Nouvelles d’ailleurs: Hypocrisies…

Naha mint Mouknass en compagnie de l'ancien ministre libyen des affaires étrangères Moussa KoussaEt voilà! On s’ennuyait ferme, à NKTT Plage. Comme d’hab, me direz vous. Mais je pense que, dans notre sublissime capitale des mondes connus et inconnus, on s’ennuie de façon bien particulière. Je mets au défi quiconque de me trouver un autre bled où l’ennui est, à ce point, institutionnalisé.

Nous, on s’ennuie avec art. Certains tentent de nous copier mais leur ennui n’arrive pas à la cheville du notre.
Bref, on s’em… à 100 UM l’heure. De temps à autre, on fait la pause clope et thé et l’on retrouve un petit peu d’animation. On papote, comme de vrais Nous Z’Autres: salutations, re-salutations, petits réajustements de vêtements, grattage de gorge, puis passage aux choses sérieuses.  Pendant la pause-coupure d’ennui, on fait dans la conversation typique du moment: la dureté de nos vies de bédouins rectifiés, tout va mal (wallahi!), les prix sont trop hauts (wallahi!), l’essence coûte les yeux des voitures (re-wallahi!), y’a pas d’argent (wallahi! wallahi!), tout est bloqué (wallaaaaaaaaaaaaahi !), y’a pas  de travail (re-re-wallahi), fait trop chaud, fait trop froid, etc. Passés les trois verres de thé, chacun range ses récriminations dans ses poches et retourne s’ennuyer, attendant, avec fatalisme, la nouvelle pause blabla.

C’est ainsi, chez les Nous Z’Autres : on s’ennuie, on pause, on se re-ennuie, et l’on re-pause. Bref, c’est la vie merveilleuse des Mauritaniens réunifiés et rectifiés. Et révolutionnaires de la première heure, ne l’oublions pas.

Depuis quelques jours, un évènement de renommée internationale est venu, à notre grand soulagement, rompre toute cette belle monotonie. Je ne parle pas de la joyeuse sauterie, entre maires francophones, réunis chez les Nous Z’Autres, le temps de quelques vacances. Non, je parle du limogeage du mois passé, le seul, l’unique, celui de notre MAEC. Les limogeages, on est habitué: à chaque conseil des ministres – potentiellement futurs ex, au rythme où vont les grandes lessives – on regarde qui est envoyé dans la grande charrette des condamnés à la disgrâce royale et l’on commère à la pause-ennui-thé-m’burru/beurre-thiaffs.

Mais ce limogeage-là comporte une particularité qui a déclenché, contre toute attente, des commérages à la hauteur de la féminité de la dame éconduite: grandioses. Et nous voilà embarqués dans un feuilleton romantico-politique, sur fond de crise libyenne. La dame est accusée de tout et on a tous les ingrédients d’un film d’espionnage: vrai-faux passeport diplomatique, amours avec un libyen, simple fait d’être une femme dont la nomination avait déclenché l’ire de certains «islamistes»…

NKTT adore le croustillant et quand les sentiments se mêlent à la politique, rien de plus jouissif, pour nos blablateurs qui s’en donnent à cœur joie. La presse électronique s’est emparée de «l’Affaire» et voilà Naha insultée, traînée dans la boue, quasiment traitée de putain de la République. Un site  a, même et sans vérifier la source ni la véracité des assertions, publié un soit disant témoignage des services de renseignements français où Naha serait au cœur d’un roman d’espionnage. Mais vu que ce site est habitué de la chose, personne n’a bronché et tout le monde, partant du principe que, puisque que le site francophone en question l’a publié, c’est donc vrai (ça, c’est la théorie des petits beurre,  avec ses quatre coins fameux).

Il paraît que nous aimons les femmes. Et, vu le nombre de «cavaleurs» incapables de tenir leur seroual, c’est sûrement vrai. Même si l’amour que nos hommes éprouvent, pour tout ce qui est féminin, ne s’arrête, souvent, qu’à l’assouvissement de fantasmes extra-conjugaux, c’est de l’amour, quand même, pour ces mâles coqs de village et volages, par atavisme. Ce serait trop long d’aller leur expliquer que l’amour, c’est autre chose.

Bref, voilà tous nos moralisateurs vrombrissant, comme des mouches sur une m… de chameau. La vie de Naha est passée au crible, on gausse ses amours, on gausse son talent; voilà une femme, devenue ex, qui a tenté de mener, malgré tout, une politique extérieure qui ne brille pas par sa lisibilité: une fois, notre sultan va  caresser Chavez; une fois, il fait des ronds de jambes chez Sarko; une autre fois, il se fâche avec la sous-région; entre cela, il fait un tour, à l’intérieur du pays, puis s’envole, pour Abidjan, afin de jouer au roi Salomon, une autre fois – tout cela en même temps : n’oubliez jamais, notre sultan est superman, il peut tout –  il s’occupe de trouver une solution à la crise libyenne, fait l’ouverture de la TVM, etc.

Et le Nous Z’Autres de base, s’il aime les femmes – la sienne et ses multiples bureaux – rappelle, quand même, qu’en politique, le défaut premier est d’être femme. Malgré tous les discours et les bonnes intentions. Et quand on est une femme, on est, obligatoirement, accusée de sombres et louches affaires de sexe. N’a-t-on pas dit que Naha avait couché avec notre sultan? Et, pour faire bonne mesure, on lui rajoute d’autres liaisons, bien croustillantes; car le sexe, sans croustillant, c’est triste…

C’est Françoise Giraud, je crois, qui disait qu’une société parviendra à l’égalité hommes/femmes le jour où l’on nommera autant de femmes incompétentes qu’on nomme d’hommes incompétents. Alors je remercie Naha qui, par son limogeage, vient de nous rappeler que nous sommes une société de ragots, de rumeurs, de cancans abjects; une société qui a fait, de ses femmes, des putains de la République, pour pouvoir vomir toutes ses hypocrisies. Que la rumeur ne  demande pas à un ministre ou à un président des comptes sur ses innombrables maîtresses: être homme protège; que naître femme, dans ce magnifique pays, est une tare; qu’une femme transporte, avec elle, un pseudo indélébile péché originel.

L’affaire Naha révèle ce que je déteste par-dessus tout, chez les Nous Z’Autres rois du monde: nous sommes hypocrites. Nous sommes une société où tout se fait et qui, pour faire semblant, crache sur ses femmes, simplement parce qu’une femme n’est pas considérée comme un être humain à part entière.

Nous sommes toutes des Naha. Salut,

Mariem mint DERWICH pour Le Calame

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