Saleh Ould Hanenna, président du parti HATEM et député à l’Assemblée Nationale: ‘’Notre retrait de la Majorité n’a aucun lien avec le fait que Ould Abdel Aziz ait lâché Kadhafi’’

Salah-ould-HanenaConnu pour avoir prouvé, lors d’une tentative de coup d’Etat en juin 2003, que le pouvoir de Ould Taya n’était qu’un tigre de papier, Ould Hanenna s’est vite imposé sur la scène politique, grâce, surtout, à son procès retentissant à Ouad Naga.

«Les Cavaliers du Changement», ainsi que se sont proclamés ses amis et lui-même, firent, même, une entrée fracassante à l’Assemblée nationale, en 2007. Depuis, cet homme, réputé proche du guide libyen, a accompli, en politique, son petit bonhomme de chemin, avec beaucoup plus de discrétion. Après avoir soutenu le mouvement de la ‘’rectification’’ du 06 août 2008, Ould Hanenna vient de claquer la porte de la Majorité. Dans cette interview exclusive, il revient sur les raisons qui l’ont poussé à rejoindre la COD, parle des perspectives de dialogue, des prochaines municipales et législatives, l’enrôlement des citoyens, l’unité nationale, etc.

Le Calame: Votre départ de la majorité présidentielle intervient presque au lendemain du lâchage, par le président Ould Abdel Aziz, du guide libyen Kadhafi, confronté à une insurrection soutenue par l’OTAN. N’y a-t-il pas là un rapport de cause à effet ou s’agit-il d’une simple coïncidence?

Saleh Ould Hanenna: C’est une simple coïncidence. Nous avions engagé, depuis quelques temps déjà, des discussions, non seulement au sein du parti mais, aussi, de la majorité, en vue d’évaluer notre présence en celle-ci, et la tendance s’est dégagée en faveur du retrait. Nous avons, donc, révisé notre position, après avoir constaté le déficit de coordination et de concertation au sein de cette majorité, et le fait qu’en dépit de nos observations, rien n’a évolué, au contraire: ces manquements allaient crescendo, aussi avons-nous décidé de rompre les amarres et de rejoindre l’opposition. C’est, donc, un pur hasard, notre retrait n’a aucun lien avec ce qui se passe en Libye. D’autant plus qu’à Hatem, je vous le signale, nos positions sont dictées par l’intérêt national et non par d’autres préoccupations.

Que reprochez-vous à Ould Abdel Aziz, pour le lâcher aujourd’hui? Regrettez-vous d’avoir appartenu à cette coalition?
Je ne peux pas dire qu’on regrette d’avoir appartenu à cette majorité. Notre position, au lendemain du 6 août, était dictée par des raisons, objectives, consécutives à une analyse, approfondie, de la situation du pays. Nous avions examiné l’ensemble des questions et envisagé les perspectives d’avenir, avant de prendre notre position. Je dois vous avouer que nous avons hésité mais nous avons fini par accompagner le mouvement de la rectification, parce que le président de la République avait, à travers son programme électoral, suscité un espoir. Nous y avons souscrit mais je suis au regret, aujourd’hui, de constater qu’il n’a pas été fidèle à ses engagements. C’est en fonction de cela que nous avons pris notre décision de rompre avec lui. Nous ne regrettons, cependant pas, d’avoir appartenu à la majorité, dans la mesure où, pendant ces trois ans, nous avons acquis une certaine expérience et connu, surtout, la nature de ce pouvoir, de ce qui se passe, au sein de cette majorité.

Votre ralliement à la majorité présidentielle intervient au moment où la COD et le pouvoir se préparent à engager un dialogue politique, seul gage de stabilité du pays. Pensez-vous que ce dialogue aura lieu? Si oui, que faut-il en attendre?
Ce dont je suis sûr, c’est que la Mauritanie a besoin de ce dialogue, que la situation actuelle l’exige, même. Au niveau de Hatem, nous avons appelé au dialogue, en juin, bien avant, donc, le coup d’Etat du 6 août, parce que nous pensons que seul un dialogue, franc et sincère, entre les différents acteurs politiques, peut sortir le pays de son impasse actuel, et nous ne doutons pas, un seul instant, de la capacité des Mauritaniens à dépasser leurs contradictions, à taire leurs divergences pour consacrer toutes leurs énergies, à l’édification de leur pays. Un pays où chaque mauritanien aura sa place.

Sans un dialogue franc, entre la majorité et l’opposition, sans, donc, un minimum de consensus, Hatem participerait-il aux prochaines municipales et législatives? Posez-vous des préalables pour aller à ce scrutin?
Je crois que, pour organiser un scrutin crédible et, donc, transparent, il faut un minimum de consensus, sur un certain nombre de questions nationales. Il nous faut un consensus autour d’un code électoral, d’une loi électorale, d’une CENI indépendante et, surtout, un climat politique apaisé. Ce sont, là, les gages d’un scrutin crédible, ne souffrant d’aucune contestation. Organiser des élections, sans un consensus national entre les acteurs politiques, n’a aucun sens. Hatem prône, donc, un dialogue entre le pouvoir et l’opposition, pour éviter des élections sans objet.

Pensez-vous que le pouvoir est disposé à amorcer ce dialogue?

Le pouvoir l’affirme, haut et fort, mais la question que nous nous posons, à Hatem, est de savoir s’il part au dialogue avec une volonté, sincère, de décrisper la situation politique. Est-il prêt à céder des concessions nécessaires pour susciter les conditions d’une élection transparente et crédible, ou cherche-t-il, plutôt, à gagner du temps? Ce sont là des questions auxquelles le pouvoir devra apporter des réponses claires, en faisant montrer de sa volonté, sincère, d’apaiser la scène politique, afin que les Mauritaniens puissent, enfin, se consacrer à l’essentiel, à savoir, l’avenir de la Mauritanie.

Que pensez-vous du déroulement de l’opération dite «enrôlement des populations», lancée par le pouvoir, il y a déjà un mois?
Cette opération aurait dû démarrer il y deux ans. Elle a accusé un grand retard et, une fois débutée, se déroule très lentement. A trois mois de la date prévue des élections, il est pratiquement impossible que cet exercice en cours puisse fonder les conditions d’élections crédibles.

Le président Mohamed Ould Abdel Aziz vient d’ordonner l’identification de toutes les sépultures des personnes tuées depuis 1960. A votre avis, que cherche le pouvoir, à travers cette opération? Peut-elle contribuer à la consolidation de l’unité nationale?
Bien qu’elle soit importante, je pense qu’elle doit être prise de façon globale, je veux dire consensuelle, parce que c’est une question très sensible qui doit trouver une solution acceptée de tous et non d’une partie des Mauritaniens, fût-elle le président de la République. C’est une question nationale et, comme telle, requiert la participation de tous les Mauritaniens. Il s’agit d’éclairer une page de l’histoire de notre pays et de procéder à des réparations nécessaires. Beaucoup de Mauritaniens en ont souffert dans leur chair et seule une solution correctement négociée pourra leur permettre de faire, paisiblement, leur deuil.

Vous êtes connu surtout pour avoir tenté de renverser le pouvoir d’Ould Taya, une action au cours de laquelle le colonel Ould N’Diayane trouva la mort. Depuis quelques années, la famille, les amis et vous-même demandez une enquête, pour déterminer les conditions de sa mort. Vous n’en êtes, donc, pas responsable? Pouvez-vous nous éclairer sur cet épisode tragique?
Lors du procès de Wad Naga auquel vous faites allusion, nous nous sommes évertués à éclairer le tribunal et à faire, de la mort du feu colonel N’Diayane, une question essentielle, aussi bien au cours de l’enquête qu’au moment du procès. Nous avons, même, obligé le tribunal à statuer sur cette question et je crois, aussi, que la responsabilité avait été située, par celui-ci. Néanmoins, comme le souhaite la famille du défunt, comme nous le souhaitons tous, il faut apporter toute la lumière sur ce tragique évènement et c’est pour répondre à cette doléance que nous avons demandé une enquête, pour déterminer les conditions, exactes, de cette mort. Pour notre part, nous sommes disposés à apporter, à la justice, tous les éléments à notre disposition.

HATEM est-il, aujourd’hui, solidaire du peuple libyen ou de son guide?

Hatem est solidaire de tous les peuples qui luttent pour leur épanouissement. Nous étions solidaires du guide libyen, parce qu’il avait brandi, haut et fort, la révolution arabe, défendu l’intérêt du peuple libyen et des peuples arabes. Avec la révolte qui se déroule en Libye, nous invitons les deux parties à s’asseoir autour d’une table, pour discuter et trouver un compromis, afin d’éviter la destruction de leur pays, stopper l’intervention étrangère qui, au lieu de préserver l’intérêt de la Libye, ne vise qu’à mettre la main sur les ressources de ce pays, notamment le pétrole.

Pensez que ce qui s’est passé en Tunisie et en Égypte pourrait se produire en Mauritanie?

Je crois qu’il ne faut rien exclure, dans le cheminement des nations. Fort de cela, je crois que la révolte, dans le monde arabe, peut bien se produire chez nous, dans la mesure où, d’après une analyse que nous avons faite récemment, les causes ayant conduit à la révolte, au sein du monde arabe existent bel et bien, dans notre pays. La Mauritanie est un pays comme les autres. Il appartient, donc, au gouvernement d’éviter qu’on en arrive à ce stade. Comment? En prenant des mesures audacieuses, comme celles prises, récemment, par le Roi du Maroc. C’est au pouvoir de prendre des décisions susceptibles de nous éviter la contagion, fort probable, qui peut intervenir à tout moment.

Propos recueillis par Dalay Lam

Source: Le calame

 

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