Meetings et marches de la majorité et de l’opposition: Les élections en ligne de mire

Décidées à occuper le terrain,  la Coalition des Partis de la Majorité (CPM) et la Coordination de l’Opposition Démocratiques (COD) ont entamé l’année électorale 2011 – législatives et municipales prévues en novembre – sur les chapeaux de roue.

 

A 24 heures d’intervalle, les mercredi 12 et jeudi 13 janvier,  Nouakchott a vécu au rythme des meetings des soutiens de Mohamed Ould Abdel Aziz, à Arafat, et des partisans de l’opposition, à proximité de la mosquée Ibn Abass. Les premiers, dopés par de récents succès – arrivées, dans leurs rangs, du Pacte National pour la Démocratie et le Développement (PNDD-ADIL) et de l’Alliance pour la Justice et la Démocratie/Mouvement pour la Réconciliation (AJD/MR) – ont salué et magnifié l’œuvre  accomplie par le pouvoir né du changement anticonstitutionnel du 6 août 2008, suivi de l’élection présidentielle 2009. Tandis que leurs contradicteurs  ont dénoncé la  mauvaise gestion, la gabegie et la hausse des prix des denrées de base, qui «conduisent, tout droit, la Mauritanie, vers le précipice et la famine».

Mais les deux camps semblent maintenir, également, le cap sur un dialogue politique national, probablement instruits, en cela, par les événements en  cours dans la sous-région maghrébine. Avec la bourrasque de la formidable contestation sociale et politique qui vient de balayer la dictature de Zine Abidine Ben Ali, après 23 années d’une chape de plomb, sur le peuple tunisien, et la poussée d’une rue algérienne, susceptible de «dégénérer» à tout moment.

Aziz le sauveur
Lors du meeting d’Arafat, les différents orateurs ont parlé d’une «renaissance économique et sociale» au-delà de tous les espoirs et de toutes les prévisions, dont le point de départ fut la date «providentielle» du 18 juillet 2009. Occasion, bien évidemment, de décocher quelques flèches empoisonnées à l’encontre d’une opposition «qui continue à minimiser et à nier» toutes les réalisations du pouvoir au (grand) bénéfice du peuple mauritanien, notamment dans le domaine de la lutte contre la gabegie et la construction d’infrastructures.
Mohamed Yahya Ould Horma, vice-président de l’Union Pour la République (UPR), fille du putsch de 2008 et principale formation de la majorité, a évoqué la «philosophie» de Mohamed Ould Abdel Aziz, dont l’objectif est l’édification d’un Etat moderne, à travers une «économie forte», grâce à la «lutte contre la gabegie» et, donc, l’utilisation «rationnelle» des ressources publiques. Ce haut responsable de la locomotive de la majorité a, également, parlé de la mise en place des conditions et mécanismes pour l’établissement d’un «débat national», sous l’égide du dialogue, entre le pouvoir et l’opposition.
Autre orateur au cours du meeting du 12 janvier, le président du Mouvement Pour la Refondation (MPR), le député  Kane Hamidou Baba qui a mis en évidence «le bon rythme  de réalisation» des différents points du programme politique, économique et social du président Mohamed Ould Abdel Aziz.  Une nouvelle orientation à travers laquelle la Mauritanie devrait réaliser d’importants progrès vers le statut de «nation prospère», comparativement aux autres pays de la sous-région.
 Troisième personnalité à s’exprimer, au cours de la rentrée politique 2011 de la majorité, Omar Ould Maatala, secrétaire général de l’UPR et néo-ministre délégué, chargé de l’enseignement secondaire. Il invite l’opposition à reconnaître que le président Mohamed Ould Abdel Aziz mène un véritable combat contre la gabegie. Sur le plan politique, il met l’accent sur la nécessité d’une configuration, claire et lisible, de l’arène nationale, avec une majorité, dans le rôle de gouvernant, et une minorité, en posture d’opposition, «qui critique et assume sa vocation à servir de contre-pouvoir».
Mais, de toutes ces interventions, une seule aura, vraiment, retenu l’attention du public: celle de Mintata Mint Hedeid, secrétaire générale du Parti Républicain pour la Démocratie et le Renouveau (PRDR), ex-parti/Etat, qui commet un gros lapsus, en prononçant le nom de l’ancien roi, Maaouya Ould Sid’Ahmed Taya, à la place du nouveau, Mohamed Ould Abdel Aziz. Psychanalystes, à vos interprétations.

Parfait contre-pied de l’opposition
Le lendemain, jeudi 13 janvier, la COD entre en lice. Le collectif de l’opposition organise une marche. Partie du carrefour de la BMD, elle se termine par un meeting près de la mosquée Ibn Abass. Une manifestation au cours de laquelle les différents responsables des partis politiques de l’opposition ont, tous, dénoncé la mauvaise gouvernance et le pouvoir personnel, synonyme d’absence de contrôle et de gabegie. Une situation aggravée par la hausse, continue, des prix des denrées de base, la détérioration du pouvoir d’achat et de gros risques de «famine». Egalement au centre des discours de ces opposants, l’opération de restructuration des quartiers précaires de Nouakchott qui inquiètent plus d’un.
Intervention,  remarquée, de Messaoud Ould Boulkheir, leader de l’Alliance Populaire Progressiste (APP) et président de l’Assemblée nationale,  qui qualifie, avec sa verve habituelle, de «théâtre», le meeting de la CPM de la veille, accusant ses adversaires d’avoir versé dans la calomnie. Maître Mahfoudh  Ould Bettah, président du Parti de la Convergence Démocratique Nationale (CDN), ancien ministre de la Justice, a, pour sa part, émis des doutes sur la «sincérité» des slogans de la Mauritanie «nouvelle» et  la volonté de lutte contre la gabegie, de la part du pouvoir. En définitive, un contre-pied parfait, effectué par les partis de la COD, en réponse aux prétentions de bonne gouvernance et d’assainissement de l’économie, soutenues par les partisans du président Mohamed Ould Abdel Aziz.

Au-delà de la virulence des mots
Toutefois, malgré ce début d’année marqué par la vivacité de la polémique, déjà enclenchée à l’occasion de la présentation, devant le Parlement, de la Déclaration de Politique Générale (DPG) du Premier ministre, Moulaye Ould Mohamed Laghdaf, l’opposition et le pouvoir maintiennent, encore, l’option du dialogue. Cela conformément à l’appel, lancé par le président de la République, dans son message à la Nation, le 27 novembre 2010, veille de la célébration du cinquantenaire de l’indépendance nationale.
Une avancée importante, sur cette voie, a été notée, début janvier, lorsque le chef de l’Etat a appelé le patron de l’APP et réitéré sa proposition. L’étape suivante devrait être une réunion des présidents du collectif de l’opposition, pour décrypter et  apprécier les nouvelles conditions suscitées par le nouveau message de Mohamed Ould Abdel Aziz. Ce qui devrait, en principe, permettre à l’opposition d’aborder le dialogue en rang serré.
Un exercice dont la toile de fond devrait, logiquement, se tisser autour de la transparence et la régularité  des élections législatives et municipales de novembre 2011, ainsi que sur quelques autres sujets d’intérêt national, comme le pouvoir d’achat des plus pauvres.
C’est dire qu’au-delà de la polémique habituelle, basée sur les thèses de  la bonne gouvernance du pouvoir actuel, défendue par la CPM, et la pire forme de gabegie, dénoncée par l’opposition, il y a possibilité de trouver un terrain d’entente, sur certains sujets: bonne préparation des échéances électorales, approfondissement de la démocratie par la consolidation des institutions. Serait-ce suffisant pour remettre, à sa place, un homme ayant l’illusion de contrôler tout, dans une république sans débat, et lui épargner, ainsi, le triste jour où il aurait à se rendre compte, trop tardivement, de son erreur d’appréciation?

Amadou Seck

Source  :  Le Calame le 19/01/2011

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