Scène politique:Aziz choisit son opposition

En dépit des dossiers brulants de la sécurité et de la guerre contre AQMI, le président Aziz ne cède rien sur la politique intérieure. Il est même en train de réussir un grand coup en arbitrant au sein de l’opposition pour choisir celui qui doit la représenter ou celui qui n’a pas ce droit et les formations politiques qui doivent rester dans ce camp où ceux qui doivent rejoindre la majorité présidentielle.

 La guerre contre le terrorisme est en train de dessiner les nouveaux contours du paysage politique national. Figée depuis la crise politique née du putsch du 6 août 2008, la scène politique est sur la voie d’un véritable bouleversement qui risquer de tout changer : les hommes et les alliances.
Au moment où on l’attendait le moins, les lignes politiques commencent à bouger. Cela a commencé avec la rencontre surprise entre Ahmed Ould Daddah, président du RFD et président de l’institution de l’opposition démocratique, avec le président de la République, Mohamed Ould Abdel Aziz. Une audience qui aura un effet immédiat : la reconnaissance par le RFD de l’institution présidentielle issue de l’élection de 2009 dont ce parti avait rejeté les résultats. Un tonnerre dans la vie politique qui continue d’intriguer toute l’opinion, peu informée sur les raisons de ce nouveau mariage Daddah/Aziz qu’on croyait tout simplement impossible. Les partenaires d’Ould Daddah au sein de la Coordination de l’Opposition démocratique (COD) ne sont pas bien informés que le commun des citoyens. Ould Daddah s’est limité à leur faire un compte rendu qui ne comporte point d’éléments pouvant expliquer son virage. Il a même dit et répété qu’il n’avait pas abordé des sujets politiques avec le président. Ce qui rend la situation encore moins lisible, n’est-ce pas ?
Au même moment, l’ancien parti Etat, Adil, ébauche une série de rencontres avec le président de la République qui cherche à tout prix à les amener dans sa majorité. Débute alors une partie faite de manœuvres et de contre manœuvres des deux parties. Le président tentant d’attirer Adil avec le prix politique le plus modeste et Adil voulant tirer le plus grand profit de cette situation en apportant au départ une plate forme de revendication politique qui reprend en grande partie les revendications de l’opposition. Les deux parties décident d’engager les pourparlers à travers la nomination de deux commissions pour préparer leur alliance. Très vite ce format, qui est présidé par  les premiers vice-présidents de l’UPR et Adil, parait incapable de traiter des questions qui dépassent largement les prérogatives de ses membres. De nouveau, le président d’Adil demande une audience avec le président pour lui expliquer que ses amis exigent un accord politique préalable à toute intégration de la majorité. Aziz, apparemment très attaché à mettre Adil de son côté, décide de désigner un nouvel interlocuteur en la personne du président de l’UPR qui doit préparer avec son homologue d’Adil un projet d’accord politique qui sera soumis pour avis.

Qu’est ce qui fait courir Ahmed ?
Le président du RFD explique à tous ceux qui veulent l’entendre qu’il est le dernier à dépasser l’épisode de la présidentielle et qu’il fait cela pour l’intérêt du pays qui est en guerre contre l’extrémisme. Un argument qui ne semble pas convaincre grand monde dans l’opinion. C’est pourquoi certains observateurs vont plus loin dans leurs analyses pour expliquer ce qu’ils présentent comme une nouvelle volte-face e du président de l’institution de l’opposition démocratique. Ils évoquent d’abord un voyage éclair en France au cours duquel Ould Daddah avait rencontré le nouveau conseiller du président français aux affaires africaines, André Parent. Une figure avec qui Ahmed avait noué connaissance à Bangui à l’époque où il officiait pour le compte de la Banque mondiale en Centre Afrique. Le nouveau monsieur Afrique de l’Elysée ne s’entend pas avec l’équipe de Guéant qui a accompagné le putsch d’Aziz jusqu’à son adoption par la communauté internationale. Un point qui doit logiquement le rapprocher du président du RFD. On ne sait pas exactement ce que les français avait dit ou promis à Ahmed, mais il les regarde désormais avec un nouvel œil, plus compréhensif.
Autre élément qui aurait joué dans la nouvelle position du vieil opposant : l’armée. Celle-ci et les français avaient en effet barré la route du palais présidentiel devant Ahmed en 2007. Il tient, sur la base d’une certaine analyse qui n’exclut pas une nouvelle aventure militaire pour changer le pouvoir, à les avoir de son côté. Ce qui les pousse à les soutenir ‘’aveuglement’’.
Mais quelque soit les raisons, apparentes ou cachées, qui guident les pas politiques d’Ahmed, il est sûr qu’il ne va pas rejoindre la majorité et qu’il rentrera dans le camp de l’opposition. D’ailleurs le pouvoir ne lui demande pas plus que cela : devenir une opposition légale qui reconnait les institutions de la République. Pour cela, il semblerait que le président échafaude déjà le scénario de la modification de la loi de l’institution de l’opposition pour donner à son chef beaucoup plus de pouvoirs en contrepartie de sa ‘’sagesse’’.
Si cette hypothèse se confirme, il faut s’attendre à beaucoup plus de déchirement dans le camp de l’opposition et à beaucoup de bruit sur la scène politique. Les choses peuvent même aller jusqu’à la sanction par le pouvoir de ceux qui ne veulent pas entrer dans le rang. Cela peut même se traduire par l’envoi de personnes politiques à la prison. Une éventualité d’autant plus probable que le pouvoir supporte de moins à moins la contradiction dans sa croisade contre AQMI.

Mohamed Mahmoud Targui

Source  :  Biladi le 31/10/2010

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