– Le constat en dit autant sur l’évolution d’une partie significative des pays membres de l’Union européenne que sur ce que devient Israël : l’extrême droite s’y affirme comme le soutien le plus inconditionnel de l’Etat hébreu, une évolution que le carnage perpétré à Gaza après les massacres de civils israéliens par le Hamas n’a pas remise en cause.
Aux Pays-Bas, le Parti pour la liberté, la formation de Geert Wilders, a réussi à insérer dans le contrat de coalition conclu le 15 mai avec trois autres partis l’« examen » du déménagement de l’ambassade néerlandaise en Israël de Tel-Aviv à Jérusalem, en rupture totale avec la position européenne selon laquelle le statut de Jérusalem doit être tranché par la négociation.
Santiago Abascal, chef du parti d’extrême droite espagnol Vox, a exprimé de son côté son opposition à la reconnaissance par son pays de l’Etat de Palestine, le 28 mai, en rencontrant à Jérusalem le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, qui y est farouchement opposé. Le même jour, la tête de liste pour les élections européennes du parti d’extrême droite français Reconquête !, Marion Maréchal, a estimé que reconnaître un tel Etat à présent reviendrait à créer « un Etat islamiste, avec tous les dangers que cela peut représenter pour Israël et pour l’Occident en général ».
Ere révolue
Longtemps, un cordon sanitaire a tenu à distance Israël de formations dont les racines pouvaient remonter aux heures sombres de la seconde guerre mondiale et de la Shoah. Le bilan de la neuvième législature du Parlement européen dressé par l’European Coalition for Israel, un groupe d’influence fondé en 2004, dit combien cette ère est révolue. Les vingt partis dont les votes ont été les plus favorables à Israël appartiennent tous à l’extrême droite et aux eurosceptiques, principalement au groupe des Conservateurs et réformistes européens. Le trio de tête est composé de Vox, d’une formation tchèque et des Démocrates de Suède.
Un ensemble de circonstances expliquent l’effritement de cette digue. Après avoir été longtemps groupusculaires, les formations d’extrême droite ont considéré qu’un changement radical de discours sur Israël pouvait faire sauter un verrou électoral dans leur quête du pouvoir. Cela a été notamment le cas pour les Démocrates de Suède, qui ont triomphé aux législatives de 2022, et dont des membres fondateurs avaient milité quatre décennies plus tôt dans les rangs du Parti du Reich nordique, un groupuscule néonazi.
Le Rassemblement national a fait le même calcul en France, en prenant ses distances avec l’antisémitisme de Jean-Marie Le Pen comme avec les positions de membres de l’organisation étudiante Groupe Union Défense (GUD), alors proches de Marine Le Pen, qui scandaient en leur temps « Deauville, Sentier, territoires occupés » ou « A Paris comme à Gaza, Intifada ». La rupture, le 21 mai, avec son allié Alternative pour l’Allemagne (AfD), après les propos relativisant le nazisme tenus par l’un de ses responsables, en découle également.
Mouvement transatlantique des nationaux-conservateurs
Cette évolution a été facilitée par un discours anti-islam assumé par la plupart des formations d’extrême droite européennes, à commencer par celle de Geert Wilders ou du Suédois Jimmie Akesson. Dans les discours de cette extrême droite, le bouc émissaire musulman a remplacé le bouc émissaire juif, sur fond d’attentats djihadistes et d’immigration en provenance du Proche et du Moyen-Orient, ou de l’Afrique subsaharienne. Le 28 mai, Marion Maréchal a inscrit la question israélo-palestinienne dans une vision du monde inspirée de la thèse controversée du « choc des civilisations » de Samuel Huntington.
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