Mariem SOUMARE sur KASSATAYA : « JE N’AI PEUR DE PERSONNE MOI !»

Comme une fusée jaillie du néant une silhouette noire déchire le ciel européen en cet après-midi estival de juillet 2010. La fusée c’est pour le bouquet final, devant un public hilare, hébété de voir débouler une parfaite inconnue qui grille la politesse à une belle brochette de favoris. Les parieurs en seront pour leurs frais.

Pour Myriam Soumaré ce jour de gloire est l’aboutissement d’efforts consentis sur les pistes d’athlétisme depuis quelques années déjà. Athlète atypique, Myriam l’est assurément, elle qui n’est arrivée dans cette discipline que tardivement, à l’âge de 18ans. Cinq années pour côtoyer les plus hauts sommets, les cimes. Vous avez dit rapide ? Une médaille de bronze qui révèle Myriam au monde. Une performance pour les spécialistes. Mais le meilleur est à venir. Un jour plus tard, le monde du sport entend le coup de tonnerre, l’or aux 200mètres et surtout un record personnel pulvérisé. Qui dit mieux ? C’est cette athlète exceptionnelle partagée entre Diougountourou et Villiers le bel, la Mauritanie et la France que KASSATAYA a le plaisir de recevoir ce soir.

 100 mètres en 11 »18  : bronze

4X100 mètres en 42 »45  argent

200 mètres en  22 »32  : or

 Interviewers : Tierno TANDIA, Abdoulaye DIAGANA, Mariem mint DERWICH, Zeïnabou N’GAIDE et Samba TRAORE.

La version audio de l’interview sera bientôt disponible en podcast sur kassataya.

KASSATAYA : Tu dis, en parlant de toi «  je suis une grosse fainéante ». Alors comment, quand on est une « fainéante », devient on championne d’Europe?

M. SOUMARE : (rires) C’est vrai que je suis fainéante. En fait je dors beaucoup, de 10 à 12 heures par jour. Mais, arrivée à l’entraînement, je suis une bosseuse. Je sais être fainéante et bosseuse à la fois.

KASSATAYA : Il paraît qu’au début tu ne faisais qu’un entraînement par semaine…

M. SOUMARE : C’est vrai.

KASSATAYA : Tu es une sprinteuse spécialiste du 100 mètres. Pourquoi avoir choisi cette distance?

M. SOUMARE (rires) Parce que c’était plus rapide…!

KASSATAYA : Comment es tu tombée dans l’athlétisme ?

M. SOUMARE : Ma grande sœur Aminata, mon aînée de 2 ans, faisait déjà de l’athlétisme et elle savait que je courrais vite mais moi ça ne m’intéressait pas trop. Elle l’a dit à son entraîneur. Il habitait en face de chez moi et chaque fois qu’il me croisait dans la rue il me demandait de faire un test de vitesse, juste pour voir. Il commençait à être un peu oppressant et juste pour avoir la paix je me suis dit de faire le test, comme ça il me laissera tranquille. Apparemment j’ai fait des chronos de folie. Il m’a donc motivée en me disant de tenter l’athlétisme au moins pour une année. Je suis allée aux entraînements plus pour rigoler que pour travailler. Et 3 mois plus tard j’étais championne de France. On s’est dit alors, mon entraîneur et moi [Olivier DARNAL, NDLR] qu’il y avait peut être quelque chose à faire….

KASSATAYA : Comment tes parents ont-ils réagi?

M. SOUMARE : Mon père était super content que je fasse un sport avec ma sœur. Ma mère était plus déçue par mon manque de motivation. Elle m’a dit de faire ce que je voulais. Je n’étais pas passionnée et elle le voyait. Puis, petit à petit, elle a vu que je m’épanouissais dans cette discipline et que j’étais dans un bon groupe d’entraînement alors elle a été à fond avec moi.

KASSATAYA : Tu avais alors18 ans, comment es-tu parvenue à concilier sport et études?

M. SOUMARE : J’étais lycéenne préparant un bac littéraire. Je ne parlais pas beaucoup de mon autre vie « sportive » autour de moi, juste à mes meilleures amies. Moins j’en parlais mieux j’étais.

KASSATAYA : Avant Barcelone est ce que tu imaginais que tu allais « crever » le plafond ?

M. SOUMARE : Mon entraîneur n’arrêtait pas de me répéter que j’allais être très bien, super en forme. Mais je ne m’attendais pas à faire de tels chronos. Personne n’avait parié sur moi. Même moi je savais que j’étais en forme mais battre mes propres records a été une surprise. Sur le 100 mètres j’étais un peu plus confiante car je partais avec un chrono de 11 »43. Je savais que j’avais quelques défauts, mais bon… Mais pour le 200 mètres je ne m’attendais pas vraiment pas à ce chrono là !

KASSATAYA : Dans quel état d’esprit étais-tu? Est ce que tu avais conscience de ce qui t’arrivait, de ce qui était en train de se passer pendant la course?

M. SOUMARE : Non pas du tout. Comme j’étais au couloir 8, le couloir extérieur, je ne voyais pas ce qui se passait pendant la course. J’étais concentrée sur ma course. Je suivais les consignes de l’entraîneur qui étaient : partir super fort – ce qui est un de mes points forts-, essayer de maintenir la vitesse vu que j’étais fatiguée et, ensuite, essayer de relancer parce que j’ai vu les filles arriver et je me suis dis « Bon allez, c’est la dernière course individuelle; je donne tout ce qui  reste! ». C’est vrai que pendant toute la course, jusqu’aux 2 derniers mètres, je ne savais pas ce qui se passait à côté de moi.

KASSATAYA : Où es-tu allée chercher ces ressources à la fin? Qu’est ce qui t’a motivée? A un moment tu t’es dis «  Là c’est la poussée. C’est la vie ou la mort…J’y vais » :

M. SOUMARE : (rires) C’est Martial MBANDJOCK [sprinteur de l’équipe de France NDLR), qui avait fait le 100 mètres et le 200 mètres avant moi, qui m’avait prévenue le matin. Il m’a dit : « Ecoute Mariem tu as ta finale du 200 mètres. Tu es dans le couloir 8 comme moi. Attention! Les derniers 50 mètres vont être hyper difficiles. Tu vas être très très fatiguée. Donc surtout n’oublie pas,  ne lâche rien ». Je pense que c’est ça qui a fait toute la différence et que pendant la course j’ai du me rappeler cette phrase et je ne sais pas ce qui s’est passé ; je me suis dit « ah non non ! On m’avait prévenue ! Donc allez ! Je donne tout !» et c’est passé.

KASSATAYA : Pour ton staff, faisais-tu partie des espoirs de médaille?

M. SOUMARE : Non! Non ! non ! Je sais que sur le papier j’étais classée 20ème sur 100 mètres et 8ème sur 200 mètres. Donc si on regarde les pronostics j’étais, limite [prête pour] une finale pour le 200 mètres et rien pour le 100 mètres. Je n’étais pas du tout dans les favoris.

KASSATAYA : Alors tu es d’accord quand le journal Le Monde écrit «  Myriam Soumaré, la fille prodige de Villiers-le-Bel »?

M. SOUMARE : (rires) Prodige je ne sais pas. Une belle surprise, oui ! ça c’est sûr !

KASSATAYA : Mais on peut parler de prodige : trois mois après avoir cédé aux pressions de ton entraineur tu étais championne de France. Tu commences à 18ans et 5 ans plus tard tu es triple médaillée dont une médaille d’or aux championnats européens, à seulement 23ans, qui plus est tu es une paresseuse !

M. SOUMARE : (rires) On va dire que je suis douée et très bosseuse!

KASSATAYA : Dans les 24 Heures qui précèdent une course qu’est-ce qui se passe dans la tête d’un athlète?

M. SOUMARE : Eh ben, juste après le 100 mètres [médaille de bronze] j’étais super zen, super cool parce que je venais d’avoir ma médaille alors que je ne pensais pas repartir avec une… autour du cou.  Donc déjà j’avais une pression en moins. J’étais beaucoup plus motivée pour Lina JACQUES-SEBASTIEN [sprinteuse de l’équipe de France] parce que je pensais vraiment qu’elle allait faire un podium. Je l’encourageais pendant « la chambre d’appel », avant de rentrer sur le stade. J’étais vraiment décontractée. Je rigolais avec mon entraîneur ! Et même pendant l’échauffement je lui dis « écoute Olivier, j’ai mal aux jambes, je crois que je commence à être fatiguée ». Il me dit « écoute Myriam! moi je te dis que pendant l’échauffement tu avais l’air super en forme. Donc ne t’inquiète pas, ça va aller ». Moi je continuais à rigoler : je suis une fille qui rigole tout le temps. J’étais décontractée… J’étais là pour faire ma finale et puis rentrer chez moi tranquillement. Voilà quoi! (rires). J’étais là pour remplir un contrat. J’étais super motivée. J’évite de penser à un podium avant une course parce que j’ai l’impression que ça va me porter la poisse. Mon objectif principal était de battre mes records. Et tout ce qui arrive après c’est que du bonus!

KASSATAYA : Tu nous as offert la plus belle Marseillaise qui nous a été donnée de voir : une Marseillaise chantée, une Marseillaise dansée. Qu’est-ce qui se passe dans ta tête à ce moment là?

M. SOUMARE : Je ne sais pas si vous avez la même vue que nous au stade. Mais, du podium, on voyait tout le stade tourné vers nous pendant les quelques secondes de l’hymne national et c’est vraiment impressionnant. Je me suis dis « Mais attends ! C’est un moment magique ! Il y a des gens qui s’entraînent toute une vie pour avoir même le minimum de ce que j’ai. Mais, Mariam, savoure quoi! » . Je connaissais la Marseillaise et j’ai chanté à pleins poumons, parce que j’étais fière de… je suis fière de mon origine, je suis fière du drapeau et fière d’avoir représenté la France pendant cette course.

KASSATAYA : Tu as eu une pensée pour tes parents à ce moment là?

M. SOUMARE : Ah mais, toute ma famille, tous mes parents, mes amis, tous les compatriotes de la Mauritanie, mon club, les Africains, les Arabes…. : j’ai eu des pensées pour tout le monde (rires). C’était vraiment…woaw !

KASSATAYA : Tu as parlé de « zénitude ». Tu ne te prends pas la tête. Tu es une athlète dont on a l’impression qu’elle prend les choses comme elles viennent. Tu rigoles sur toutes les vidéos, on t’a vue danser sur le podium avant de recevoir ta médaille. Tu as un peu du fun et c’est qui te différencie des autres athlètes que l’on voit souvent tendus, sous pression et qui ne prennent pas le temps d’allier l’utile à l’agréable pendant qu’ils sont en compétition?

M. SOUMARE : Je suis consciente de la chance que j’ai, du don que j’ai. Par exemple je suis dans un groupe où il y a des filles qui s’entraînent toute l’année pour viser même les championnats régionaux et qui n’y arrivent parfois pas. Moi je suis là, aux Championnats d’Europe, dans une super belle délégation; j’avais des chances de médailles; j’ai fais des médailles. Franchement, je ne prends tout…, je dis pas à la rigolade, parce que je sais quand même être sérieuse et me concentrer quand il le faut. Mais je vois le côté positif, je reste positive. Après, c’est vrai que des fois je suis stressée mais ça ne m’empêche pas de dire bonjour aux gens qui m’entourent, d’être polie, aimable, et assurer; ça ne fait que du bien!

KASSATAYA : (rires) Tu ne portes pas de casques de MP3 sur les oreilles, pas de walkman…?

M. SOUMARE : Si ! J’ai un walkman pendant les échauffements (rires)

KASSATAYA : mais en sortant du bus ou des vestiaires ?

M. SOUMARE : Ah non! (rires)

KASSATAYA : C’est vrai que tu n’enlèves ton hijab que juste avant la course?

M. SOUMARE : Pendant l’échauffement je l’ai. En Espagne on m’avait dit, avant le 100 mètres, qu’il me faudrait l’enlever sur le stade. Je l’ai donc enlevé, sans problèmes. Finalement on m’a dit que je pouvais le garder. Quand on me demande de l’enlever je l’enlève sans poser de problèmes mais si je peux le garder le plus longtemps possible je le garde.

KASSATAYA : Tu as eu la chance d’être reçue, avec la délégation française, à l’Elysée. Tu as rencontré et mangé avec le Président Nicolas Sarkozy. Que t’a-t-il dit?

M. SOUMARE: (rires) On est rentré directement dans le salon. Il a serré la main à tout le monde et a eu un petit mot pour chacun. Arrivé à moi, la première chose qu’il m’a dite c’est «  Vous êtes une très bonne danseuse » (rires); ça a fait rire tout le monde. Ensuite il a fait un petit discours et après on est sorti manger dans son jardin, sur la terrasse et là il m’a demandée de quelle origine j’étais. J’ai répondu que j’étais d’origine mauritanienne et il m’a dit : «  Mais je connais la Mauritanie et le Mali » (rires). Il a ajouté « Vous dansez vraiment bien. Si vous voulez vous reconvertir je vous conseille la danse » (rires)

KASSATAYA : Dans les clips de Carla BRUNI? (rires)

M. SOUMARE : Je ne crois pas non. (Rires) Mais il était agréable et très gentil. Il a parlé de tout et de rien avec moi et voilà…

KASSATAYA : Tu as annoncé que tu allais participer au meeting de Zurich le 18 Août. Là il va y avoir du lourd : les 2 grandes championnes que sont Allison FELIX l’Américaine et Véronica CAMPBELL la Jamaïcaine. Tu es juste derrière elles. Tu y vas décomplexée maintenant?

M. SOUMARE : Là je suis sur un 100 mètres. C’est sur le 200 mètres que je suis 3ème au bilan. Là aux 100 je suis un peu plus loin derrière. J’y vais pour battre mon record et finir la saison en beauté. Alors je n’ai pas eu de pression pour « les Europe ». Je ne vois pas pourquoi j’en aurais pour ce meeting, même s’il est très important. Je pense que c’est ma force, de rester à peu près détachée. Eh ben ça va continuer. Par exemple là je ne connais même pas la liste des engagées. Je ne regarde jamais. Je me dis que je finirais bien par découvrir les autres concurrentes quand je serais devant les starters. Je ne regarde jamais avec qui je cours. Je ne suis pas impressionnée plus que ça. Je n’ai peur de personne moi.

KASSATAYA : As-tu reçu des appels de Mauritanie ? Des félicitations de tes grands parents par exemple ?

M. SOUMARE : Oui. J’ai eu plein d’appels de toute la famille, que ce soit à Djougountourou [village d’origine de Myriam, dans la région du Guidimakha, sud de la Mauritanie], à Nouakchott, à Dakar; ça me fait plaisir de voir qu’ils ont suivi la course et qu’ils sont derrière moi. Et c’est vraiment très sympa !

KASSATAYA : Comment gères-tu aujourd’hui cette euphorie avec ton travail par exemple? Parce que ce qui t’arrive, Mariam, c’est « violent » non?

M. SOUMARE : Quand j’étais à Barcelone on m’avait prévenue qu’un petit phénomène s’était créé, qu’il y avait des journalistes devant la maison. Le téléphone n’arrêtait pas de sonner. Mais je ne croyais pas trop. Moi, je me disais : « OK j’ai fais une médaille. Mais ça ne mérite pas tout ça! ». Au retour, à l’aéroport, avec tous les journalistes, ça a été un vrai choc. Heureusement que mon entraîneur était là pour calmer et gérer tout ça. Parce que c’est vrai qu’il y a de quoi tourner la tête. Il y avait des drapeaux français, des drapeaux mauritaniens… Il y a des journalistes quasiment toute la journée devant chez mes parents. Je reçois plein de courriers. C’est vrai que c’est très agréable et très surprenant et je n’y étais pas du tout préparée.

KASSATAYA : Comment tu vas désormais concilier travail, sport… Tu vas changer de travail?

M. SOUMARE: Non! Je m’épanouis dans ce travail. Je suis auxiliaire de puériculture. J’y suis heureuse. Je vais continuer mon mi temps : travailler tous les matins. Pour le moment j’ai posé des jours de congé car les championnats ont été assez fatigants. Il faut que je parte un peu en vacances moi aussi! Mais en Septembre je reprends le boulot.

KASSATAYA : Que devient Aminata ta grande sœur?

M. SOUMARE : Là elle est partie 3 mois aux Etats-Unis pour apprendre l’anglais et elle va passer des concours à la rentrée. Mais elle a arrêté le sport.

KASSATAYA : Tu parles souvent de la Mauritanie. Tu y vas souvent?

M. SOUMARE : La dernière fois que j’y suis allée c’était fin 2008. Mais avant cela je n’y étais pas allée pendant 15 ans. J’étais là bas quand j’étais petite : de 6 mois à 6 ans. Ensuite je suis venue en France.

KASSATAYA : Est ce que tu as eu un petit mot des autorités mauritaniennes après ta victoire?

M. SOUMARE : Pas de là bas directement mais l’Ambassade de Mauritanie à Paris a cherché à me joindre plusieurs fois. Je n’ai pas encore eu le temps de les recontacter.

KASSATAYA : Tu es au début d’une très belle aventure, on espère, quels sont tes projets pour le sport, pour ta vie, pour ton quartier…?

M. SOUMARE: Franchement là j’ai vraiment pas eu le temps de me poser, réfléchir à l’avenir. Pour le moment j’ai juste eu le temps de savourer ma médaille et d’essayer de gérer ce qui se passe du côté médiatique, les émissions, les radios, les séances photos… Après c’est vrai que je sais que j’ai une image à porter, que je suis devenue un peu un modèle pour certains. Mais je n’ai pas encore pensé à ça. Là je découvre encore.

KASSATAYA : Est ce que tu aurais un message à faire passer à tous les jeunes en Mauritanie ou en France qui aimeraient aussi percer dans l’athlétisme?

M. SOUMARE: Je leur dirais que l’athlétisme est un sport très difficile. Il faut être courageux, très endurant. Il faut s’entraîner très dur parfois, dans des conditions assez difficiles. Et il faut rester motivé. Il faut y croire. C’est vrai que moi je n’y croyais pas. Et c’est à partir du moment où j’ai commencé à y croire que ça a marché. Donc, essayer de rester motivés et les chronos vont descendre, vont suivre. Et après j’espère que la chance va tourner en leur faveur parce qu’il faut le petit plus qui fait que ça arrive. Il faut courir vite à tel championnat, à telle course, et je ne leur souhaite que du bonheur.

KASSATAYA : Tu n’as pas encore de projets. Mais tu as bien un objectif? C’est lequel?

M. SOUMARE : Ah objectif sportif ! … déjà les Championnats d’Europe en salle et, cet été, les Championnats du monde. Mais c’est juste mon entraineur qui y pense. Moi comme je vous dis, je ne vise rien de précis, j’espère juste battre mes records, faire des sélections et, après, faire mon job.

KASSATAYA : En France, où on n’est jamais content (rires) on entend certains dire « ces chronos sont bons pour les championnats d’Europe, mais pour les championnats du monde il faudra faire mieux… ». Toi aussi tu te dis qu’il va te falloir maintenant te prendre un peu plus au sérieux pour aller plus loin?

M. SOUMARE : Le sport c’est une passion. Je m’investis vraiment. Je fais des sacrifices pour réussir. Même si ça ne se voit pas trop (rires)

KASSATAYA : On a l’impression que tu ne sens pas tes forces, que tu ne pousses pas pour avoir ça….

M. SOUMARE : Si!! J’ai peut-être donné une mauvaise image… mais il faut dire que depuis le mois de septembre dernier j’ai dû rater 3 entraînements maximum. Je parais détachée mais je prends tout ça au sérieux. Mon 22 »32 je l’ai fait dans le gratin européen. Maintenant il me faut affronter le gratin mondial. J’ai appris que ma performance était classée 3ème au niveau mondial. C’est quand même très très bien je trouve (rires) ! Mais je le dis et le redis : je n’ai peur de personne. Et arrivée dans les grands championnats je me battrai et je verrai ce que ça va donner ! Les gens qui ne sont pas satisfaits je leur dis « attendez juste encore un petit peu et vous verrez ! »

KASSATAYA : C’est la Soumaré qui parle là !!!

M. SOUMARE : (rires) Exactement!

KASSATAYA : Comment tu arrives à concilier le régime alimentaire africain et le régime alimentaire d’une sportive?

M. SOUMARE : Ca va peut être vous surprendre mais je ne mange quasiment que de la nourriture africaine : du maro [riz] du boutah [plat soninke à base de pâte de mil et de sauce faite de feuilles de baobab ou d’épinards NDLR], du fouto [couscous à base de mil assaisonné de sauce d’épinards ou de haricots] (rires). J’adore ça, surtout le boutah qui est un de mes plats préférés…

KASSATAYA : Que tu prépares toi-même ?

M. SOUMARE : [petite hésitation] euh je préfère la cuisine de maman ! C’est plus riche je trouve (rires). Donc après, dans les championnats, comme je ne mange que hallal, je ne mange que des pâtes, du riz et du poisson. Ça ne me dérange pas. Je ne fais pas de régime particulier. J’évite juste les boissons gazeuses et les aliments qui m’affaiblissent. Je n’ai pas de régime et j’adore la cuisine africaine.

KASSATAYA : Est ce qu’une médaille ça paie bien? On peut vivre de l’athlétisme?

M. SOUMARE: Si vous pensez qu’il y a de l’argent dans l’athlétisme vous vous gourez. Pour ma médaille d’or j’ai touché une prime de 10 000 euros (rires).

KASSATAYA : On est loin de ce que les bleus ont failli toucher malgré leur échec en Afrique du Sud. Toi qui habites dans un quartier qui a connu des émeutes (Villiers-le-Bel), un quartier qui a été montré du doigt, est ce tu n’es pas un peu énervée quand on te présente comme quelque chose d’exceptionnel, sous entendu que pas grand chose de bon ne peut sortir des « cités »? Tu n’as pas l’impression que tu es en train de présenter une autre vérité, une autre France?

M. SOUMARE C’est vrai que l’on me parle souvent du fait que je viens de Villiers le Bel. C’est un fait : je viens de Villiers le Bel, du quartier où il y a eu des émeutes; ça c’est passé juste sous mes fenêtres… Je représente Villiers le Bel et tout ce qui va avec. Et j’ai envie de dire qu’il y a des sportifs qui réussissent, des intellectuels aussi. Il y a du bien partout. Il y a des gens qui réussissent, qui font tout pour réussir. Je suis une de ceux-là, il y en a plein d’autres.

KASSATAYA : Est-ce que avec cette notoriété soudaine tu as envie de t’investir dans d’autres domaines, aider d’autres à y arriver?

M. SOUMARE : Oui dans tous les cas je suis une fille qui aime bien aider les autres. Je ne sais pas encore ce que je peux donner. Je vais réfléchir à cela parce que je suis consciente que j’ai fais quelque chose de très sympa et je sais qu’il y a des choses à en tirer. Je vais me poser calmement et réfléchir.

Kassataya : Mariem Soumaré, merci pour nous avoir accordé un peu de ton temps. On te souhaite un long long chemin.

KASSATAYA le 15 / 08/2010

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