Barack Obama et l’Islam

Barak Obama avait fait de la réconciliation entre les États-Unis et le monde musulman, une priorité stratégique. C’était plus que nécessaire après les années Bush.

 

Il a voulu profiter de son voyage en Indonésie, pays musulman le plus peuplé du monde et dans lequel il a vécu enfant pendant quatre ans, pour réaffirmer que les États-Unis ne sont pas en guerre avec l’islam et envoyer au monde musulman un message de paix et de bonne volonté. C’est également bienvenu au moment où la victoire du Tea Party aux Midterms elections montent une nouvelle crispation de nombreux Américains par rapport au monde extérieur. La controverse sur l’édification d’un centre culturel musulman à New York près de Ground Zero a prouvé que, pour beaucoup d’Américains, islam et terrorisme sont liées de façon indissociable, alors qu’il y a déjà 20 % d’Américains qui pensent qu’Obama est musulman, ce qui contribue à leurs yeux à conforter le sentiment de rejet qu’ils éprouvent à son égard. Le geste d’Obama est courageux. Il est appréciable qu’un chef d’État privilégie l’intérêt stratégique à long terme de son pays, à un bénéfice de politique intérieure de court terme.

Malheureusement, on peut craindre que le discours de Barak Obama ne soit pas suffisant pour atteindre son objectif stratégique de réconciliation entre monde musulman et l’Amérique. En effet même dans un pays non arabe comme l’Indonésie, la cause palestinienne est centrale. La paix au Proche-Orient est vue comme le véritable test de la crédibilité américaine. Celle d’Obama pour parvenir à une paix juste était déjà remise en cause avant les élections de début novembre, elle est encore plus aujourd’hui car on peut craindre qu’il n’y ait aucune avancée avant les élections présidentielles de 2012 avec ce nouveau Congrès.

Au moment même où Obama a prononcé son discours, le gouvernement israélien annonçait la construction de 1000 logements supplémentaires dans Jérusalem Est. Obama a bien sûr protesté mais Nétanyahou a réaffirmé le droit souverain d’Israël de faire ce qu’il voulait chez lui et la protestation d’Obama est apparue vaine. Aussi, de nombreuses réactions après le discours du président américain ont été de se demander « qu’y a-t-il de neuf depuis le discours du Caire ? » Rien. Car si les négociations ont bien repris, on sait que dans la configuration politique actuelle elles ne mènent à rien.

Pour l’Indonésie, la cause palestinienne n’est pas simplement une affaire de solidarité musulmane. C’est à la conférence de Bandung en 1955 que le tiers-monde a pris diplomatiquement naissance. L’Indonésie se veut toujours le pays champion du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. C’est au nom de ce droit des peuples à disposer d’eux-mêmes que l’Indonésie se dit fortement engagée aux côtés des Palestiniens. Son émergence économique, l’enracinement de sa démocratie, lui donne par ailleurs un poids renforcé. Elle n’est pas dans une dépendance stratégique vis-à-vis des États-Unis contrairement à de nombreux pays arabes et a donc des marges de manœuvre diplomatique bien plus fortes.

Si Barak Obama conserve une très grande popularité en Indonésie en étant un peu considéré comme l’enfant du pays, tout comme il conserve une forte popularité à l’extérieur des Etats-Unis, des questions commencent à se poser sur sa véritable capacité à faire bouger les lignes. Nul ne met en doute sa bonne volonté mais il apparaît prisonnier d’un système politique américain et d’un Congrès très fortement décidé à n’exercer aucune pression sur Israël.
Barak Obama, après son élection, avait songé à faire son premier discours à destination du monde musulman à partir de Jakarta. Il avait finalement choisi le Caire pour ne pas donner l’impression qu’il voulait éluder la question israélo-palestinienne. Il en reconnaissait ainsi la centralité dans la relation entre Washington et le monde musulman.

Après son discours de Jakarta, c’est le scepticisme qui l’emporte. Les bonnes paroles ne suffisent pas. Si elles ne sont pas suivies d’actes, elles génèrent de très grandes déceptions.

Pascal Boniface

Source  :  pascalbonifaceaffairesstrategiques.blogs.nouvelobs le 15/11/2010

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