L’occasion ratée d’Israël face aux révolutions arabes

D’un côté la joie, de l’autre le sang et les larmes.

 

Une semaine après le départ de Moubarak, des centaines de milliers de manifestants sont revenus hier place Tahrir au Caire pour fêter la chute de son régime et maintenir la pression sur l’armée qui a pris les rênes du pouvoir, afin qu’elle libère les détenus et assure de vraies réformes démocratiques. A Bahreïn, l’armée a tiré hier sur un millier de personnes qui voulaient reprendre un sit-in à Manama, alors que le sinistre colonel Kadhafi qui promettait une riposte « foudroyante » a déjà fait au moins 28 morts depuis mardi. Partout la vague née en Tunisie se transforme en Tsunami mais avec des différences notables, car les répercussions de la révolution de Jasmin auront moins d’impact international que celle de l’Egypte qui reste au centre de l’équilibre guerre-paix au Moyen-Orient.


Hier , l’Egypte a autorisé à la surprise générale deux navires de guerre iraniens à emprunter le canal de Suez

Hier, l’Egypte qui avait renouvelé son accord aux traités de paix qui, tant bien que mal, sont à l’origine de l’équilibre de la région, a autorisé à la surprise générale deux navires de guerre iraniens à emprunter le canal de Suez, a rapporté l’agence de presse officielle égyptienne Mena, une décision qui constitue une première depuis 1979, et qu’Israël a justement qualifiée de « provocation ». On entre ainsi dans une autre phase où les considérations stratégiques, la sécurité d’Israël sont décisives. Mais à la radio israélienne, on entendra le général de réserve Yaakov Amidror, expert en renseignements militaires, dire que ces bâtiments ne constituent pas des menaces pour Israël car en Méditerranée, de très gros porte-avions battant pavillon américain circulent également. Même si des experts du Proche-Orient affirment qu’un affrontement immédiat est improbable, il n’en demeure pas moins que l’Iran donne ainsi un message politique de grande facture, affirmant désormais sa présence militaire.

Israël affirmant être « la seule démocratie du Moyen-Orient », on aurait pu  penser que l’évolution du plus grand pays arabe vers la démocratie aurait dû combler de joie son voisin hébreu

On peut néanmoins s’interroger si Israël ne vient pas de rater une occasion historique, même s’il n’est jamais trop tard. Certes, à force de répéter qu’Israël est « la seule démocratie du Moyen-Orient » aurait pu faire penser que l’évolution du plus grand pays arabe vers la démocratie aurait dû combler de joie son voisin hébreu. C’est le contraire qui s’est passé, même si le vice-Premier ministre israélien Dan Meridor a appelé jeudi les Palestiniens à reprendre les négociations de paix directes avec Israël, gelées depuis septembre : « Nous avons besoin de nous asseoir à une table pour régler les problèmes en suspens. Le paradigme est clair avec deux Etats. Les questions dont nous devons débattre sont claires: les réfugiés, Jérusalem, la sécurité », a détaillé le responsable israélien. Les négociations sont dans l’impasse depuis septembre en raison de la poursuite de la colonisation israélienne en Cisjordanie et dans la partie arabe de Jérusalem après la fin d’un moratoire de dix mois. Invité à commenter le soulèvement populaire en Egypte,  Meridor s’est félicité que « les slogans proviennent de dictionnaires occidentaux et non de dictionnaires islamiques. C’est prometteur. La première phase est terminée. Nous allons voir comme elle va se traduire en une Egypte démocratique. »

On est loin du discours du Caire où Obama soulignait que la «seule solution» au conflit avec Israël résidait dans celle prévoyant deux Etats

Mais, choisissant délibérément une autre voie, celle de la poursuite de la colonisation, le premier Ministre israélien a fait pression sur Obama pour qu’il modère ses interventions en faveur du départ de Moubarak. « L’administration américaine via son ambassadeur aux Nations Unies a fait une proposition à l’ambassadeur de la Palestine et au groupe arabe pour nous dissuader de demander au Conseil de sécurité de condamner et d’exiger l’arrêt de la colonisation israélienne des territoires palestiniens, en particulier à Jérusalem-Est », a déclaré M. Maliki, précisant que cette offre avait été refusée, malgré les menaces explicites de l’administration américaine : « Si l’administration américaine veut utiliser son droit de veto, qu’elle l’utilise », a déclaré à l’AFP Saleh Rafat, membre du comité exécutif de l’OLP. On est loin du discours du Caire où Obama affirmait qu’il soutenait les aspirations «légitimes» des Palestiniens à un Etat, soulignant que la «seule solution» au conflit avec Israël résidait dans celle prévoyant deux Etats. «On doit retrouver la paix sur la Terre sainte des trois grandes religions». Encore une occasion ratée!

Jean Marcel Bouguereau

Source  :  Le Nouvel Observateur (Blog) le 18/02/2011

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page