Mauritanie : le difficile pari de la réforme judiciaire pour Ould Aziz

justicePrès de 2 milliards d’ouguiya. C’est le montant que vient d’allouer l’Union Européenne à la Mauritanie pour appuyer sa réforme de la justice pour 2011-2015. Outre la réhabilitation et l’amélioration des infrastructures de base de ce secteur, cette aide substantielle vise à former notamment le personnel judiciaire, les étudiants et aider les populations les plus démunies à accéder à la justice.

Pour les observateurs, ce financement européen vient à point nommé et relance le débat sur la bonne gouvernance au moment où plane l’incertitude de la participation de l’opposition aux législatives et municipales d’octobre prochain.
En accédant au pouvoir en juillet 2009 le président mauritanien s’était autodéclaré comme le « président des pauvres » dans un pays effectivement où plus de la moitié vivent au dessus du seuil de la pauvreté et sont aussi analphabètes. Et depuis il ne se passe pas un jour sans que la presse nationale déballe des affaires de détournement des deniers publics, des vols à main armée ou des crimes contre des personnes innocentes, d’abus de pouvoir même de la classe dirigeante, des accidentés de la circulation bernés le plus souvent par leurs  sociétés d’assurance, de petits producteurs agricoles spoliés par les grands, les quelques rares consommateurs qui arrivent à trouver des produits sur le marché local mais peu informés ou pas sur leurs origines, les petits et grands commerçants en quête de super profits…On ne saurait en faire une liste exhaustive. Le dénominateur commun à  ce chapelet de griefs c’ est  qu’il n’existe pas en Mauritanie des législations qui protègent réellement les non professionnels
face aux professionnels, les consommateurs face aux commerçants et producteurs. Encore moins des moyens matériels et humains pour les mettre en place ou de les appliquer .En effet,  cet important pilier de l’Etat qu’est la justice  se porte mal dans un pays où le système judiciaire  souffre de la confiance des administrés eux-mêmes , de l’autorité de l’Etat et de la légitimité des juges eux-mêmes. Ce n’est pas un hasard si le nouveau locataire du palais de Nouakchott a placé l’année judiciaire 2011 sous le signe de l’éthique du juge pour engager les réformes de l’Etat qu’il a promis il y’a deux ans. Pour appuyer tous les efforts du gouvernement de Ould Laghdaf  dans cette optique, l’Union Européenne vient d’octroyer une aide de près de 2 milliards d’ouguiya, à peu près l’équivalent du budget de la justice pour former le personnel de ce secteur, les étudiants et aider les populations les plus pauvres à accéder à la justice. En outre, cette somme devra permettre la réhabilitation et l’amélioration des infrastructures de base  pour la promotion de la justice sociale en Mauritanie. Tous les citoyens et encore plus les plus démunis ont besoin de l’amélioration de leur situation à commencer par les enfants qui sont quasi exclus du système éducatif en nette baisse. La plupart d’entre eux  n’accèdent pas à l’école ou tout simplement la quittent très tôt pour travailler ou subvenir aux besoins de la famille. Et ceux qui ont la chance de continuer ne bénéficient pas d’un enseignement de qualité. Ensuite la précarité au féminin est de plus en plus visible dans les campagnes comme dans les grandes villes où  les familles monoparentales de plus en plus nombreuses en font les frais  avec un taux d’analphabétisme très élevé les exposant ainsi à l’ignorance et à l’exclusion du droit. Sur le registre des droits de l’homme,les choses avancent à pas de camélion. La Mauritanie a pourtant ratifié beaucoup de traités et conventions nationales et internationales dans ce domaine. Mais des pratiques esclavagistes illégales subsistent
malgré les nombreuses dénonciations des ONG nationales et internationales et l’opposition .Et beaucoup restent à faire pour l’insertion des 20 000 réfugiés rentrés récemment au pays, l’indemnisation et l’accès à leurs droits et leurs biens. D’autres freins liés à des barrières linguistiques de la langue arabe continuent de pénaliser toutes les minorités ethniques dont l’ accès à certaines fonctions administratives dans l’appareil judiciaire.
En l’état actuel des choses Ould Aziz n’a pas d’autres possibilités que de réformer. Par exemple en s’attaquant aux premières heures de son quinquennat aux grands délinquants financiers et en exigeant la déclaration de patrimoine à toutes les grandes personnalités de l’Etat,  il donne un signal fort d’homme d’état pour lutter contre la gabegie, la corruption et l’enrichissement illicite. Mais cette solution ne fait pas l’unanimité au sein de l’opposition qui voit dans cette gesticulation un abus d’autorité du chef  qui profite de son statut pour être au dessus des lois  concernant la gestion des financements publics par exemple ou régler des affaires judiciaires en faveur de l’Etat ou entretenir un réseau de clientélisme pour pencher la balance de son côté. Pas étonnant que le bâtonnier de l’ordre national des avocats mauritaniens ait plaidé cette année la fin des pressions de l’exécutif et demandé  ainsi au premier magistrat de la Mauritanie  le respect des décisions de la justice contre l’Etat  qui est responsable avant tout de l’application de la loi. Les réformes tant attendues n’auront pas lieu même à coup de milliards d’ouguiya si la justice mauritanienne n’est pas indépendante  et n’assiste pas aux indigents à accéder au droit et à la justice au même pied d’égalité. C’est le pari difficile de la bonne gouvernance pour Ould Aziz à quelques mois des législatives et municipales qui n’enchantent pas pour le moment 4 partis de
l’opposition qui ont décidé de boycotter le scrutin.

Baba Kane

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