Les préoccupations concernant une reprise de l’activité terroriste culminent à l’approche du mois sacré.
Les terroristes ont menacé de lancer des attaques majeures contre l’armée mauritanienne avant le mois sacré du Ramadan. Mais les spécialistes de la sécurité estiment que ces mises en garde relèvent de la bravade, signe de la faiblesse toujours plus grande d’al-Qaida.
Des commerçants de la ville frontière de Bassiknou, dans le sud-est du pays, ont indiqué à Magharebia avoir parlé à des combattants d’al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI). Les terroristes se sont livrés à une démonstration de force en patrouillant dans le périmètre de la forêt à bord de cinq véhicules tout-terrain.
« L’armée mauritanienne affirme qu’elle nous a battus », ont indiqué les terroristes à ces commerçants. « Ce n’est pas le cas, et ils vont voir quelque chose qui contredit leurs affirmations. »
Deux combattants à motos ont échangé des coups de feu, mardi 26 juillet, avec une unité de la gendarmerie mauritanienne à priximité de la frontière malienne. Ils ont pu s’enfuir au Mali après avoir abattu un gendarme.
Le mois dernier, AQMI avait subi une sévère défaite face aux forces mauritaniennes et maliennes. Quinze terroristes avaient été abattus dans la forêt de Wagadou.
« La topologie et la démographie de la région où se trouve la forêt de Wagadou, à 56 kilomètres au sud de la ville mauritanienne de Bassiknou, permettent aux membres d’AQMI de se déplacer librement en vêtements civils et de se faire passer pour des commerçants ou des bergers, en particulier dans la mesure où cette forêt très dense est considérée comme le lieu de prédilection des bergers mauritaniens, qui y font paître leurs troupeaux durant l’été », a expliqué Yacoub Ould Bahdah, un journaliste spécialiste des groupes terroristes.
Le succès de l’armée mauritanienne contre les terroristes pourrait contraindre al-Qaida à repenser sa stratégie, selon l’analyste Mohamed Naji.
« Des informations quasi certaines indiquent qu’AQMI a abandonné plusieurs de ses agents qui lui fournissaient des informations sur les mouvements de l’armée mauritanienne au lendemain des récentes attaques qui lui ont infligé de lourdes pertes », a-t-il indiqué. « Je pense que l’organisation a dû recruter de nouveaux agents qui ne font l’objet d’aucun suivi. »
« Quant au fait que l’organisation étale sa force devant les habitants locaux, cela relève d’une tentative de leur démontrer sa présence », a ajouté Naji. « Elle veut ainsi envoyer le message qu’elle est encore capable d’imposer son contrôle sur cette région et a la possibilité d’intimider sa population. »
Selon le rédacteur en chef de Sahara Media Bechir Ould Babana, il est naturel pour al-Qaida de « montrer sa force » après chaque bataille contre l’armée mauritanienne.
« Al-Qaida se conforme ainsi à la mentalité des habitants du nord du Mali, d’origine arabe ou touareg, qui soutiennent toujours le côté le plus fort, quelles que soient sa politique et ses visées », a-t-il ajouté. « Si AQMI paraît faible à leurs yeux, ils coopéreront avec l’armée mauritanienne ou malienne et lui fourniront des renseignements. »
Cet analyste souligne qu’AQMI applique « la politique de la carotte et du bâton ». « Si l’organisation soupçonne quelqu’un de la trahir en collaborant avec l’armée mauritanienne, elle l’abattra sans merci », explique-t-il. « Parallèlement, elle apporte également de nombreuses promesses financières aux sheikhs tribaux de la région. »
La « démonstration de force » d’al-Qaida révèle en fait sa vulnérabilité, explique le spécialiste en science sociale Mohamed Ould Salek.
« Les habitants de la région ont commencé à s’en apercevoir, ce qui a poussé AQMI à annoncer un changement de stratégie dans la sélection de nouveaux agents, ce qui constitue en soi un aveu de faiblesse », a-t-il conclu.
Jemal Oumar
Source : Magharebia le 28/07/2011
