«Guérilla» entre la DGI et les banques

La Direction Générale des Impôts (DGI) a envoyé, la semaine dernière, des mises en demeure à toutes les banques primaires du système mauritanien, en demandant, à chacune, de verser un montant, important,  au titre de «redressement fiscal».

La Banque Internationale pour le Commerce en Mauritanie (BCM), considérée, il y a quelques années encore, comme le fleuron de nos établissements bancaires privés, doit s’acquitter de la bagatelle de 1,8 milliard d’ouguiyas;  la Banque Nationale de Mauritanie (BNM), 1,2 milliard; la   BADH, 1,1 milliard; la Banque Internationale pour le Commerce (BCI), 800 millions;  la BAMIS,  563 millions; BNP Paribas, 281 millions; la Société Générale, 200 millions, et   la Chinguitty Bank, 91 millions. BNP Paribas et la Société Générale sont des filiales de groupes étrangers, avec un capital majoritairement étranger. Seule la Générale de Banque de Mauritanie (GBM), première banque d’affaires du pays, est hors du lot des «punies». Elle aurait convenu, dit-on, un arrangement à l’amiable, en payant un montant de 100 millions d’ouguiyas, avant le déclenchement de l’actuelle campagne du fisc.

De la version servie par les banques pour expliquer cette affaire, il ressort les faits suivants: le bilan 2009 a été envoyé aux impôts et l’argent dû au fisc, au titre de l’année de référence, a été payé sur la base de ces résultats. Pas du tout convaincue par  les éléments contenus dans les différentes déclarations, la DGI a estimé que ces dernières ont été surprovisionnées, pour éviter de payer trop d’impôts. D’où la décision de redressement fiscal, «invitant» les contribuables à régler les montants réclamés, dans un délai de 8 jours. Une source anonyme, proche de la DGI, citée par l’agence de presse Mauritanie 24, fait état de «fraudes commises par les banques» sur la base de «fausses déclarations fiscales» et précise que le mouvement de contrôle a concerné d’autres entreprises. Mais pourquoi ce haut responsable de la DGI requiert-il l’anonymat, s’il  estime que l’administration fiscale est dans son bon droit et maîtrise, réellement, le sujet dont il est question? Mystère.

Le devoir de payer l’impôt n’a rien à voir avec un secret d’Etat. Ce n’est pas, non plus, un secret militaire. Si la procédure suivie est transparente, on doit avoir le courage de s’expliquer, publiquement, et de faire face à une éventuelle contradiction. Montrer que toutes les procédures légales ont été respectées. La base de la bonne gouvernance économique est le respect de la loi, même si l’on a affaire à quelques «fraudeurs avérés». Un événement tel que le  «relèvement»  récent de deux directeurs nommés en conseil des ministres ressemble  à un  pied-de-nez à l’autorité, qui aurait tout intérêt à mieux surveiller les choses, du côté du fisc.

 

Les banques font bloc

Justifié ou non, l’emballement de la machine des impôts contre les institutions bancaires primaires et quelques autres entreprises de la place  est à l’origine d’un début de panique dans le système bancaire mauritanien. Les banquiers  craignent une asphyxie, à court terme, compte-tenu d’un  environnement économique nationale et international déjà difficile, du fait de la crise persistante. Toutes les banques, y compris la GBM,  se montrent solidaires, face  à «l’adversité». Elles bénéficient, également, du soutien de la Banque Centrale de Mauritanie (BCM), institution d’émission de la monnaie nationale, investie de la mission de régulation du système bancaire.

Du coup, tout le monde décide de ne pas passer à la caisse pour le règlement. Prémisses d’un bras de fer entre le fisc et les banques? Une situation qui n’irait, nullement, dans  l’intérêt de l’Etat, encore moins dans celui des institutions bancaires qui ont saisi le ministre des Finances, pour trouver une solution rapide. Le paiement de l’impôt est une obligation légale car il est essentiel au fonctionnement de l’Etat.  Pourvu, simplement, que toutes les règles de  procédure  aient été respectées et la DGI, dans ce cas, se retrouve dans son bon droit.

Cependant, quelque soient les arguments de celle-ci et des banques, on est en droit de se demander, sur le plan du timing, si le déclenchement de cette «tension», quelques jours avant la table ronde des bailleurs sur la Mauritanie, prévue à Bruxelles les 22 et 23 juin, tombe au bon moment… Cela d’autant plus qu’une journée sur la promotion et des opportunités de  l’investissement privé étranger en Mauritanie figurent  au programme de ces assises.

Amadou Seck

Source: Le Calame

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