Quelle topologie pour des «morts sans sépulture» ?

Parler de sépultures suppose qu’il en existe pour les nombreuses victimes de la bêtise humaine sous l’Etat d’exception.Retrouver les corps est la grande et véritable archéologie et ce d’autant plus qu’il s’agit de remonter aux années des indépendances.

On mesure d’avance le travail fastidieux qui attend ceux qui auront en charge ce projet qui doit inviter nécessairement au sens de la responsabilité et de l’éthique.

Maintenant que cette idée a été lancée, il faut que tout le monde se mette à apporter sa vision positive sans complaisance aucune, de sorte que l’objectif final concoure à rendre leur dignité à toutes les victimes disparues dans des conditions atroces. Ce travail a besoin comme nous l’avions dit dans notre précédente édition pour se réaliser, de se débarrasser de tout à -priori politique et de tout bâclage du règlement de la question du passif humanitaire qui a besoin d’être soldé par une approche inclusive. Quand on prend une décision aussi importante pour une question si impérative, on doit avoir le courage d’aller jusqu’au bout sans céder aux chants des sirènes ni aux manipulations de ceux qui sentent l’épée de Damoclès planer sur leurs têtes. Si l’heure n’est pas à la stigmatisation des présumés auteurs, le temps de l’impunité n’est pas non plus dépassé. Le travail qui doit se faire requiert la collaboration de tous les acteurs étatiques et non étatiques notamment ceux des droits de l’homme, des collectifs des victimes, des familles des disparus dans les différentes périodes, des spécialistes etc. Il faut sérier les cas en fonction des spécifications. A notre avis il y a lieu de distinguer entre les victimes de la guerre du Sahara dont les corps reposent dans des endroits comme Aine Bintilli, Dahkla, Inal et un peu partout dans les zones du Sahara mauritanien et Marocain. Les listes des disparus pourraient être retrouvées dans les archives de l’armée nationale ou reconstituées grâce aux témoignages de leurs frères d’armes en activité ou à la retraite. Pour ces cas il faut confier la supervision d’un tel dossier à des hommes ayant joué un rôle dans la guerre du Sahara et qui ont en mémoire les différentes odyssées ainsi que le topo du champ de bataille. La deuxième série se rapporte aux disparus dans des coups d’état qui ont jalonné les différents pouvoirs et dont les victimes ont été tuées au nom du complot « d’atteinte à la sûreté de l’Etat ». Parmi cette catégorie il faut comptabiliser des victimes collatérales militaires ou civiles. Il y a aussi des disparitions politiques d’hommes morts en prison pour leurs opinions et qui concernent essentiellement les intellectuels noirs décédés à Oualata ayant été placés dans le même bagne que les militaires noirs auteurs de la tentative de putsch en 1987 soldé rappelons-le, par l’exécution de trois officiers et la mort d’un officier et d’un adjudant au pénitencier de Oualata. La dernière série appelée le passif humanitaire concerne les massacres de plus de 500 militaires dans des conditions obscures. A cela s’ajoutent les massacres à grande échelle avec leurs charniers et leurs fosses communes commis à l’endroit de civils dans différentes localités du sud de la Mauritanie notamment. Ce travail complexe a de forte de chance de produire les résultats auxquels les familles des disparues espèrent voir se réaliser s’il n’est pas conduit avec méthode et sérieux. (A suivre …)

Cheikh Tidiane Dia

Source  :  Le Rénovateur le 22/05/2011

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