Samory Ould Beye au Quotidien de Nouakchott : « Personne au parti ne réclame le départ de Samory sauf peut être MESSAOUD et les arrivistes opportunistes qui l’entourent »

samoryL’ APP que dirige Messaoud Ould Boulkheïr est dans la tourmente. Depuis plus d’un an rien ne va plus entre le leader du parti et président de l’assemblée nationale et son compagnon de lutte, M Samory Ould Beye secrétaire général de la CLTM.

Même si le divorce entre les deux hommes n’est pas encore à l’ordre du jour, en tout cas au train où vont les choses, le risque est réel. Pour tenter de comprendre ce qui ne va pas, nous avons contacté Samory Ould Beye qui a accepté de parler sans détour de son différend avec messaoud Ould Boulkheir. Entretien

Quotidien De Nouakchott : L’Alliance populaire progressiste est en ébullition. Les instances du parti, relayées par militantes vous indexent comme étant un fauteur de troubles, par des accusations de dénigrement à l’endroit de Messaoud Ould Boulkheïr et de division du parti. En conséquence, sans le dire officiellement, il vous est demandé de quitter le parti et d’aller chercher ailleurs. Qu’en est-il de vos démêlées avec l’APP et principalement Messaoud Ould Boulkheir ?
Samory Ould Beye : A ce jour aucune instance du parti ne m’a accusé de fauteur de trouble ou de quoi que ce soit. Ce qu’il y a en fait, est que MESSAOUD OULD BOULKHEIR, n’ayant pas trouvé les moyens de se débarrasser de ses amis et compagnons de lutte -qui pour lui deviennent trop encombrant-, a fait recours à certaines pratiques antidémocratiques consistant à pousser des personnes de son entourage proche ou de sa famille pour écrire des tracts dans lesquels je suis dénigré de la manière la plus dédaigneuse.
Moi je n’ai jamais dénigré ou parlé du mauvais de MESSAOUD et je n’ai jamais mené une quelconque action de sape contre le parti ou ses dirigeants. Mais tous me connaissent pour ma fidélité et mon engagement pour les causes défendues par le parti, tous me connaissent également pour mes sacrifices et mes rôles au service du parti et des causes justes dans les situations difficiles.
Personne au parti ne réclame le départ de Samory sauf peut être MESSAOUD et les arrivistes opportunistes qui l’entourent. Pourtant Samory n’a rien fait qui puisse susciter cette attitude belliqueuse à mon endroit, tout ce que j’ai fait c’est d’exprimer une opinion et des idées, dans un contexte national d’ère démocratique où la liberté d’expression est un des droits garantis par la constitution et, le parti APP devrait être une institution où la critique et l’autocritique ainsi que les pratiques démocratiques sont instaurées en son sein car j’estime que le temps des dictatures est totalement révolu.
A en juger vos déclarations par voie de presse, la question haratine et surtout de l’esclavage vous tient à cœur et paraît être l’essentiel de votre combat en ce moment. Pourquoi autant de rancoeurs en ce moment ? Que reprochez-vous au pouvoir de Mohamed Ould Abdel Aziz ?
Vous avez parfaitement raison en jugeant mes déclarations ; on constate que je me focalise sur la question des haratines depuis un certain temps, s’est bien vrai et la raison c’est qu’il s’agit de ma raison d’être, de ma cause, des droits de ma communauté victime de l’injustice, de discrimination et de l’humiliation collective, ce combat et cette lutte pour les droits des haratines ne constituent pas de rancœur mais une action qui vise la libération, l’émancipation et le recouvrement des droits des hommes assujettis à l’esclavage, à l’exploitation et l’indécence par la volonté d’autres hommes qui n’aspires qu’a s’accaparer de tout sans partage.
Cette situation lamentable de la communauté haratine est une situation qui appelle à la conscience de toutes les bonnes volontés et personnes éprises de paix et de justice d’intervenir en faveur des haratines de Mauritanie victimes du système esclavagiste maure, ce même appelle je lance de nouveau au Secrétaire Général des NATIONS UNIES et à l’UNION EUROPEENNE pour aider les haratines à sortir de ce calvaire mortelle.
Je ne peux m’empêcher de déplorer au passage que certains compagnons de lutte qui portaient hier haut le flambeau, brandissent aujourd’hui le drapeau blanc et tournent leurs armes de combat contre leurs amis de parcours.
Ce que je rapproche au pouvoir de MOHAMED OULD ABDEL AZIZ c’est sa continuité des pouvoirs maures qui se sont succédés. Il est aujourd’hui un des défenseurs du système esclavagiste BEIDHANE, je n’espère rien de lui pour résoudre le problème des haratines. J’estime personnellement que seule la lutte apportera la solution adéquate compte tenu de tout ce qui a été fait depuis ces trois dernières décennies comme action politique apaisée, en vue de dissuader les tenants du pouvoir à rectifier les choses mais en vain. On continue toujours dans le mutisme.

Messaoud Ould Boulkheïr ne serait-il plus pour vous, l’icône de la contestation haratine ?
MESSAOUD peut être qu’il constitue toujours une icône pour certains haratines pour une raison ou une autre mais pas pour la contestation ou la défense des droits des haratines.

Vrai ou faux, pensez-vous comme tant d’autres dans votre sillage, qu’il a fait son temps et qu’il doit céder la place aux jeunes loups pour faire avancer la cause haratine ?
Je dirais seulement qu’il a, selon lui-même, une nouvelle vision qui est celle de jouer un autre rôle de (dimension nationale) tel que la lutte contre le terrorisme, les anti-arabismes et les antiesclavagistes qu’il considère comme des extrémistes et des sectaires.

Estimez-vous compatible votre statut de politicien avec celui de syndicaliste puisque si nous remontons loin les souvenirs, vous aviez démissionné de vos fonctions à l’APP pour vous mettre à distance de la politique ?
Le syndicalisme à travers l’histoire a toujours été compatible avec la politique que ça soit en Afrique, en Europe ou ailleurs, constituant un fer de lance pour toutes les luttes des causes justes, les droits fondamentaux des peuples. Le mouvement ouvrier a de tout temps occupé les premières lignes pour combattre les dictatures, le fascisme et les pouvoirs antidémocratiques et antinationaux et défendre les intérêts des peuples et des groupes opprimés. Dans ce cas, SAMORY n’est pas sorti de la règle. J’ajoute que ce droit est garanti par la déclaration universelle des droits de l’homme et la charte de L’OIT. Je n’ai jamais démissionné de mes fonctions au sein du parti et je n’ai pas l’intention de le faire j’entends défendre mes idées et mes positions de principes en toute liberté.

Le président de l’Ira est en prison où il séjourne en attendant son procès. Quel commentaire faites-vous de sa situation et de son combat politique ?

5) Oui le président de L’IRA BIRAME OULD ABEID est en prison, mon commentaire est qu’il s’agit de l’injustice qui frappe durement les haratines de Mauritanie. Monsieur BIRAME est emprisonné parce qu’il dénonce cette injustice, parce qu’il a osé affronter les réalités et appelé un chat, chat. Nous disons au régime d’élargir ses prisons car les haratines ne vont pas se taire sur leurs conditions et lutteront étant entendu que ce n’est pas la prison qui va les intimider ou empêcher de continuer leur lutte en vue de recouvrer leurs droits, tous leurs droits.
Je demande à ce qu’il soit libéré dans le meilleur délai comme je demande aux haratines de se mobiliser pour défendre leur juste cause en vue de vivre libre et digne dans un environnement propice à leur promotion et au recouvrement de leurs droits fondamentaux usurpés.

Sur un tout autre chapitre, parlons du foncier. L’agrobusiness prend pied en Mauritanie. Au Sud du pays d’importantes terres agricoles au Trarza, Brakna, Gorgol vont être cédées à des investisseurs étrangers. Qu’en pensez-vous ?

Je pense qu’il s’agit d’une situation inquiétante et très grave car la terre c’est le tout pour un peuple, pour un groupe de personnes ; la perdre c’est perdre ses racines et perdre ses racines c’est perdre la vie. Aujourd’hui c’est la terre qu’on arrache aux populations propriétaires. Demain ce serait leurs enfants qu’on arrachera pour faire travailler dans l’exploitation de cette même terre dans les formes de l’esclavage moderne, tout cela prouve que le système esclavagiste constitue un danger et une menace à la cohésion nationale.

Par ailleurs, on assiste à une flambée des prix sur l’ensemble du territoire national. Qu’en pense la CLTM que vous dirigez ? Est-ce normal ou non ?
Cette flambée des prix n’est que la conséquence logique d’une politique du mutisme dans la pratique de la gabegie et d’inconséquence dans les options et la gestion. En ce qui nous concerne, la CLTM, dans une action en synergie avec la CGTM et la CNTM ont produit une déclaration commune pour sonner l’alarme et attirer l’attention des autorités sur la gravité de la situation socioéconomique. Auparavant nous avions par une autre démarche, saisi le gouvernement pour insister sur la nécessiter de convoquer les partenaires sociaux à l’effet de discuter de cette situation critique, vous vous en souvenez de la grève réussie que nos organisations ont organisé l’année dernière, dans le secteur public mais en dépit de tout cela, le gouvernement semble inflexible. La CLTM étudie actuellement la réponse à donner pour faire face à ce grave problème, accentué par la compression des droits des travailleurs et les arriérés de salaires qui, aujourd’hui, rendent la situation intenable pour les travailleurs.
Propos recueillis par Moussa Diop

Le Quotidien de Nouakchott

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