Élections estudiantines : Les syndicats prônent l’apaisement

Les syndicats estudiantins s’insurgent contre la coloration ethnique donnée aux heurts qui les ont opposés mercredi suite à l’organisation contestée de l’élection pour le choix de leurs représentants.

 

 

Ils prônent aujourd’hui la retenue et exhortent les politiques à rester hors du champ universitaire. De son côté, l’Administration aurait décidé de suspendre temporairement les cours.

Théâtre de violents heurts opposants les étudiants, mercredi, sur fonds de contestation du déroulement du scrutin devant conduire à l’élection de leurs représentants, l’université accapare aujourd’hui l’attention avec la décision de l’Administration universitaire de suspension des cours jusqu’au début du mois de mai prochain.
Il n’en fallait pas plus pour que les politiques s’en saisissent. Pour les centrales syndicales, il va de l’intérêt de l’Administration et de certains partis politiques de présenter de tels événements sous le clivage ethnique. Mais il n’en serait rien, selon celles que nous avons contactées.

Les ingrédients perceptibles depuis le départ

Pour l’heure, les différents syndicats font le bilan d’une élection largement décriée par tous et dont les résultats ne peuvent être crédibles, à leurs yeux. D’ailleurs, toutes les centrales syndicales, exceptée l’Unem, disent rejeter les résultats éventuels. Mais si les étudiants de l’Université de Nouakchott, toutes tendances confondues, s’accordent sur une chose aujourd’hui, c’est que l’origine des heurts de mercredi n’avaient, au départ, aucune connotation raciale. Alors comment en est-on arrivé là?
Les centrales syndicales sont aussi d’accords sur deux faits pour expliquer l’échec de l’organisation d’une élection transparente. Le premier semble être la mauvaise préparation matérielle de cette consultation (affinement des listes électorales, délivrance des cartes d’étudiants ; bulletin de vote); une réalité que les étudiants qualifient «d’improvisation» doublée du retard de réactivité de l’Administration en charge de l’organisation de cette élection, dès les premiers accrocs entre étudiants, au sujet de la situation dans quatre bureaux de vote à la Faculté des sciences juridiques et économiques, déjà indexée de parti pris au profit de l’Unem (proche des Islamistes), pendant la campagne électorale estudiantine. Certains syndicats, comme la Coalition composée de trois centrales syndicales ((Chouala, Union Libre et Al Badil), n’hésitent pas à accuser les premiers responsables des facultés des sciences économiques et juridiques et ceux de la faculté de Lettres, de prendre directement fait et cause au profit de l’Unem. Il y a enfin un autre effet attisant les incompréhensions entre les étudiants et qui se manifeste par l’intrusion de partis lorgnant des ressorts politiques dans la communauté estudiantine mais aussi le rôle de certains médias qui leur sont affiliés.

Tripatouillage à la fac des sciences juridiques, la goutte qui fait déborder le vase !
Majoritaire lors de la dernière consultation, il y a maintenant deux ans, et l’une des centrales impliquées dans les échauffourées de mercredi, l’Unem rejette toute responsabilité dans le clash interuniversitaire de mercredi. Pourtant accusée de bénéficier de complicité des plus hauts responsables au sein de certaines facultés, elle nie tout en bloc et prétend qu’elle reste l’organisation la plus crédible. Elle fait porter les accusations d’échec sur l’Administration et son incapacité à gérer l’élection. Pour son secrétaire général, Ould Abidine : « nous ne sommes pas responsables de ces heurts. Nous le regrettons profondément» assure-t-il évoquant les incidents entre étudiants.
Pour le porte-parole du Syndicat national des étudiants mauritaniens (Snem, représentant largement les négro-mauritaniens), N’Diaye Kane Sarr, «c’est le contexte de fraude massive et flagrant à la faculté des sciences juridiques et économiques » qui fut le détonateur. Pour lui, les protestations faites contre une telle fraude n’ont pas été entendues par les organisateurs, continuant de fermer l’œil sur les dépassements dans les quatre bureaux de vote de la fac. Le même fait est aussi dénoncé samedi, lors d’une conférence de presse de la Coalition de trois centrales syndicales (Coalition pour l’Unité des Etudiants) engagées dans ces élections. La Coalition est revenue sur les conditions techniques d’organisation de ce scrutin et ce qu’elle dit noter comme violation du principe de la transparence électorale. A qui devait profiter le bourrage? Pour les deux adversaires de l’Unem, c’est cette dernière qui en tirerait profit. La Fac de droit, celle des Lettres et de la médecine sont citées parmi les facultés où l’élection est particulièrement contestée. Pour les réfracteurs de l’Unem, il y a eu «détournement de votes». Sur les quatre facs (Faculté de Lettres et Sciences Humaines, Faculté des Sciences Juridiques et Economiques, Faculté des Sciences et Techniques, Faculté de Médecine), seule la faculté des sciences et techniques ne semble pas prise dans cet engrenage de contestation. Mais la Coalition semble encore plus incisive quand il s’agit d’expliquer les raisons qui ont fait que l’élection ait dégénéré. Elle indexe notamment le rôle joué par les commissions départementales et les doyens des facs des sciences juridiques ainsi que celui de la fac de Lettres qui ne cacheraient pas leur soutien à l’Unem, d’obédience islamiste.

Il faut appeler un chat, un chat !
Mais après les heurts et les arrestations des étudiants, l’ambiance est l’apaisement. Pour le Snem, comme l’Unem ainsi que la Coalition pour l’Unité des Étudiants, il faut favoriser la concertation et le dialogue. Néanmoins, pour les animateurs de la Coalition des trois centrales syndicales, dans un communiqué publié lors de leur conférence de presse, le parti «Tawassoul» et « ses médias» ainsi que « l’Administration » sont responsables et directement impliqués dans la tournure prise mercredi par les événements. Le Snem pour sa part indique qu’il refuse toute récupération politique de ces heurts alors que l’Unem accuse des «milieux étrangers » à l’université, sans toutefois les nommer, en dépit de notre insistance. Pour le Snem et la Coalition, la concurrence entre les protagonistes devrait rester « loyale » et ils disent s’insurger contre la récupération politique de tels événements mais ils continuer de réaffirmer leur dénonciation de la tentative de «tripatouillage et de bourrage massif des urnes» accusant les responsables de la Commission d’organisation et l’Administration de l’Université de «versatilité » et de soupçon de «compromission» dans une élection spécifique aux étudiants au profit d’un des protagonistes (Unem). Pour eux, comme pour l’Unem, d’ailleurs, loin donc de constituer des heurts ethniques, comme le proposent certains médias, la raison de ces événements tient essentiellement au manque de transparence dans une consultation électorale estudiantine. Une élection dont les enjeux restent politiques pour certaines formations. Néanmoins ; la tension palpable, après ce scrutin dénoncé, semble céder le pas à la raison. N’Diaye Kane Sarr du Snem estime que l’intérêt des étudiants est de dépasser ces clivages. Il appelle à la retenue pour qu’enfin les étudiants retrouvent le chemin de l’Université. Le même sentiment est partagé par les autres centrales qui appellent à faire prévaloir la concertation et le dialogue pour donner de l’Université l’image d’un lieu de rencontre, de tolérance et de culture. Pour autant, les deux centrales en course contre l’Unem exhortent les partis politiques à s’éloigner du champ universitaire afin d’éviter d’envenimer une situation déjà sensible.
Rappelons enfin que 17 milles étudiants sont inscrits à l’université et qu’ils devaient élire et leur représentant au conseil d’Administration ainsi que quatre de leurs délégués et leurs suppléants au niveau des quatre facultés. Une campagne électorale avait été ouverte du 12 au 19 avril, à cet effet. Toutes les centrales appellent, enfin, à libérer les étudiants détenus par la police.
 

JD

Source  :  Le Quotidien de Nouakchott le 24/04/2011

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