Nouvel Aéroport de Nouakchott : Contreparties avoués et non-avouées

Si tout va bien, en Octobre 2013, la Mauritanie disposera d’un nouvel aéroport international qui semble t-il, rentre dans le cadre d’une stratégie globale de modernisation de la ville de Nouakchott.

Selon les informations très parcellaires distillées par les promoteurs du projet, l’aéroport répond aux standards de l’aviation civile internationale. L’aéroport actuel qui se trouve au centre de la ville avec tout ce que cela comporte comme risques et nuisance sonore pour les riverains accueille un peu plus de 100 000 passagers par an et son seul problème selon des connaisseurs c’est une aérogare digne de ce nom. Ainsi pour une bonne partie de l’opinion, nonobstant la manière (troc), l’opportunité économique et le fondement juridique d’une telle opération restent à prouver.
Qu’à cela ne tienne, le gouvernement a lancé l’opération et avec elle les travaux du nouveau chantier.
Le 28 Novembre le début des travaux de d’aménagement de l’aéroport international de Nouakchott ont été officiellement lancés. L’objectif affiché du gouvernement à travers ce projet du nouvel aéroport est d’améliorer la compétitivité de la plate-forme aéroportuaire de Nouakchott et de faciliter la circulation entre les différentes moughataas de Nouakchott par la viabilisation de l’ancien aéroport ;
Premier sujet de polémique, le nouvel aéroport qui sera construit à environ 20 kilomètres de Nouakchott va coûter aux contribuables une contrepartie de plus de 500 hectares de terrains à usages commerciaux et d’habitation repartis entre F Nord (Route de Soukouk) et l’ancienne aérogare. Ca c’est pour la contrepartie avouée. Cependant le flou et le secret qui entourent cette opération laissent supposer qu’il y a une autre contrepartie moins avouable. On parle de concessions minières, de licences de pêche et divers autres avantages. Mais à titre de comparaison, l’aéroport objet de la première convention avec les chinois était estimé à 170 millions de dollars, le nouvel aéroport de Ouagadougou qui sera réceptionné en 2017 et accueillera 30 millions de passagers par an avec huit terminaux passagers avec un terminal distinct pour les pèlerins et les compagnies low cost, est facturé 237 milliards de Fcfa, le nouvel aéroport international Blaise Diagne (AIBD) de Diass (47 km de Dakar) va être opérationnel dans le second semestre de 2012, ses travaux sont estimés au total à 566 millions d’euros.
Deuxième sujet de polémique. Des voix s’élèvent pour dénoncer ce qu’elles appellent une dépense de prestige. La Mauritanie est classée 159 ème sur 187 dans le dernier Indice de développement humain (IDH) – Classements 2011, du Pnud. le pays devrait avoir d’autres priorités telles l’éducation, la santé, l’eau, etc.
L’un des arguments choc sorti par les promoteurs et le gouvernement est que la délocalisation de l’aéroport actuel répond à un impératif de sécurité, Là également les opposants au projet ne manquent pas d’arguments. L’aéroport de Nouakchott n’est pas dans la liste des plus dangereux du monde comme on pourrait le penser. Voila des cas concrets qui sont celui de Genève (Suisse), de Bruxelles Zaventem (Belgique) Bourget à Paris ou JFK et la Guardia à New York qui ont tous la particularité d’être situés en pleine agglomération urbaine.
C’est dire que l’actuel aéroport de Nouakchott avec moins de 40 vols commerciaux par semaine aurait pu avoir encore de belles années devant lui. Et là apparaît clairement la vacuité de certains « avantages » présentés comme décisifs par les promoteurs du projet comme celui de deux pistes l’une de 2800 mètres linéaires et l’autre de 2400ml. A titre de comparaison l’actuelle piste de Nouakchott est longue de 3000 mètres et celle d’Atar de 3300m et peuvent toutes les deux accueillir les A380 et les B747 mais surtout pourquoi deux piste là ou une seule aurait amplement fait l’affaire. L’actuel aéroport international de Tunis Carthage ne dispose que d’une seule piste.

Bureau d’études sans nom

Mais le vrai problème est Najah l’entreprise qui a remporté sans compétition le morceau. Est-elle capable de l’exécuter dans les règles de l’art. Au regard de la présentation Power point qu’elle a réalisé on peut raisonnablement en douter. En effet il ne faut pas être un expert pour constater que les choix techniques et architecturaux sont douteux. Le directeur général de Najah, a précisé que le projet a été conçu par un « bureau d’études américain spécialisé, réputé parmi les bureaux internationaux pour sa grande expertise pour avoir participé à la construction de plus de 90 aéroports à travers le monde » Mais alors pourquoi garder secret le nom d’un bureau si réputé ? Son nom s’il est connu est un gage de sérieux du projet. On ne peut que sourire en entendant une tour de contrôle de 42 mètres (plus haute que l’immeuble Khaima et BMCI mis l’un sur l’autre) et d’ailleurs à quoi ça sert ? De même la voilure en béton armé prévue selon la présentation est un non sens aussi bien architectural qu’esthétique. Et bien sûr le promoteur s’appesanti sur le nombre de mosquées (3) alors qu’il ne prévoit pas un terminal pèlerins, ni un hôtel, ni une zone militaire, ni les locaux pour la police et la Douane, pas de consigne bagage et rien de ce qui fait un vrai aéroport moderne.

Un coup porté à l’environnement
Par ailleurs il faut noter que l’article 33 de la loi N°055/2007 du 18 septembre 2007 portant Code Forestier est sans équivoque et stipule que : « Les forêts classées, les périmètres de protection et de reboisement ne pourront être aliénés en totalité ou en partie qu’après déclassement par l’autorité qui a pris l’acte de classement, dans les mêmes conditions prévues aux articles 29 et 30… ». Ce qui manifestement n’a jamais été le cas pour la ceinture verte de Nouakchott qui a déjà été rasée par le promoteur sans autres forme de procès. Et bien sur le comble du ridicule est atteint lorsque les promoteurs annoncent fièrement, que « sur la base des résultats de l’Étude d’Impact Environnemental et Social (EIES) du projet, il apparaît que le projet ne développe pas d’activités à tendance irréversible ou inévitable sur l’environnement durant les phases d’installation, de construction, d’exploitation et n’envisage pas de modifier les modes d’appropriation et d’utilisation actuelle de son espace géographique. » Quelle étude ? Réalisée par qui ? Validée par qui ? Le Ministère de l’Environnement dit tout ignorer de cette étude. Sans compter que son approbation doit être l’objet d’une large concertation ou la société civile est partie prenante.
Nous y reviendrons.

Bouna Cherif

Source  :  Le Quotidien de Nouakchott le 18/12/2011

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