“Si les Mauritaniens acceptent de se retrouver…ils y arriveront”

Militant de première heure de la cause harratine, ancien dirigeant syndicaliste, grande notabilité dans sa région natale, homme politique d’envergure nationale, Boidiel Ould Homeïd est un baroudeur de la scène nationale.

Il est connu pour la franchise et la force dans le maintien et la défense de ses positions. Bien que parfois brutal dans l’expression de ses convictions, Ould Homeïd est un véritable homme politique qui sait bien manœuvrer, en attaquant quand il faut, se repliant quand le moment n’est pas à sa faveur et, surtout, capable de réussir les compromis avec ses adversaires. Son combat sans relâche et sans complaisance contre le coup d’État du 6 août l’a révélé au grand public qui le confondait avec tous les autres hauts cadres mauritaniens qui avaient été collaborateurs du président Ould Taya.
Le voilà aujourd’hui à la tête d’un parti de l’opposition qui, en dépit de la modération de son discours, s’oppose réellement à l’actuel président de la République. Biladi l’a rencontré et lui a posé certaines questions relatives à l’actualité politique nationale brulante.

Biladi : Quelles sont les raisons qui vous ont poussé à vous désolidariser de la position majoritaire de la Coordination de l’opposition démocratique (C.O.D) pour participer aux assises du débat sur le terrorisme dans notre pays?

Boidiel Ould Houmeïd (B.O.H) : D’abord, je ne me suis pas désolidarisé de la majorité de la C.O.D pour la bonne et simple raison qu’au niveau de la C.O.D la règle majorité-minorité ne s’applique pas. Les décisions sont prises par voie de consensus. Ensuite, comme vous le savez, la C.O.D est constituée d’un ensemble de partis qui ont chacun son autonomie. Mon parti, El Wiam, estime qu’il n’y a que deux types d’opposition : une opposition radicale qui ne reconnait ni le président de la République, ni le gouvernement, et dont les rapports avec le pouvoir en place sont donc conflictuels ; et une opposition démocratique qui reconnaît le Président de la République et toutes les Institutions de la république, mais ne fait aucun cadeau au pouvoir en place, s’oppose légalement et de manière responsable. C’est cette dernière attitude qui est la nôtre. Enfin, par rapport à la question du terrorisme, notre parti estime qu’il s’agit d’une question importante qui concerne l’ensemble des Mauritaniens et lorsque l’occasion se présente, ils doivent en discuter. Donc, la position de départ de mon parti était de prendre part à ce débat, à moins que la C.O.D ne décide à l’unanimité de ne pas y participer. Dès lors que deux autres partis membres de la Coordination ont décidé d’y participer, mon parti s’en est tenu à sa position de principe en faveur de la participation.

Biladi: Qu’attendez-vous de ce débat ?

B.O.H : Que les Mauritaniens s’entendent sur ce qu’est le terrorisme et sur la manière la plus efficace d’y faire face.

Biladi : Comment percevez- vous le boycott de la plupart de partis de la Coordination de l’opposition démocratique?

B.O.H : Ceux qui ont décidé de ne pas participer estiment qu’un sujet aussi important auquel l’opposition a été invitée aurait dû faire l’objet de consultations préalables concernant la conception, l’organisation et le déroulement d’une telle manifestation.

Biladi: Les partis de la C.O.D n’arrivent pas à dégager une politique de lutte commune. N’est-ce pas là un signe que leur combat pour un dialogue inclusif sur la base de l’accord de Dakar est totalement perdu ? N’est-ce pas là un signe que ces partis, ou du moins certains d’entre eux, font le jeu du pouvoir qui ne veut pas entendre parler de l’accord de Dakar ?

B.O.H : Je ne partage pas votre affirmation sur l’incapacité des partis de la C.O.D à dégager une politique commune. Ces partis sont tous d’accord sur une chose, c’est de s’opposer au régime du président Mohamed Ould Abdel Aziz. S’il y a des différences de points de vue, elles tiennent à la meilleure manière de le faire. Donc, les membres de la COD sont d’accord sur l’objectif, ce qui peut les partager, c’est éventuellement le choix du chemin à prendre.

Biladi : Puisque les partis de la C.O.D n’arrivent pas à s’entendre sur des questions importantes telles que la lutte contre le terrorisme, ne peut-on pas conclure que l’avenir de la C.O.D est compromis, que la Coordination va finir par voler en éclats ?

B.O.H : Je ne suis pas aussi pessimiste que vous, car la Coordination de l’Opposition est d’accord sur l’essentiel, c’est-à-dire que le terrorisme en général, et l’AQMI en particulier, doit être combattu avec la dernière énergie, mais sur notre territoire national, la sécurité des Mauritaniens doit être assurée par tous les moyens. Cependant, nous ne sommes pas d’accord pour aller hors de nos frontières combattre le terrorisme, car nous n’avons pas les moyens de le faire. Nous sommes un pays parmi les moins avancés du Monde. Et si nous devons combattre hors de nos frontières, cela doit se faire aux côtés de tous les pays concernés par la question et qui partagent avec nous le même espace géographique.

Biladi : Quel est l’objectif d’El Wiam aujourd’hui : un dialogue national inclusif ou un dialogue d’avec le pouvoir en vue d’intégrer la majorité comme le soutiennent certains?

B.O.H : L’objectif d’El Wiam est très clair : engager un dialogue inclusif entre le pouvoir et toute l’opposition et non pas un dialogue séparé avec le pouvoir.

Biladi : Quelles sont les chances de l’ébauche d’un tel dialogue entre le pouvoir et l’opposition sur la base de l’accord de Dakar? Quasi nulles n’est-ce pas, étant donné que l’opposition est désarmée face au président de la République qui a les faveurs de la communauté internationale qui a fait fi de l’application de l’accord de Dakar?

B.O.H :: Je ne suis pas de cet avis, car l’Accord repose sur des points qui concernent la Mauritanie et les Mauritaniens, et le Président Ould Abdel Aziz a dit qu’il était prêt à discuter de toutes les questions qui concernent les Mauritaniens.

Biladi : A la lumière de ce qui se passe économiquement, socialement, politiquement, quelle lecture faites-vous de l’avenir du pays?

B.O.H : Je pense que ce qui se passe en Mauritanie n’est pas propre à notre pays, mais il se trouve que chez nous la conjoncture économique et sociale est exacerbée par la situation politique. Si les Mauritaniens acceptent de se retrouver et de tracer ensemble le chemin qui leur permet de sortir de cette crise ils y arriveront, car le peuple mauritanien est un peuple intelligent et entreprenant.

Propos recueillis par Samba Camara 

Source  :  Biladi le 26/10/2010

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page