Parlement:Deux dames en face-à-face

kadjata_diallo_matty-hamadyD’un côté, il y a Matty Mint Hamady, ministre de la Fonction publique qui est venue dans les locaux de l’hémicycle afin de répondre à une question orale. De l’autre côté, il y a la députée de l’UFP, Kadjata Malik Diallo, une dame qui prend au sérieux sa fonction d’élue, qui fouille tous les dossiers du gouvernement et qui réussit réellement de faire la différence.

 

Nous vous proposons l’intervention qu’elle a faite pendant la plénière au cours de laquelle sa question a été traitée :

Madame la ministre, nous venons de commémorer le cinquantenaire de notre indépendance nationale et ce fut le moment des grands bilans ; moi je voudrai ici aborder ces bilans sous l’angle des agents retraités de l’Etat. Ceux-là qui justement furent les grands témoins de ce demi-siècle d’existence et qui ont certainement contribué à faire de la Mauritanie ce qu’elle est aujourd’hui.
Avant de parler de la question des pensions je dois signaler au passage que les fonctionnaires en activités vivent aujourd’hui des situations aussi dégradantes que celles des retraités. Tout le monde sait que le personnel de la fonction publique (instituteur, infirmier etc.) vivait de manière décente dans les années 1960-1970 alors qu’aujourd’hui le fonctionnaire le mieux payé n’arrive pas à « joindre les deux bouts », que dire donc des retraités ? Des retraités qui sont aujourd’hui à un nombre assez important (un peu plus de 18.000). Aller à la retraite dans notre pays c’est entrer dans la précarité (voyez ces pauvres retraités enseignants ou personnel de la santé qui sont obligés de reprendre une vie active dans le secteur privé), alors qu’ailleurs dans le monde aller à la retraite c’est pouvoir enfin goûter à la vie, s’occuper de ses petits enfants ou s’adonner à des œuvres humanitaires bénévoles…
Le problème n’est pas seulement la faiblesse de leurs revenus mais beaucoup se plaignent de leurs traitements inéquitables.

1. Problématique : point d’indice, assiette des cotisations et absence de seuil minimum pour les pensions
1.1-Le point d’indice
–  La valeur du point d’indice       de 1970 à décembre 2005 était de 187
–  La valeur du point d’indice       de janvier 2006 à décembre 2006 était de 326
–   La valeur du point d’indice       de janvier 2007 à juin 2008 était de 434
–   Et depuis le 1er juillet 2008, il est de 477
Or la pension de retraite se calcule proportionnellement au point d’indice.
Tous les fonctionnaires admis à faire valoir leur droit à la retraite avant décembre 2005, conservent toujours le point d’indice 187 alors qu’il est maintenant à 477.

Comparaison : des retraités à l’indice 470 ayant effectué le même nombre d’années de service

 

Comparaison : des retraités à l’indice 1100 ayant effectué le même nombre d’années de service

Poursuivons les comparaisons : 
Un garde retraité en 2004 à l’indice 310 avec 27 ans de service :     Pension mensuelle 14.506
Un garde retraité en 2009 à l’indice 31O avec 27 ans de service :   Pension mensuelle 17.986
Soit une différence de 3480 mensuelle.

1.2-L’assiette de cotisation
La pension de retraite se calcule par rapport au salaire de base (indiciaire) (versement 6 % par le fonctionnaire et 12% par l’Etat). Il y a eu plusieurs augmentations (on attend la 10ème peut-être cette année), mais elles sont pratiquement sans effet sur les pensions parce que non intégrées au salaire de base. C’est une pratique d’ailleurs illégale .On refuse d’associer le conseil supérieur de la fonction publique et de la réforme administrative qui doit exiger une augmentation calculée sur la base du minimum requis pour vivre. L’Etat ne joue pas franc jeu avec ses agents, parce qu’il applique l’impôt sur pratiquement tous les éléments constitutifs du salaire  et refuse de faire pour les pensions. On a donc un taux d’imposition très important et un taux de cotisation pour les retraites stationnaire.
En ce qui concerne les agents auxiliaires, contractuels et personnels non permanents (tels que les matrones, les agents de nutrition communautaires etc.) ; personnel affilié donc à la CNSS, l’Etat ne respecte pas non plus la législation en vigueur à la CNSS qui exige une prise en considération de tous les éléments du salaire dans la cotisation (on applique les règles de la caisse de retraite de l’Etat à savoir cotisation sur salaire de base). Pire encore il y a beaucoup de personnels non déclarés (ex : il y a quelques 200 agents retraités cette année du secteur de l’éducation qui n’auront pas de pension parce qu’ignorés par la CNSS). L’autre anomalie est que l’Etat dont les rapports avec la CNSS se limitent aux cotisations qu’il doit effectuer pour ses agents en tant qu’employeur s’arroge le droit d’imposer à la caisse de souscrire au capital d’autres entreprises et la faisant ainsi dévier de sa mission de solidarité (ex :participation au capital de la nouvelle compagnie aérienne).
Le problème au niveau de la caisse encore est le plafonnement à 70.000 UM qui fait qu’on peut avoir quelqu’un qui avait un salaire très élevé et qui se retrouve avec une pension humiliante (salaire de 3.000.000UM, pension 70.000UM)

Autres problèmes :
–        La loi N° 75 016 du 20 janvier 1975 portant modification de la loi N° 61 016 du 20 janvier 1961 fixant le régime des pensions civiles de la caisse des retraites précise en son article premier : « La pension et la retraite viagère d’invalidité sont payés mensuellement à terme échu. » (page 15)
Ces textes sont certainement dépassés (c’est un autre grand problème)mais n’ont pas encore été modifiés, et on passe outre la loi parce qu’actuellement les pensionnés sont payés trimestriellement par la volonté de la BMCI. Pourquoi supprimer les bons de caisse qui étaient autorisés pour des salaires inférieurs à 15 000 UM.
–        Les admissions à la retraite n’ont été importantes en nombre que récemment, ce qui fait que les retenues des pensions des fonctionnaires durant ces 50 ans étaient à la disposition de l’Etat et on ne sait pas ce qu’il en a fait et on ignore sa situation réelle (confusion dans la gestion avec la marginalisation des fonctionnaires). D’ailleurs la loi N° 61 025 du 20 janvier 1961 instituant la caisse des retraites en RIM stipule en son article 9 (page 17)…  Pas une seule fois durant toute cette législature.
–        L’absence d’un seuil minimum au dessous duquel on doit payer (comme au niveau de la CNSS 60% du SMIG soit 12600 UM) et la non revalorisation des retraites maintiennent les retraités dans une situation de précarité (de pauvreté). Un régime doit accompagner son époque. Ex : un magistrat qui gagne aujourd’hui 500.000 UM va certainement se retrouver avec 50.000 UM de pension.
–        Je rappellerai encore devant vous le problème des fonctionnaires à la disposition de Mauripost admis à la retraite et que la société avait à un moment donné privé de leurs indemnités de départ à la retraite pour ensuite accepter le principe en réduisant considérablement le taux.
Solutions :
A indice égal, anuité égale, même pension !
Fixation d’un seuil minimum comme pour le SMIG ;
Assurer aux agents de l’Etat un traitement équitable ;
Revalorisation de la pension retraite de tous les fonctionnaires

2.    Pourquoi pas de reversement automatique de pension aux ayants-droit de la femme fonctionnaire décédée.
Référence : loi n°61016 du 20 janvier 1961 fixant le régime des pensions civiles de la caisse de retraite de la République Islamique de Mauritanie.
Titre VI : Pension des ayants cause
Chapitre III : dispositions particulières (page 8)
Article 25 : Le conjoint survivant d’une femme fonctionnaire peut prétendre à une pension égale à 50% de la pension d’ancienneté ou proportionnelle, obtenue par elle ou qu’elle aurait obtenu le jour de son décès et augmentée, le cas échéant de la moitié de la rente d’invalidité dont elle bénéficiait ou aurait pu bénéficier, si se trouve remplie la condition d’antériorité de mariage prévue au paragraphe III de l’article 21, et s’il est justifié, dans les conditions fixées à l’article 20, qu’au décès de sa femme l’intéressé est atteint d’une infirmité incurable le rendant définitivement incapable de travailler.
Nous avions souligné cette discrimination lors de la 1e session parlementaire 2009-2010 et votre prédécesseur nous avait formellement répondu que le Président de la République avait donné instruction pour la révision de cette disposition. Je vous demande si réellement l’instruction a été donnée et pourquoi elle n’a pas été suivie d’effet ?
3.    De la CNAM
Ordonnance n°2005-006 portant institution d’un régime d’assurance maladie
Titre IV : gestion et contrôle des prestations de l’organisme gestionnaire
Chapitre 1er : Condition d’ouverture, de maintien, de suspension ou de fermeture du droit aux prestations
Article 28 : les ayants droit de l’assuré décédé qui ne bénéficient d’aucun régime d’assurance maladie, à quelque titre que ce soit, continuent de bénéficier, pendant une période de deux années, des prestations du régime de l’organisme gestionnaire.
Pourtant une seule personne peut verser deux fois à la CNAM, ensuite deux conjoints peuvent être tous des assurés principaux et verser tous deux à la CNAM. Tout cela constitue un plus à la caisse (esprit de solidarité, alors pourquoi limiter à 2 ans la prestation de la CNAM à un ayants-droit?
La protection sociale des travailleurs est immorale Madame la Ministre. Ils ne sont pas associés à la gestion de leur argent. L’Etat décide seul pour les cotisations à la CNAM ; à la Caisse de retraite qui est confondue d’ailleurs à celle de l’Etat. Il est nécessaire d’assurer une autonomie du régime des retraites et de l’Assurance maladie bien sûr avec implication de l’Etat, mais celui-ci ne doit pas se substituer aux travailleurs.
Je vous remercie.

Source: rmibiladi

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