Rébellion Touareg au Mali: un nuage sur l’axe Nouakchott/Bamako.

Le président malien Amadou Toumani Touré (à dr.) avec les représentants d'un groupe armé de touaregs de retour de Libye, à Bamako, le 3 décembre 2011. AFP photo/Habib KouyateSelon des informations parvenues à Kassataya, les violents combats qui opposent l’armée malienne aux troupes du MNLA et de leurs alliés suscitent des interrogations à Bamako. L’équipement des rebelles provient-il seulement de la Libye ?

 

La Mauritanie soupçonnée d’accointances avec la rébellion.

Dans la capitale malienne, les médias et certaines voix laissent entendre de plus en plus ouvertement que les rebelles disposent d’autres cartes que les armes rapatriées de chez Kadhafi. Un élu appartenant à la majorité au pouvoir au Mali a confié à Kassataya ce mardi 31 janvier 2012 qu’un pays voisin est directement impliqué dans le conflit. « Les rebelles avaient planifié de se ravitailler en minutions et en carburant en attaquant certaines bases militaires dans le Nord. Malheureusement pour eux ils ont  mal calculé. Ils se sont repliés sans munitions en comptant sur le soutien du voisin » confie l’élu.

Contacté par Kassataya, un connaisseur de la région assure que la Mauritanie est entrain de se faire une bien mauvaise publicité. Certains pays de la sous -région n’hésitent pas à rappeler que quand des risques de rébellion avaient menacé la stabilité de ce pays, tous les pays avaient apporté leur soutien à Nouakchott.

Mais quel crédit accorder à ces accusations ? Que peut espérer Nouakchott de ce soutien supposé à la rébellion touareg ? L’accusation semble quelque peu curieuse. La Mauritanie s’est lancée dans une chasse aux éléments d’Al-Qaïda qui écument la région. L’on se souvient que l’armée mauritanienne s’était engagée en territoire malien pour traquer justement les combattants d’AQMI notamment  dans la forêt de Wagadou.

Toutefois, selon un analyste spécialiste des questions de sécurité, la Mauritanie pourrait trouver dans la rébellion touareg l’occasion de réaliser ce qu’elle n’a pu obtenir de l’armée malienne : juguler la menace terroriste dans la sous-région. Ce serait une façon de sous-traiter la guerre contre AQMI aux rebelles du MNLA. Certains analystes à Bamako pointent par ailleurs les ambigüités des propos du ministre Mauritanien des affaires étrangères. Celui-ci déclarait sur les ondes de RFI que « les Touaregs sont une communauté ethnique, ce qui n’est pas le cas des terroristes. Les Touaregs au Mali sont chez eux, ce qui n’est pas le cas des terroristes. Les Touaregs ont des revendications identitaires, irrédentistes, ce qui n’est pas le cas des terroristes. Les Touaregs n’ont jamais attaqué un pays étranger, ce qui n’est pas le cas, non plus, des terroristes. Donc, à mon avis, il faut éviter de faire l’amalgame ». Le ministre mauritanien accuse, sans les nommer, certains pays de manquer de volonté politique dans la lutte contre le terrorisme dans la sous-région. La détermination de la Mauritanie reste elle intacte. Au point de s’allier à une rébellion dans un pays voisin immédiat ?

Une situation explosive à bien des égards.

Pour l’élu malien, ce serait une très mauvaise analyse de la part des autorités mauritaniennes. En pensant pouvoir compter sur les rebelles touaregs, les autorités mauritaniennes montreraient leur méconnaissance des alliances et équilibres tribaux sur lesquels reposent les relations dans la région. Certaines tribus touaregs ont noué des alliances avec des chefs terroristes et ils ne les renieraient pour rien au monde. De plus, en agissant ainsi, la Mauritanie exposerait les populations maures du Nord du Mali aux représailles des terroristes et des rebelles. Des commerçants arabes ont été dépouillés de leurs matériels de communication (téléphone satellitaires Thuraya) et de leurs stocks en carburant (vendu dans la région de façon informelle). Excédées, les victimes se sont récemment réunies pour se constituer en groupes d’autodéfense et faire face à la situation devant l’impuissance de l’armée malienne dont certains hommes se sont réfugiés dans les pays voisins pour fuir les combats.

Appels au calme et rejet de l’amalgame.

Dans le même temps, l’unanimité se fait à Bamako aussi bien du côté des officiels que de la société civile pour appeler au calme et éviter l’amalgame entre ceux qui sont qualifiés de « bandits armés » et les populations touaregs et arabes du Mali. Mais ces voix cachent mal le malaise profond qui s’est exprimé quelquefois dans des représailles contre les populations du nord. Des pillages ont été signalés dans la capitale malienne suite aux manifestations de mardi et mercredi.

De nombreuses familles ont traversé la frontière pour trouver refuge en Algérie et au Niger. Le plus important contingent semble avoir choisi la Mauritanie (entre 4500 et 5000 personnes selon certaines sources). Ce pays faisant face à une grave crise alimentaire risque de se trouver confronté à des difficultés inhérentes à la pression sur les ressources disponibles et aux déséquilibres nés d’un afflux massif de populations réfugiées. La situation n’est pas plus prometteuse du côté de la frontière avec le Sénégal où l’instabilité politique risque de déstabiliser le pays et envoyer un nouveau flot de populations vers le voisin mauritanien. Situation qui fait dire à cet analyste que « la Mauritanie risque de payer le plus lourd tribut à l’instabilité politique dans la sous-région compte tenu du caractère hétéroclite de son peuplement et du peu d’encrage de l’Etat sur le territoire ». C’est justement un argument qui fragilise la thèse de l’alliance entre Nouakchott et les rebelles touaregs. La situation politique interne est à ce point tendue qu’on voit mal où le régime d’Ould Abdel Aziz pourrait trouver l’énergie nécessaire pour s’impliquer dans un tel bourbier. Sauf à dire qu’il s’agit d’un contrefeu pour détourner l’attention. Soupçon qu’une source proche du pouvoir en Mauritanie renvoie d’ailleurs au voisin malien qui trouve dans cette rébellion une l’occasion de repousser l’élection présidentielle prévue en avril  et dont est exclu le président sortant qui ne peut briguer un troisième mandat.

Abdoulaye DIAGANA

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