Nouakchott sous les eaux: Jusqu’à quand durera le calvaire des citoyens?

L’hivernage semble aborder sa dernière ligne droite mais le ciel reste encore gorgé d’eau, estiment certains  observateurs avertis. Pour eux, celui-ci est encore bas, les nuages s’y amoncellent  toujours. Samedi passé, le vent d’Est qui a balayé le pays a fait croire aux premiers signes annonciateurs de l’automne. Il s‘agit d’un vent caractéristique du retrait des crues du fleuve des plaines du Walo. Mais le petit orage qui suivit, dans la nuit, a rappelé, aux populations noyées des  quartiers de Nouakchott, que  la pluie n’avait pas décidé de prendre congé.

Comme l’hivernage dernier, Nouakchott est sous les eaux. Usées et stagnantes. Nauséabondes. Les quartiers d’El Mina et de Sebkha, de SOCOGIM, de Basra, sont devenus, presque tous, inaccessibles. Rares, aujourd’hui, les taxis qui acceptent de vous y conduire. Les populations des 5ème et 6ème se sentent, tout simplement,  abandonnées dans les eaux. Ce qu’on avait vu, il y a une année, à Dakar, se voit, en 2010, chez  nous. Ca n’arrive donc pas qu’aux autres. Dans ces  deux quartiers les plus peuplés de la capitale, de nombreuses familles  cohabitent avec les eaux venues squatter leur maison. On trouve, dans bien des chambres, des lits posés sur des briques, des fourneaux incandescents reposant sur des trépieds baignant dans l’eau.  Non seulement les cours des maisons sont inondées, mais, aussi, les rues et ruelles. Dans certaines maisons, l’eau ne vient, pourtant pas, du ciel  ou de la rue, mais des entrailles de la terre. Comme une marmite qui bout.

100 UM pour franchir le goudron!
 L’espace vital est réduit à sa portion congrue. L’intimité des familles  en souffre beaucoup.  Il s’ajoute,  à ces désagréments, une odeur nauséabonde, dégagée par une boue noirâtre où grouillent toutes sortes de vers, surtout du côté du marché du poisson, juste à l’ouest du centre de santé de Sebkha. Là, on voit de tout. Notamment des ordures  côtoyant des produits alimentaires, cuits ou crus, que certains citoyens ne se gênent nullement à consommer ou à acheter. Pour  pouvoir  traverser les eaux usées,  les citoyens  s’attachent des sachets en plastique aux pieds, d’autres se sont résolus à s’acheter des bottes. Cher, trop cher. Le bonheur des uns faisant le malheur des autres, les charretiers et autres propriétaires de pousse-pousse  en ont beaucoup profité, la veille de la fête, puisque, pour  franchir la route séparant les deux marchés du 5ème et 6ème, il fallait débourser 100 UM par personne.
Les nombreux couturiers, forgerons, menuisiers et mécaniciens, installés autour des marchés, ont beaucoup pâti des inondations, eux qui auraient dû profiter, amplement, de la fête: leurs ateliers étaient, tout simplement, inaccessibles aux clients.
Face à cette situation, les populations sont d’autant plus désemparées que les pouvoirs publics n’ont quasiment rien fait.  Sauf envoyer quelques motopompes et quelques citernes, pour vider certains lacs de certaines grandes voies. Pour le reste, les eaux règnent en reines. Parlant des établissements scolaires, un instituteur nous a décrit, avec humour, leur état: dans certaines écoles du 6ème arrondissement, on y verrait nager des hippopotames…
La Communauté Urbaine de Nouakchott (CUN) a procédé au versement de sable ou de «tout-venant» – une alternative parfois peu ragoûtante – dans les flaques d’eau. Problème: l’un et l’autre, une fois déversés, se transforment en lacs de boue qui, une fois asséchés,  dégagent des nuages de poussière. Quant aux communes, elles ont, elles, brillé par leur absence. Peuvent-elles faire autrement?  Ont-elles les moyens de gérer cette urgence ? Toujours l’incurie d’une décentralisation évanescente… La gestion de la proximité, ressort exclusif de la CUN et de l’Etat? Pour situer les responsabilités, nous avons tenté de joindre, au téléphone, l’adjoint au maire d’El Mina. En vain.

Nids de poules ou d’éléphants?
Les inondations ont occasionné de multiples dérèglements, dans tout Nouakchott, et la mobilité urbaine, chaotique depuis longtemps, est très fortement  perturbée.   De nombreux embouteillages se forment dans les grands axes à forte circulation. La fermeture de certains d’entre eux – mosquée marocaine/marché de la capitale, carrefour Mauritanie-couleurs/maison de la Culture –  a quasiment bloqué la circulation. Résultat des courses: on passe des heures pour monter de la banlieue vers le centre-ville et vice-versa.
Et ce n’est pas tout. Les pluies ont, aussi, révélé combien la résistance de nos goudrons est fragile. Avec les lacs qui se forment, s’assèchent et se reforment, ceux-là ne résistent, tout simplement pas. Partout se sont creusés des nids de poules pour ne pas dire d’éléphants. Des trous béants parsèment pratiquement tous les axes. On en trouve  au «poteau 3», au carrefour Nancy, au carrefour de la Foire, sur la route du marché de bétail, sur celle passant par le carrefour Yéro Sarr, jusqu’à la préfecture du 6ème. On les rencontre au «petit carrefour», à l’ouest de la SOCOGIM, pourtant construit il n’y a pas longtemps; plus béants encore à La Palmeraie, aux portes mêmes de la mairie de Tévragh Zeina, sur la route allant de la Foire  au garage dit Arafat, et de bien pires, peut-être. Le plus décourageant est qu’à l’instar du «petit carrefour», nombre de ces asphaltes  ont moins de cinq ans. La question qui mérite d’être posée est de savoir si les goudrons qu’on est en train de couler, dans la ville, résisteraient mieux  que ces «anciens»?

Dalay Lam

 

Source  :  Le Calame le 15/09/2010

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