Un expert de l’aviation civile avertit : Le Sénégal s’achemine peu à peu vers l’isolement aéronautique

La fermeture et la réouverture de son espace aérien avec autant de spontanéité et de facilité suite à l’affaire de Conakry n’agréent pas les spécialistes de l’aviation civile.L’un d’entre eux estime que d’autres voies auraient pu être explorées en lieu et place de cette méthode forte.

Après l’Asecna, la Mauritanie, la Belgique, c’est au tour de la Guinée de subir les récriminations du Sénégal par la fermeture de son espace aérien à tous vols en partance ou en provenance du territoire de Guinée. Même si dans les faits, l’acte posé par les autorités de l’aviation civile guinéenne est inexplicable, la manière dont le Sénégal s’est empressé de fermer son ciel à tout vol à destination ou en provenance de Conakry pose également un sérieux problème à des techniciens de l’aviation civile. L’un d’entre eux que nous avons contacté hier et qui a préféré garder l’anonymat dit ne pas comprendre la réaction musclée de Dakar dans cette affaire. Pour ce dernier, le principe de réciprocité par lequel le pays s’est empressé de justifier sa décision ne tient pas la route et n’existe pas dans les principes qui régissent le transport aérien. En effet, selon lui, la convention de l’Aviation civile internationale, dite convention de Chicago, stipule, en son article premier (Souveraineté) que chaque Etat a la souveraineté complète et exclusive sur l’espace aérien au-dessus de son territoire. Les territoires sont découpés en Régions d’information de vol (Fir en anglais), gérées par des centres régionaux de contrôle du trafic aérien. C’est ainsi que les espaces aériens des Etats de l’Afrique sont confiés, certains à l’Asecna, d’autres comme la Gambie, la Guinée, la Sierra Léone, le Libéria, le Ghana etc à d’autres centres. Et, dit-il, dans le cas présent, la Guinée a confié la gestion de son espace aérien à la Fir Roberts au Libéria qui encaisse les redevances aéronautiques en contrepartie du service rendu (contrôle et information en vol). ‘Le conflit qui oppose les deux parties n’est pas un conflit d’Etat et ne devrait pas en être un. C’est un conflit commercial international. Et sous ce rapport il existe bien des instruments d’arbitrage et de règlement pour ce genre d’affaire’, note l’expert.

Qui pense qu’avec des discussions entre la direction générale de la compagnie, la direction générale de l’Agence nationale de l’aviation civile du Sénégal (Anacs) et la direction de l’aviation civile de Guinée, le malentendu aurait trouvé une issue heureuse. Au cas où cette voie n’apporterait pas les résultats escomptés, la diplomatie sénégalaise, rompue à ce genre d’exercices, aurait pu être mise en branle. C’est pourquoi, il estime qu’il n’était, donc, guère nécessaire de fermer et de rouvrir l’espace aérien. Ce qui entraîne des dégâts collatéraux et des surcoûts d’exploitation à des compagnies qui ne sont pas parties prenantes dans cette affaire. ‘La fermeture d’un espace aérien avec autant de spontanéité et de facilité engendre une incompréhension dans le milieu aéronautique qui nous fera payer la note tôt ou tard. Nous tendons peu à peu vers un isolement aéronautique dont l’exploitation est sous-tendue par la coopération, l’entente et la compréhension’, poursuit-il.

Autre argument qui milite en faveur de son désaccord sur la fermeture du ciel Sénégal à la Guinée, le cas de force majeure. ‘Qu’adviendrait-il d’un crash ou d’une détresse d’aéronef au large des côtes sénégalo-guinéennes qui nécessiterait la mise en œuvre du plan de recherche sauvetage appelé Cospas Sarsat dans le cadre des accords de coopération aéronautique?’, s’interroge-t-il avant de faire remarquer que les plans de navigation aérienne sont, aujourd’hui, en train d’évoluer défavorablement pour notre pays. Cela, parce que l’Organisation de l’aviation civile internationale (Oaci) est en train de doter le Mali d’un centre de contrôle régional. Ce qui entraînerait le retrait de l’espace aérien malien du contrôle de Dakar.

Ces conflits tout azimuts risquent de mener le Sénégal à l’isolement aéronautique

Ainsi, fait-il remarquer, l’influence de notre pays sur l’échiquier aéronautique va, si on n’y prend garde, se rétrécir comme peau de chagrin. Parce que ces conflits tout azimuts, constatés depuis la mise sur pied de la nouvelle compagnie, risquent de mener à l’isolement aéronautique. En effet, dit-il, les grandes décisions concernant notre pays se font par voie de vote au conseil de l’Oaci. Et les intérêts du pays pourraient, dans ces conditions, ne pas faire l’unanimité. ‘Si en 2004, notre pays a pu siéger à la commission de la navigation aérienne c’est bien grâce à son potentiel diplomatique et à sa bonne intelligence avec les peuples du monde’, soutient-il. C’est pourquoi, il pense que l’Etat du Sénégal gagnerait à recentrer sa mission et son rôle en appuyant son action dans les politiques de concurrence, d’accès aux marchés, afin de garantir l’efficience dans le transport aérien. ‘L’orientation des politiques de transport aérien a évolué de la protection des compagnies vers, aujourd’hui, la recherche de l’efficacité et de prise en compte des intérêts des usagers. De ce fait, c’est la question de l’accès aux marchés ou le respect des règles de concurrence qui deviennent essentiels pour la régulation. La récente décision de l’Etat de rehausser les taxes d’atterrissage à l’aéroport de Dakar suscite l’incompréhension des opérateurs par l’intermédiaire de l’Association internationale du transport aérien (Iata)’, confie-t-il.

Seyni DIOP

Source  :  Walf Fadjri le 02/11/2011

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