L’armée des pappies !

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Désormais, le monopole de la violence est cassé. C’est l’Etat, en toute souveraineté, et pour des raisons qu’il est le seul à comprendre, qui en a décidé ainsi. C’est déjà une vieille histoire, direz-vous ! Certes, mais c’est une histoire à mille ramifications et à autant de retournements.

Les faits sont clairs : tout au début, les naïfs ont cru que le « Système » voulait juste recycler les anciens militaires, policiers, gardes et autres gendarmes pour s’en servir dans certaines missions spéciales de « l’ombre ». Surtout en matière de renseignement dans cette période ou le bras de fer avec les cellules dormantes ou semi-éveillées était « sérieusement » à la mode. Pour se donner bonne conscience, nous nous sommes dit qu’il ne ferait peut-être aucun mal que les chefs actuels de l’armée pensent un peu à leurs « anciens » ou « classe » qui avaient accepté de voter pour eux, aidant ainsi « l’Institution » de légitimer son intrusion dans la vie politique du pays. Manière aussi pour eux de renforcer les liens avec leurs anciens camarades et de leur dire qu’ils comptent toujours pour eux.

Dans le meilleur des cas, c’était donc juste pour aider à insérer dans la société et leur permettre d’avoir une troisième vie correspondant au troisième âge qui est censé être le leur après la retraite des corps militaire et para-militaire. Trop vite, l’on nous dira que parmi ces honorables retraités, il y a aussi des jeunes valides qui ont vu leur vie basculer à l’occasion d’une purge ou d’un putsch ou d’un projet de coup d’Etat rêvé par un calomniateur au B2 ou ailleurs !

Jusque-là, c’était acceptable. Et dans tous les cas, personne n’a demandé notre avis à nous autres civils qui aurions aussi revendiqué le même recyclage pour nos vaillants anciens médecins, ex-enseignants, vieux fonctionnaires et autres vétérinaires et agronomes qui ont aussi contribué, peut-être plus que les militaires, à la naissance et au développement de ce pays.

Très vite, la vérité est apparue au grand jour : la Mauritanie des généraux ne voudrait laisser aucun militaire en rade. Qu’il soit en active (avec des augmentations substantielles de salaires et la création de nouvelles primes) ou en réserve, le soldat doit toujours profiter du « butin ». Ainsi, on trouva pour les casaniers en divagation depuis leur divorce d’avec le treillis, la sinécure de la sécurité. On arracha par une décision régalienne injuste toutes les autorisations de création de sociétés de gardiennage des civils pour les redonner aux anciens militaires. Les milliers de jeunes, souvent assez haut diplômés qui se consolaient de vingt ans de chômage par un ingrat poste de vigile devant une boîte privée sont chassés et livrés à eux-mêmes. C’est la malédiction de n’avoir jamais porté la tenue et servi la caserne des généraux. C’était le malheur d’avoir choisi la vie civile.

A la place de ces jeunes instruits, libres et capables de raisonner de manière cartésienne, on bat le rappel de la troupe de soldats et d’hommes de troupes, pour la plupart illettrés, et abrutis par des années de « service » sous le drapeau et les caprices des hommes à épaulette. Des papis ventrus, des vieux qui tiennent sur  » trois pieds « , minés par la myopie, le diabète et le cholestérol, souvent moitié infirmes, se baladent devant les entrées des édifices à « sécuriser » en tenues farfelues, ne sachant même pas pourquoi, diable, se retrouvent-ils au service de leurs anciens bourreaux dans l’Institution !

Cerise sur le gâteau, pour consolider le camp de ses amis, l’Etat débloque même des centaines de millions de dollars ; ce qui permet les choses de se mettre convenablement sur les rails. Il bat le rappel des troupes, adopte l’arsenal juridique nécessaire pour que l’armée des retraités puisse être en marche. Mieux, il abroge toutes les dispositions affectant à la Garde nationale et aux autres services de sécurité la sécurité des édifices et des personnalités publics. On impose à chaque service de signer contrat avec l’une des agences assez sélectives. Question de « subventionner » l’armée des retraités. Heureusement que les chancelleries étrangères ont poliment rejeté l’instruction ! Elles avaient vu juste, parce qu’en matière de sécurité, les nouveaux hommes, dépassés par le temps, et ayant perdu tous leurs réflexes, n’étaient certainement pas capables de faire l’affaire.

Et subitement le Pouvoir décidé autre chose en imposant toutes les unités de l’armée des retraités de s’unir sous un seul commandement général qui jouera le rôle d’état major avec un chef unique à l’image de celui de la place d’en face du Palais de justice. Et là, tout commence à se gâcher. Un début de rébellion traverse l’unité des pappies qui refuse d’être toujours exploitée par les mêmes officiers multimillionnaires qui les avaient exploité dans l’actif et veulent continuer à les sucer dans le semi-civil aussi ! Adroit et fin manipulateur, le Système est revenu sur scène pour casser le mouvement de contestation pendant sa gestation. Le Système fera même mieux en amenant tous les chefs à s’aligner. La décision sera rendue publique dans un communiqué largement diffusé où toutes les voix discordantes ont annoncé leur ralliement à la cause de l’Etat. Depuis, on parle de nouvelles dispositions qui seraient mises en vigueur à terme : armer les milices.

Et là, le cap est grave pour le pays. Il est même très grave pour le futur de ce pays. Armer des civils, fussent-ils des anciens militaires, est une chose grave et dangereuse. A moins que nous ne voulions avoir dans nos rues des Kamajor, des Janjawid, des Balatija ou des milices incontrôlées. Surtout que l’odeur de l’argent rode partout autour de cette milice aux allures trompeuses d’une armée de pappies !

Amar Ould Béjà

Source  :  L’Authentique le 22/04/2012

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