Urbanisme : Tarhil, un des townships de Nouakchott

(Crédit photo : Noor Info)

Situé dans le désert de Nouakchott, entre trois Moughataa : Riad, Arafat et Toujounine, ce quartier aurait pu être une boucle de protection pour la ville de Nouakchott. C’est un patelin en manque de tout. Un grand néant à ciel ouvert.

Une boulangerie, un centre de santé non fonctionnel, une école, un collège, deux postes de police, des cuves d’eau qui fonctionnent au ralenti dont le gérant vend le bidon de 20 litres à 10 ouguiyas et que le citoyen transporte sur charrette à 20 ouguiyas, quelques hameaux servant de marché. Les prix de viande et de poisson sont exorbitants. Bienvenue à Tarhil.

De la Médina au secteur 18, l’itinéraire est carrément un voyage au cœur de la Majabatt El Koubra. Un parcours long de 30 km. Pour aboutir à une précaire vision : des baraques entassées, des chambrettes à moitié finies, des tentes. Des familles d’une demi-douzaine de personnes s’entassent dans ces habitations délabrées, précaires. Souleymane, un des premiers habitants de la zone, marchand de charbon à El Mina met en avant les principaux soucis du quartier. «Notre grand souci, c’est l’insécurité, l’avancée du sable et les maladies pulmonaires importantes par ici» précise-t-il.

Tarhil, qui se trouve à 5 km de la commune de Riad, s’engouffre chaque jour davantage dans les gouffres de la précarité. Hormis les quelques petits projets qui ont été réalisés en 2011, (en l’occurrence des cuves d’eau), après 8 km de routes ce sont les 22 km de pistes non goudronnées et une structure sociale non fonctionnelle qui indiquent que Tarhil a été rayé du plan de développement.

Pas d’écoles dans certains grands quartiers ni de structures sanitaires. Alors, nul besoin de parler des aires de jeux ou encore d’une annexe administrative de rassemblement qui a l’allure d’une Moughataa. D’ailleurs, nombre d’habitants ne sont pas inscrits au registre des naissances. Des sans-papiers qui préfèrent s’identifier sous l’acronyme des “oubliés”. «Nous avons exposé ce problème à maintes reprises. Toutefois, rien n’est fait jusqu’à présent. La plupart des habitants n’ont pas d’acte de naissance justifiant leur identité ou encore leur nationalité. Les autorités ne nous facilitent pas la tâche pour régulariser notre situation. On nous demande de fournir une liasse de papiers qui finit souvent par nous faire perdre dans un cercle bureaucratique écœurant. Nous avons saisi les maires d’Arafat, de Riyadh et de Toujounine qui, de leur côté, ont promis de régler ce problème. Malheureusement l’attente ne fait que durer» dénonce Moustapha, la soixantaine révolue, habitant de kebba Marbatt.

«Mais on prend les choses à la légère, car aucun suivi n’est fait ne serait-ce que pour les gamins qui sont jusque-là privés de leur droit fondamental, qui est l’école» continue-t-il. Il existe des enfants de 6 et 7 ans qui n’ont toujours pas eu la chance de connaître à quoi ressemble une école. «L’école primaire la plus proche, engloutie dans des dunes, est celle qui se trouve à 4 kilomètres d’ici» affirme Neya, qui habite au 16 E.

«L’absence de transport et d’un maillage routier ne nous permettent pas d’envoyer nos enfants au péril de leur vie. Alors on attend qu’ils atteignent l’âge de 10 ans pour les laisser rejoindre ce primaire afin qu’ils apprennent l’arabe et le français. Pour les enfants de 12 ans à 17 ans, on les laisse aller à l’école et au seul collège dont les effectifs de classes sont pléthoriques !» s’insurge la dame.

 


«Les habitants malades se débrouillent comme ils peuvent »

Situé littéralement en plein désert, Tarhil n’est toujours pas totalement raccordé au réseau d’électricité. Les niches installées par certains ne fonctionnent que de temps en temps. « Et d’ailleurs souvent nos câbles sont volés. Ce qui oblige les familles à avoir sommeil au crépuscule avant que l’obscurité ne s’impose à coup sûr » précise ce chef de secteur.
Évoquant le problème sanitaire, une habitante a vu il y a quelques mois la présence des autorités qui s’étaient déplacées pour s’enquérir de leur situation. Mais «c’est toujours sans suite», précise Marième, une mère portant son bébé malade dans le dos, debout au bord de la route attendant avec impatience, un taxi, pour la polyclinique.

Car à Tarhil, pas de poste de santé, donc pas de personnel sanitaire. Les habitants sont livrés à eux-mêmes. Pour les petits maux, notamment dans un « campement » où les contaminations et infections relatives à l’absence d’hygiène et à la malnutrition sont courantes, personne n’est habilité à prodiguer les premiers soins. Les malades improvisent et mettent en application des méthodes curatives de leurs mamans. Si cette méthode s’avère inefficace et que l’état du malade s’aggrave, il sera transféré soit vers l’hôpital National, ou l’hôpital de l’Amitié ou la polyclinique pour ceux qui n’ont pas assez d’argent. Sinon et à défaut d’un véhicule, il trépasse en silence sans même penser à pleurer auprès d’un édile municipal qu’on n’a vu que le jour de sa campagne électorale.

S’agissant des ministres, «ils sont bien au courant, car certains sont venus ici il y a un an, et se sont rendus compte de l’ampleur du problème en rencontrant les habitants» atteste Hamoud, 78 ans, qui souffre de douleurs lombaires acerbes sans pour autant pouvoir se rendre à centre hospitalier par manque de moyens financiers.
Selon Aicha, « les femmes qui habitent dans les quartiers de Tarhil, accouchent au centre médical Kissal de Marbatt, et des fois au dispensaire d’El Mina».

 


Le social aussi délabré

Ce n’est qu’un cas parmi tant d’autres dont la responsabilité est endossé aux responsables locaux, cloués au pilori car tous les signaux sont au rouge à Tarhil. Les cuves d’eaux ne sont pas entretenues depuis belle lurette et l’indifférence des responsables du service d’hygiène de la commune favorise les risques de maladies à transmission hydrique au grand dam des habitants. Les tarhilois, loin des yeux, loin des autorités. «Pour nos besoins, nous sommes obligés de se rendre au centre-ville et nous déboursons pour le transport 300 à 500 um» martèle Maima, une vendeuse de tabac, au marché de la capitale.

C’est ce qu’ils déplorent vivement en se sentant laissés pour compte dans un « village » qui les a complètement marginalisés. Depuis 2010, le village n’a bénéficié d’aucune aide quelque soit sa nature invoquée, s’indigne un groupe de femmes chefs de ménage. L’absence de projets de développement a davantage exacerbé le problème du désœuvrement et l’hydre du chômage dont souffre la quasi-totalité des jeunes filles et garçons qui ont abandonné les bancs à l’exception de ceux qui ont la veine de travailler dans l’informel.

«Nous avons sollicité les responsables du ministère de la formation et de la communauté urbaine pour recruter nos jeunes dans le cadre du dispositif filet social ou dans le cadre du contrat de réinsertion professionnelle» s’insurge Mahjouba, veuve cinquantenaire et mère de cinq enfants.

Mais l’attente demeure toujours pour les Tarhilois.

Aboubecrine SIDI

Source  :  Noor Info le 25/05/2012

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