les manifestants tunisiens et égyptiens se plaignent aussi de l’injustice et de la pratique de la torture. Pensez-vous qu’ils se débarrasseront de ces deux fléaux avec le départ des régimes de Ben Ali et Hosny Moubarak ?

Omar : J’ai suivi leurs manifestations et leurs complaintes à travers les chaînes satellitaires. Il n’y a pas pire injustice que celle qu’ils commettent envers eux-mêmes en abandonnant leur langue. L’injustice et la torture dont ils souffrent proviennent de ce qu’ils ont fait de leur langue. Ils ne pourront jamais atteindre leurs objectifs ou réaliser leurs revendications tant qu’ils parleront les dialectes locaux. La torture est du fait des forces de sécurité qui obéissent aux ordres de l’Etat. Celui qui gouverne peut tout à fait mettre fin à la torture en édictant des ordres pour l’interdire complètement et définitivement.

L’injustice est une affaire liée à la morale et aux mœurs des gens à l’intérieur et à l’extérieur de l’Etat. La responsabilité ici incombe au peuple lui-même. La population ne sera jamais satisfaite, de ce point de vue, tant que l’éveil culturel du peuple n’aura atteint un niveau lui permettant de prendre le pouvoir et d’être le maître de sa destinée. A ce moment là, le peuple imposera sa volonté à l’Etat et choisira la morale qui lui conviendra.

Khaled : Pourquoi semblez-vous réservé par rapport à ce qui s’est passé en Egypte et en Tunisie ?

Omar : Je sais que les changements de gouvernement par la force sont monnaie courante dans les pays arabes. Ce qui me désole c’est l’enthousiasme qu’expriment les peuples tunisiens, égyptiens et arabes par rapport à ces événements. Ils déchanteront tous rapidement quand ils se rendront compte que les promesses n’auront pas été réalisées. Ceci est arrivé un grand nombre de fois pour ces mêmes authentiques peuples. Les changements de régime et toutes les réformes possibles et imaginables ne serviront à rien tant que les arabes ne seront pas revenus vers leur langue et auront abandonné les dialectes locaux.

Je perçois, à vos mines, votre étonnement devant le fait que je ramène l’origine de toutes nos difficultés aux langues vernaculaires et à l’abandon de notre langue. Moi je compare la langue arabe littéral à l’eau par rapport à la vie. Autant l’eau est à l’origine de la vie, autant la langue est le moteur du progrès.

Hassan : Vous pensez donc que les événements qui se sont produits dans ces deux pays sont appelés à se reproduire et que la démocratie est encore très éloignée en dépit de l’enthousiasme des gens ?

Omar : Les protestations en cours se reproduiront contre d’autres gouvernements dans ces deux pays mais aussi dans d’autres pays et, probablement, avec plus de violence si des changements importants ne se produisent pas dans le monde arabe. Pour ce qui est de la démocratie, l’affaire est très simple. Si votre peuple décide d’adopter des langues régionales au prix de l’abandon de sa langue il vous sera impossible d’atteindre vos objectifs. La démocratie que les populations réclament nécessite, comme nous l’avons dit auparavant, que les peuples deviennent maître chez-eux. Mais la qualité d’une société se mesure à l’aune de son attachement à sa langue qui demeure le seul moyen d’atteindre le progrès.

Hassan : Nous voyons que dans les pays développés et plus particulièrement dans les pays occidentaux, indépendamment de la couleur politique, le citoyen bénéficie de nombreux services dans les domaines de l’éducation, de l’emploi et de la sécurité sociale. C’est ce qui pousse nombre de personnes à émigrer depuis les pays arabes vers ces pays où elles sont assurées d’avoir le minimum vital. Pourquoi ne pouvons-nous pas réaliser cela chez-nous ?

Omar : Pour commencer, vous devez savoir que les services que les gouvernements de ces pays fournissent à leurs citoyens sont dûs à ces derniers. Ce sont les peuples de ces pays qui ont choisi les gouvernements et les ont chargés de ce travail. Les gouvernements ne le font par bonté ou par philanthropie. Les peuples ont confié ces missions à leur gouvernement et les surveillent au travers des lois et règlements ; soit directement soit par l’intermédiaire des Parlements et des Municipalités. Les gouvernements et les partis au pouvoir sont sous surveillance et sont sanctionnés pour le moindre manquement. La sanction tombe à l’occasion des élections. Ces Etats sont régis par la loi et le pouvoir y est entre les mains du peuple ce qui rend les élections d’une importance capitale. Il s’agit des pays les plus avancés et les plus riches et on y prête une attention particulière à l’éducation et à la santé. Il est impossible de comparer les services publics dans ces pays à ceux dont bénéficie le citoyen dans les pays arabes. La cause en est que le poids des pays arabes se réduit à celui de leur classe instruite qui est très restreinte dans chaque Etat. Le peuple reste éloigné de son élite instruite et de l’Etat à cause de sa méconnaissance de la langue arabe et de son ignorance. Si tel n’était pas le cas, le peuple n’aurait pas accepté que ses deniers soient dilapidés pour enseigner une langue que personne ne parle. Si tel n’était pas le cas, le peuple aurait revivifié sa langue et en aurait imposé l’usage à tous.

Le mérite dans ces pays développés revient à ceux qui les ont gouvernés lors des siècles derniers. Ce sont eux qui imposèrent, par la force quand il le fallut, l’usage de leur langue à leur peuple à l’exclusion de tout autre dialecte. Ils ont, par la suite, généralisé l’enseignement  en partant du principe simple : « si tu n’as pas de langue, tu n’auras pas d’Etat ».

Khaled : On peut donc résumer le message des révolutions en cours par la formule : « vous avez abandonné votre langue, vous n’aurez pas d’Etat ».

Hassane : Quand Hosny Moubarak, sous la pression des manifestants au Caire, en Alexandrie et dans d’autres villes égyptiennes, avait annoncé sa démission du poste de président de la République en déclarant qu’il confie le pouvoir au Conseil Supérieur des Forces Armées, des manifestations de joie avaient parcouru toute l’Egypte et, au-delà, le Monde arabe. Quelles seront les conséquences d’un tel changement sur l’Egypte et sur le Monde arabe ?

Omar : Nous sommes, sans aucun doute, devant un événement qui est d’une importance comparable au pays où il s’est produit, c’est-à-dire l’Egypte. Il se produira la libération des prisonniers politiques, qui sont nombreux. Il s’en suivra une redistribution des cartes sur la scène politique et la participation de partis et d’organisations jusque là interdits puis l’abrogation de la loi martiale qui limitait les libertés depuis trop longtemps. Mais rien ne changera sur le plan social et économique.

D’autre part, nous faisons remarquer que Hosny Moubarak n’avait pas confié le pouvoir à la personne prévue par la Constitution mais à l’Armée, ce qui confirme ce que nous disions plus haut que la plupart des Etat arabes sont fondés sur les régimes mais pas sur la loi.

A suivre

Traduit pour Kassataya, For-mauritania et Taqadoumy

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