Nouvelles d’ailleurs : La Diaspora expliquée aux Nuls…

Il est de bon ton, dans certains milieux intellectuels et « branchés » de nos microcosmes de société, de se gausser, entre 2 bouchées de gâteaux et quelques lampées de boisson gazeuse ou de café, de La Diaspora.

 

 

 

Du « ils ne connaissent rien à la situation sur place » ( à savoir la vie terriblement trépidante de NKTT city et de la Rim en général), à « ils ne sont pas sur place, ils n’ont donc aucun mot à dire », en passant par le sempiternel « ils sont loin donc ils ne voient rien », et en faisant un petit détour par « ils ne sont plus tout à fait mauritaniens », sont lancées les mille et une piques et banderilles à l’encontre du fantasme Diaspora.
Le mammouth, que dis-je, le Monstre Diaspora devient, le temps de discussions animées, le truc du moment, à savoir qui connait quoi que ce soit à la situation au bled.
De bien entendu ces pugilats verbaux ne peuvent aller sans la moue légèrement méprisante des « nous nous sommes au bled donc on connait » et la moue plus que dépitée du « je vis à l’étranger mais je connais ce qui se passe chez nous ». Le pseudo dialogue tourne vite au dialogue de sourds.
Le combat se termine toujours de la même façon : les locaux, entendez par là ceux qui ont les babouches bien ancrées dans les goudrons de NKTT, gagnent par KO technique et le « diasporé » finit par se taire tout en bouillant au fond de lui de colère.
Bref : entre Diaspora et Local, rien n’est jamais simple. C’est une histoire d’amour tendance « je t’aime, moi non plus » qui, par delà l’imbécilité des reproches faits par les « Locaux régionaux », permet, au moins, de ne pas s’ennuyer certains jours dans cette capitale, NKTT Plage, championne toute catégorie de l’ennui et de la médisance (l’un cultivant l’autre avec perversité et passion).
En tant que « diasporée » moi-même, j’en ai perdu de la salive dans ces débats stériles!
Pourtant il ne me semble pas, qu’en arrivant au bled, je sois la plus ignare des ignares en matière de « k’estcequisestpasséchez nous? ».
Il me semble aussi, que le premier réflexe des Locaux/Régional de l’étape du Jour, est de sauter (au sens propre comme au figuré) sur l’ordinateur portable pour aller apprendre la politique des Nous Z’Autres sur Internet !
En écoutant toutes ces voix patriotiques, je me disais qu’il devait exister dans notre République une sorte de téléphone arabe relié directement aux Locaux et qui bipait dès lors qu’un politique bougeait un cil, ou qu’un fonctionnaire détournait de l’argent, ou qu’un gabegiste faisait un chèque en bois, que le Président posait sa royale babouche sur sa encore plus royale descente de lit… Du producteur au consommateur, quoi! Ce fil magique de LA connaissance des us et coutumes locaux à usage de ceux qui ont le bon ton et la bienséance de vivre au bled. De bien entendu, en écoutant les Locaux vitupérer après les Nous Z’Autres Diasporés et Compagnie, ce fil magique ne nous atteignait pas, trop éloignés que nous sommes nous Z’Autres « ânes Diasporés ».
Bref, je vais passer sur cet aspect du Local pur jus qui, comme son cousin de la Diaspora, s’enquiert de ce qui se passe pas très loin de chez lui en allant surfer sur les sites électroniques d’informations (ou de désinformation).
Je passerai aussi sur le fait que, miracle des miracles, j’étais parfois, moi la diasporée, au courant avant eux de choses qui se passent au bled! Combien de fois ai-je appelé notre pays en disant « c’est quoi la manif en ce moment? » ou « Tu as entendu ce que vient de déclarer tel ou tel homme politique? », etc… et n’ai récolté, au bout du fil, de la part de ceux qui sont sur place, « Ben non suis pas au courant? Qu’est ce qui se passe? » !!!!
Je passerai aussi sur le fait que la Diaspora, comme toute chose, est souvent un vase clos, qui n’a jamais coupé les liens affectifs avec le pays et que les nouvelles qui ont parfois du mal à arriver aux oreilles des Locaux (sûrement histoire de chaleur ou de goudron mal foutu) arrivent à l’étranger avant d’arriver aux Régionaux Locaux.
Je passerai (bien entendu car il n’est pas question d’argent entre amis n’est ce pas?), sur le fait que sans la Diaspora et ses diasporés, l’économie mauritanienne se trouverait encore plus mal qu’elle ne l’est. Et que grâce à la Diaspora et à ses toujours diasporés, l’Etat a pu faire plein d’économies en matière de développement local car ces mêmes diasporés ont envoyé de l’argent au village et y ont construit, des écoles, des pharmacies, des mosquées… tout cet argent durement gagné dans ces paradis que sont l’Europe ou les States, cet argent de la douleur, économisé sou après sou et envoyé au pays afin de le construire.
Je passerai sur le fait que le Local, quand il économise ou qu’il investit, ouvre soit une boutique soit fait dans la pêche.
Je passerai aussi sur le fait que beaucoup n’ont pas choisi d’être « disaporés » de gaîté de cœur. Beaucoup ont fui notre merveilleuse République des Sables Moutannants et Rectifiés (ah les belles années 1989, 1990 et plus!). Beaucoup sont partis parce que dans leurs villages ils crevaient de faim.
Beaucoup sont partis pour faire des études et obtenir un diplôme qui soit reconnu dans le monde.
Beaucoup sont partis et sont restés parce qu’ils ont trouvé l’amour.
Beaucoup sont partis parce qu’ils ne trouvaient pas de travail chez les Locaux et beaucoup représentent la RIM mieux que les Locaux/Régionaux : Ould Hamidoun, Toka Diagana, pour ne citer qu’eux, qui ont fait et qui continue, pour Toka Diagana, à illuminer le panthéon des sommités en Mathématiques et dans la Recherche. De Brahim Ould Boihy, qui entraîne les pilotes d’une des compagnies les plus prestigieuses du monde, Air France… De Myriam Soumaré, d’origine mauritanienne, qui a brillé dans l’athlétisme. De Med Hondo. Etc, etc…
Je passerai aussi sur le fait que c’est dans la Diaspora et par elle qu’est née la première web radio libre de Mauritanie, Kassataya, qui existe depuis plus de 2 ans maintenant et qui, à sa manière, lutte pour la libéralisation des ondes et la liberté tout court. Née, rêvée, maintenue à bout de bras sans financements par la..diaspora.
Eh oui, rêves de Diaspora….
Alors, puisque les diasporés sont souvent méprisés, raillés, dénigrés, rabaissés au rang d’aveugles ignares, je veux rappeler que la Diaspora aujourd’hui, ce sont des centaines de milliers de mauritaniens qui n’ont jamais tout à fait quitté le pays, qui l’aiment, qui tentent de le construire, de participer, d’ériger.
Ce sont des hommes, des femmes, des enfants, qui transportent avec eux un bout de cette terre de déchirements.
Ce sont des mauritaniens comme les autres, qui se tiennent encore plus au courant de ce qui se passe chez nous parce qu’ils sont loin. Et qui ont l’avantage « d’avoir vu du pays » et de connaître autre chose. Et c’est ça la richesse non? L’ouverture aux Autres…
Ce ne sont pas seulement ceux que les Locaux appellent quand ils ont besoin d’argent ou de la dernière cafetière à la mode….

Mariem Mint Derwich

Source  :  lecalame.info le 03/08/2011

Diffusion partielle ou totale interdite sans la mention : Source : www.kassataya.com

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