Maghreb : UMA, m’as-tu vu?

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En visite depuis quelques jours dans le Maghreb, et aujourd’hui à Nouakchott, le président tunisien Moncef Marzouki veut relancer l’union du Maghreb arabe. Selon la plupart des observateurs, la tâche s’annonce «titanesque» pour une entité morte-née depuis sa création.

 

 

Après une visite de deux jours au Maroc, où siègent les locaux de l’entité maghrébine, Moncef Marzouki a fait escale, hier vendredi, à Nouakchott, pour prêcher la renaissance de l’UMA.

Convaincu de la première heure que l’intégration régionale de l’Afrique du Nord est l’une des plus importantes réponses aux difficultés que rencontre la région (chômage, pauvreté, mauvaise  gouvernance, violence sociale etc.), Moncef Marzouki, militant des droits de l’homme et écrivain, avant d’être président, estime que «les économies du Maghreb se tournent le dos (3%  des échanges- ndlr)», et que «les gouvernants ont des relations marquées par une méfiance mutuelle». La refonte d’une telle entité régionale apparaît à ses yeux comme une réponse de bon sens à la mondialisation et une opportunité de désenclaver des économies et des sociétés marginalisées en raison de la faiblesse de leur développement, démocratique et économique.

C’est fort de ce constat qu’il a appelé ce samedi 11 février à Nouakchott, à l’instauration des cinq libertés (déplacement, résidence, travail, investissement, élections municipales) dans les états de l’Union du Maghreb arabe. Il a exprimé son optimisme quant à l’union maghrébine eu égard à la volonté des dirigeants de ces états, lors d’une conférence sur «l’expérience tunisienne et le printemps arabe» en présence du premier ministre mauritanien, Moulaye Ould Mohamed Laghdaf, et de militants des droits de l’homme.

Un optimisme que Mohamed Ould Abdel Aziz partagerait. «MM. Marzouki et Ould Abdel Aziz sont sur la même longueur d’ondes s’agissant de la question maghrébine, la Mauritanie ayant réussi à rester hors des dissensions régionales», notamment entre le Maroc et l’Algérie sur la question du Sahara occidental, a expliqué une source diplomatique mauritanienne.

Le président tunisien est arrivé vendredi à Nouakchott pour une visite officielle de trois jours, dans le cadre d’une tournée régionale consacrée à la relance de l’UMA. Il se rendra dimanche matin Alger, dernière étape de son périple maghrébin entamé lundi au Maroc.

UMA, m’as-tu vu?

Fondée le 17 février 1989 à Marrakech, date à laquelle son traité constitutif a été signé par les cinq chefs d’états à Marrakech, au Maroc, l’Union du Maghreb arabe (UMA) ne cesse, depuis, de faire du surplace. Bien que les responsables des cinq pays membres (Algérie, Libye, Maroc, Mauritanie, Tunisie) continuent de se rencontrer périodiquement, les résultats se font attendre.
L’organisation emploie une quarantaine de salariés, dont une quinzaine de cadres, soit trois par pays. Son budget – 1,85 million de dollars – est exclusivement alimenté par les cotisations des pays membre : 370.000 dollars par an et par pays. Le loyer de son siège (74.000 dollars) est pris en charge par le Maroc, pays du siège. À la fin de l’année 2002, seuls deux pays avaient acquitté la totalité de leurs contributions: le Maroc et la Tunisie.

La triste histoire d’une institution handicapée de naissance: elle aura 23 ans le 17 février, mais qui ne marche toujours pas, n’agit pas et ne fait rien d’autre que coûter un peu plus d’argent chaque année à ceux qui continuent à s’acquitter de leurs quote-part.

Depuis son arrivée au pouvoir, Moncef Marzouki n’a pas manqué une occasion pour relancer l’idée d’un grand Maghreb allant de Nouakchott à Benghazi. Début janvier en Libye, il propose de faire des deux pays post-révolutionnaires le noyau de l’Uma. Quelques jours plus tard, l’idée est relancée à Tunis en présence du président algérien Abdelaziz Bouteflika, lors de la célébration de l’anniversaire de la révolution tunisienne.

L’Uma a été fondée en 1989 mais n’a jamais vraiment dépassé le stade symbolique. Son conseil composé des cinq chefs d’Etats ne s’est pas réuni depuis 1994. Et pour cause les coups de sang de l’ex-leader libyen Mouammar Kadhafi, mais aussi les différends entre Algérie et Maroc.

L’intégration régionale de l’Afrique du Nord apparaît pour de nombreux experts comme l’une des réponses aux difficultés que rencontre la région: chômage, pauvreté, mauvaise gouvernance, violence sociale, etc. Récemment, la directrice du Fmi, Dominique Lagarde, a appelé à un resserrement des relations maroco-algériennes comme voie de salut pour les deux pays en mettant en exergue leur complémentarité. Les économies du Maghreb se tournent le dos et les gouvernants ont des relations marquées par une méfiance mutuelle.

Dans cette perspective, seule la démocratie est à même de faire sortir les dirigeants d’une logique nationale afin de mettre en pratique les conditions d’une intégration régionale attendue par l’opinion. Et qui ne peut se faire qu’à travers la démocratisation.

UMA, la mal-nommée

Mal nommée, parce que si le Maghreb est arabisé et islamisé depuis plus de douze siècle, il n’en est pas pour autant arabe. Les fondateurs de l’UMA ont voulu – à tort – ignorer que ce Maghreb de 80 million d’âmes, qu’ils tiennent à qualifier d’Arabes, compte 20 millions de Berbères (dont près de 12 millions au Maroc et près de 7 millions en Algérie), soit 25% de la population totale : un maghrébin sur quatre est berbère et veut être reconnu comme tel !

Mal constitué parce que ses deux pays périphériques, la Libye à l’est et la Mauritanie à l’ouest, ne font pas partie du Maghreb en réalité et n y ont adhéré que pour des raisons conjoncturelles.

La Libye est tiraillée entre le moyen orient, l’Afrique subsaharienne et le Maghreb, comme le montrent les volte-face de son défunt «Guide», et le besoin qu’il avait de changer périodiquement de boussole.

Quant à la Mauritanie, limitrophe du Maroc et de l’Algérie, mais aussi du Sénégal et du Mali, elle s’est accrochée au wagon maghrébin (et arabe) par un choix de sa classe dirigeante qui à l’époque n’avait pas tenu compte de la constituante noire du pays.

Mamoudou Lamine Kane

 

Source  :  Noor Info le 11/02/2012

 

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